Reportage
"Chanter ensemble une dernière fois dans Notre-Dame" : après des années sur le chantier de la cathédrale, le chœur des compagnons prépare une représentation inédite

Parmi les 87 chanteurs du chœur des compagnons, certains n'avaient aucune expérience dans le chant.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le chœur des compagnons à l'église Saint Séverin avec assis au premier plan le chef de chœur Frédéric Pineau et l'organiste Yves Castagnet, novembre 2024. (ANNE CHEPEAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

J-5 avant la réouverture de Notre-Dame. La cathédrale rouvrira, samedi 7 décembre, après plus de cinq années de chantier qui ont mobilisé quelque 2 000 personnes. Une aventure que certains ont décidé de prolonger en rejoignant le chœur des compagnons qui chantera le 11 décembre dans la cathédrale. Franceinfo a rencontré quelques-uns de ces chanteurs amateurs, à l'occasion d'une de leurs dernières répétitions.

C'était un soir de novembre : les 87 chanteurs répétaient à l'église Saint-Séverin, à quelques minutes à pied de Notre-Dame, sous la direction du chef de chœur Frédéric Pineau : "Ce qui est complètement saisissant, c'est de se retrouver face à un groupe de personnes qui dans leur vie font du beau, de l'art, et décident de faire du beau dans un autre domaine qui n'est pas le leur. Ça, c'est extrêmement touchant." La première répétition a eu lieu dans une église et avec l'organiste Yves Castagnet, qui les accompagnera le 11 décembre quand ils chanteront, pendant la messe des donateurs, le cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré.

"Un dernier hommage qu'on pouvait rendre à Notre-Dame tous ensemble"

Stéphanie Duchêne, ingénieur au laboratoire de recherche des monuments historiques, a eu l'idée de ce chœur. Avec sa collègue Dorothée Chaoui Derieux, archéologue à la direction régionale des affaires culturelles, elle a lancé un appel à tous ceux qui travaillaient sur le chantier de Notre-Dame. L'engouement a été immédiat avec une centaine de réponses positives, de tous les corps de métiers, raconte Stéphanie Duchêne : "On sent tous qu'on va avoir de la nostalgie de ce chantier. Je pense que c'est ce qui a parlé aux musiciens comme aux non-musiciens et l'envie de se retrouver jusqu'à la réouverture."

Le chef de chœur Frédéric Pineau lors de l'avant dernière répétition du chœur des compagnons à l'église Saint-Séverin, novembre 2024. (ANNE CHEPEAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Parmi ceux et celles qui ont dit "oui" tout de suite, il y a Marie-Cécile Kfouri. Elle est restauratrice de peintures murales : "J'ai trouvé que c'était une très, très bonne idée. C'est un dernier hommage qu'on pouvait lui rendre tous ensemble. On a tous œuvré pendant deux, trois, quatre, cinq ans pour certains. Et là, chanter ensemble une dernière fois dans Notre-Dame, se dire au revoir, dire au revoir à Notre-Dame, à quelques années d'une belle aventure."

"Un chantier que je vais garder en mémoire toute ma vie"

Dans ce chœur, tout le monde était bienvenu, musicien ou non : certains n'avaient jamais chanté. Romain Renaud est charpentier, n'est pas musicien mais comme compagnon il a l'habitude de chanter. Il se souvient très bien de la première répétition au printemps dernier : "À la première répétition, je me suis dit : 'On ne sera jamais prêts'. Je n'y croyais pas du tout. Les niveaux des uns et des autres étaient très disparates. Il y a des gens qui ne savaient même pas dans quelle tessiture ils chantaient. Et le chef de chœur a su, en très peu de temps, obtenir de nous un résultat très satisfaisant. Je ne suis pas spécialiste, mais je vois bien qu'on chante juste. J'espère que le jour J, on n'aura pas la gorge dans les talons et qu'on arrivera à faire aussi bien qu'en répétition."

"Je pense que chacun est très heureux et très fier de sa progression et d'entendre le groupe qui a progressé de façon indéniable depuis les premiers temps."

Romain Renaud, charpentier

à franceinfo

Ce chœur, tous le disent, c'est une façon de prolonger l'aventure, de reculer le moment où il va falloir quitter Notre-Dame. Un moment que redoute Aurélie Wibaux, chargée de pilotage sur le chantier : "Dans notre tête c'est un chantier. Le voir en transition, devenir une église, c'est une phase qu'on passe maintenant mais qui n'est pas facile à passer pour nous. Parce que, quelque part, ça veut dire qu'on est obligés de rendre notre bébé aux autres. C'est un peu compliqué. Pour moi, ce chantier est un rêve. Participer à ça, c'est inespéré, c'est un chantier que je vais garder en mémoire toute ma vie. C'est pour ça que c'est d'autant plus difficile quand ça s'arrête."

"On quittera définitivement notre statut de travailleur à Notre-Dame"

Tous sont tournés vers la réouverture et vers le mercredi 11 décembre où ils vont chanter dans Notre-Dame. À la fin de la répétition, Marie-Cécile Kfoury, la restauratrice de peintures, mesure le travail accompli : "Quand on chante, à la fin de la répétition, le chant en entier et là aujourd'hui avec l'orgue, c'est un grand moment. C'est grandiose. Là, on se projette beaucoup parce que c'est la première fois qu'on répète dans une église, donc avec une acoustique, un orgue, donc on s'imagine très bien et puis on se dit qu'il y a encore un peu de travail, mais qu'on va y arriver."

Nostalgique, Marie-Cécile Kfoury conclut : "Le 11 décembre, quand on chantera le cantique de Jean Racine, ce sera notre dernier adieu à Notre-Dame, on quittera définitivement notre statut de travailleur à Notre-Dame. Ce sera la dernière chose qu'on fera pour Notre-Dame." Le 11 décembre, pour le concert, les chanteurs de ce chœur vont revêtir la veste des compagnons charpentiers sur laquelle a été brodé le nouveau coq de Notre-Dame.

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