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Reportage
Élections européennes : avec sa politique anti-UE, le RN s'isole au sein du Parlement de Strasbourg
Le Rassemblement national est donné en tête dans les sondages des prochaines élections européennes prévues en juin prochain. Si le parti se normalise à l’Assemblée nationale, ce n'est cependant pas le cas au sein du Parlement européen à Strasbourg.
Au Parlement européen, les élus du RN restent marginalisés et peu actifs. À Strasbourg, le Rassemblement national compte 18 eurodéputés. Ils siègent dans l’un des deux groupes d’extrême droite aux côtés des Italiens de la Ligue de Matteo Salvini, de l’AFD allemande, ou encore de l’extrême droite autrichienne. Malgré tout, ils n’ont ni vice-présidence du Parlement, ni même aucune présidence de commission. Les élus d’extrême droite peinent à se voir confier les postes clés de rapporteurs des lois, car ici les partis traditionnels pratiquent ce qu’ils appellent le "cordon sanitaire".
Un cordon sanitaire pratiqué par les partis traditionnels
Ces partis se mettent d’accord pour confier à l’extrême droite le moins possible de pouvoir, confirme l’eurodéputé centriste italien Sandro Gozi. "Quand on pense comme au RN que l’État de droit n’est pas une question vitale pour l’UE, quand on est en désaccord sur les libertés fondamentales, il n’y a pas la base pour faire un travail commun au Parlement. Donc le cordon sanitaire existe et doit continuer à exister", assure-t-il.
Le RN est donc un parti isolé et dont le chef, l’eurodéputé Jordan Bardella n’est visible que dans l’hémicycle. Il participe peu au travail parlementaire comme le confirme, tout en le justifiant, l’un des membres du groupe, l’eurodéputé RN Gilles Lebreton. "D’abord, il fait un très bon travail en plénière, et ses interventions sont très largement relayées et écoutées . Et puis il donne les consignes de vote, les lignes directrices sur nos positions politiques, défend-il. Alors en effet il siège en commission des pétitions, qui est réputée pour être celle où l’on travaille le moins ! Mais c’est légitime… il est le président du parti, ça lui prend du temps. C’est une responsabilité très importante qui exige sa présence très souvent à Paris."
"Jordan Bardella est un cas particulier, les autres eurodéputés du RN, rassurez-vous, sont bien plus présents"
Gilles Lebreton, eurodéputé RNà franceinfo
Par rapport à la précédente mandature, les eurodéputés RN sont en effet plus présents. Malgré tout, si l’on compare leur travail parlementaire à celui des autres groupes, il y a tout de même un abîme. Les élus RN participent très peu à l’élaboration des lois européennes et votent contre la plupart des textes, y compris dans des domaines où ils pourraient faire valoir leurs positions, explique l’eurodéputé macroniste Pascal Canfin qui brandira, promet-il, leur bilan lors de la campagne des européennes.
"Ce bilan, c’est d’avoir voté contre le plan de relance qui a sauvé des centaines de milliers d’emplois, d’entreprises et d’artisans en France et partout en Europe, analyse Pascal Canfin. Le Rassemblement national a voté contre le soutien financier à l’Ukraine. Il n’a pas voté la taxe carbone aux frontières qui permet de faire payer les importations chinoises pour nous protéger de nos concurrents. Je pourrais multiplier les exemples. Il n’y a aucune normalisation du RN. Moi, je peux aller à Dunkerque ou Fos-sur-Mer et regarder droit dans les yeux un salarié d’ArcelorMittal et lui dire que je l’ai protégé de la concurrence déloyale des Chinois. Jordan Bardella, il ne peut pas".
Une politique du veto permanent
La politique permanente du veto au RN n’est pas pratiquée par tous les partis politiques d’extrême droite au Parlement européen. Au sein de leur groupe, un autre parti a récemment fait le choix d’une certaine normalisation en participant à certaines négociations de textes, selon l’eurodéputé centriste Sandro Gozi : il s'agit de la Ligue de Matteo Salvini. Plusieurs observateurs le confirment, ce parti a donc plus d’influence que le RN à Strasbourg, "même sur des questions qui sont dans l’intérêt des Français" d'après Sandro Gozi. Il estime que "le RN, dans sa fougue anti-européenne, anti-Macron, vote contre, en allant contre l’intérêt des Français".
"Le RN est donc isolé car il a une attitude très idéologique"
Sandro Gozi, eurodéputé centriste italienà franceinfo
Cette attitude est là aussi assumée par l’eurodéputé du Rassemblement national, Gilles Lebreton. Il n'est pas question par exemple pour le RN de participer à la construction d’une Europe de la santé, au nom d'une posture politique souverainiste. "Oui, car on estime que l’UE n'a pas à s’immiscer dans certains domaines donc on ne participe pas au compromis, assume Gilles Lebreton. On est présent, quand on a la parole on proteste, mais au moment où s’opère le travail technique, on n'y participe pas puisqu’on est contre radicalement".
Le RN a donc peu d’influence sur les lois mais, de sa présence au Parlement européen, il tire nombre d’avantages : des fonds importants, une visibilité médiatique forte avec ses interventions publiques en plénière largement tweetées et une visibilité aussi à l’internationale. À Bruxelles, le parti accède également à un vaste réseau de lobbyistes, ces groupes d’influences économiques, industriels, représentants de la société civile très présents. Des atouts importants pour sa volonté de conquête du pouvoir national.
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