Reportage
Élections européennes 2024 : au Portugal, la politique migratoire au centre des débats

Pour faire face au vieillissement de sa population, le Portugal a largement ouvert ses frontières ces dernières années, mais le sujet provoque des tensions.
Article rédigé par Boris Loumagne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Une manifestation anti-immigration dans les rues de Lisbonne, le 3 février 2024. (TIAGO PETINGA / MAXPPP)

L’immigration est l’un des sujets majeurs de ces élections européennes en France, et fait débat également au Portugal. Le pays a en effet assoupli sa politique migratoire et le nombre de migrants accueillis a même été multiplié par deux en six ans.

Ces migrants viennent essentiellement du Népal, du Pakistan ou d'Inde. C'est particulièrement visible et audible dans la ville d'Odemira en Alentejo, au sud du Portugal : dans un bar-restaurant de la ville, on entend de l'hindi et la télévision diffuse du cricket. "Je suis très heureux ici au Portugal, dit le patron, prénommé Gourprixin, qui est venu d'Inde avec sa famille en 2020. La plupart des gens sont amicaux. Quelques-uns sont racistes, mais la majorité des gens sont gentils avec nous."

Gourprixin s'est rapidement intégré et a obtenu des papiers, très facilement, en quelques mois. Il a pu ouvrir son restaurant indien, un de plus dans cette ville, où les épiceries pakistanaises et les bars népalais se sont multipliés ces dernières années.

L'agriculture, principale raison de l'immigration

Après des décennies de déclin démographique, la population d'Odemira a augmenté de 13% en dix ans, essentiellement grâce aux étrangers qui travaillent dans le secteur agricole. C'est le cas de Govin't, ouvrier qualifié népalais, dans une entreprise spécialisée dans la culture des fruits rouges. "Avant, je vivais à Londres, mais la politique migratoire, là-bas est stricte, alors j'ai dû partir et le Portugal m'a ouvert ses portes, explique-t-il. Ici, avec mes compétences, je peux avoir l’opportunité de progresser, aussi bien au sein de l’entreprise qu’au sein du pays."

Govin’t a pu profiter des régularisations massives de sans-papiers décidées il y a six ans par le gouvernement socialiste d’alors. Mais les grandes gagnantes de ces réformes, ce sont les entreprises agricoles de la région, parce que selon Luis Mesquita Dias, président de l'association Ahsa, qui défend les intérêts de 40 entreprises agricoles de l'Alentejo, "sans les immigrés, ce n'est pas possible. D'un côté, le pays est relativement petit et son potentiel est plus grand que le nombre de personnes que nous avons chez nous. D'un autre côté, nous avons une population qui vieillit rapidement." 

"Tout le monde reconnaît qu'il y a une énorme opportunité pour le pays et pour les immigrés de venir ici, mais il y a aussi beaucoup de problèmes qui viennent avec".

Juan Mesquita Dias

à franceinfo

Parmi les problèmes qu'évoque Luis Mesquita Dias, il y a celui du logement des travailleurs étrangers dans cette région rurale. "Nous avons des maisons qui ont deux chambres et qui hébergent 20 personnes", explique Francisco Lampreia, maire de la commune de Vila Nova de Milfontes, dont près de 40% de la population est constituée d'étrangers.

Il est socialiste, mais, pour lui, l'arrivée massive de migrants ces dernières années, "c'est trop parce qu'il y a un choc culturel, qu'on ne peut pas cacher. Ils ont une culture très différente de la nôtre et je pense qu'il faut toujours équilibrer les choses. Il faut avoir des conditions pour recevoir des personnes sans perdre la culture locale, sinon les locaux vont se révolter", indique-t-il. Lors des élections législatives de mars 2024, le parti d'extrême droite Chega est d'ailleurs arrivé en tête pour la première fois, dans plusieurs communes de l'Alentejo.

Des réseaux d'exploitations des travailleurs étrangers

Le Portugal doit faire face à l'émergence de réseaux qui exploitent les travailleurs étrangers. Les autorités reconnaissent d'ailleurs qu'elles sont dépassées par le phénomène, tout comme les associations d'aide aux migrants. "Tous les jours, on fait des signalements aux autorités parce qu’il y a un patron qui ne veut pas payer le salarié, qui ne verse pas les contributions à la sécurité sociale, qui ne veut pas faire de contrat ou déclarer un accident du travail, explique Timoteo Macedo, président de Solidarité Immigrants, qui reçoit quotidiennement 120 migrants dans ses petits bureaux de Lisbonne.

"Avec les besoins de l’agriculture intensive, les gens sont exploités, ils travaillent des heures, sans fin, et reçoivent des salaires très bas."

Timoteo Macedo, président de Solidarité Immigrants au Portugal

à franceinfo

Ces affaires de traite d'êtres humains ou de travail clandestin font régulièrement la une des médias portugais et placent le thème de l'immigration au centre de la campagne des élections européennes.

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