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Reportage
La bataille titanesque de la Chine contre l'avancée du désert

C'est David contre Goliath. La Chine mène une lutte acharnée contre l'avancée du désert dans le nord du pays. Sous l'effet des changements climatiques, les tempêtes de sable sont de plus en plus fréquentes et le désert menace d'engloutir des zones habitées.
Article rédigé par franceinfo, Sébastien Berriot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un ouvrier chinois installe des carrés de paille dans le désert de Tengri (province du Ningxia) pour entraver la progression du sable - Juin 2023 (SEBASTIEN BERRIOT / RADIO FRANCE)

C’est un chantier pharaonique que les Chinois ont lancé pour mener cette bataille contre ce qu’ils appellent "les dragons jaunes", ces dunes de sable qui se déplacent sous l’effet des tempêtes et engloutissent chaque année 3 000 km2 de terres agricoles et zones habitées.

Dans la province autonome du Ningxia, lorsqu’on descend du bus au milieu du désert de Tengri, on ne voit presque plus le sable : c’est la couleur noire qui domine. On se retrouve au milieu d’un gigantesque parc solaire, avec des panneaux solaires vraiment à perte de vue. Il y en a des dizaines de milliers. Cela sert évidemment à produire de l’électricité, mais surtout à freiner l’avancée du sable, explique Tang Ximing, l’un des responsables de cette impressionnante forêt solaire : "Nous gérons ici le désert en bordure de la ville. Si le sable avance, cela met en danger notre population, nos maisons et nos terres à cultiver. Alors, nous installons donc ces panneaux solaires, qui mesurent entre 1,5 m et 2 mètres de haut. Lorsque le vent souffle en provenance du nord-ouest, le panneau solaire bloque d'abord le vent, qui est ainsi affaibli et qui vient mourir en dessous des panneaux. De cette manière, on arrive à contrôler les mouvements de sable, mais aussi à produire de l'énergie solaire, ce qui nous procure un revenu."

Parc de panneaux solaires dans le désert de Tengri (province du Ningxia) - Juin 2023 (SEBASTIEN BERRIOT / RADIO FRANCE)

Plus loin, des ouvriers chinois travaillent au milieu du désert. Ils sont en train d’enfouir des brindilles de paille dans le sable. C’est une méthode que les Chinois ont inventée pour stabiliser le sable et éviter les mouvements de dunes sous l’effet du vent. C’est vraiment un travail de fourmi, sur des centaines de milliers de km2 de désert, ces ouvriers installent la paille dans de petits carrés d’un mètre sur un mètre. L’objectif ici est de protéger la ville de Zhongwei avec son million d’habitants, que l’on aperçoit au loin et qui est directement menacée par les tempêtes de sable. De plus en plus, parce qu’avec les changements climatiques qui provoquent des phénomènes météos extrêmes, les tempêtes sont plus violentes et plus régulières.

Faire reculer le désert

La province du Ningxia est présentée comme un modèle dans la lutte contre la désertification. Un ingénieur nous explique que dans les années 60, le désert était arrivé aux portes de Zhongwei, à seulement six km de la ville. Les efforts menés pendant plusieurs années ont permis de faire reculer le sable sur 26 km. Sans ce travail, nous assure l’ingénieur, Zhongwei aurait tout simplement été rayée de la carte.

Pour empêcher la progression du désert, la Chine poursuit aussi son vaste programme de plantation d’arbres. Là, le travail est mené aux portes de désert. C’est la fameuse "grande muraille verte" qui a déjà permis la plantation de 66 milliards d’arbres depuis les années 80. Les habitants continuent de planter aujourd’hui : dans un tout petit village situé à une cinquantaine de km du désert de Gobi, deux habitants nous expliquent que "tout le monde doit planter des arbustes, c’est obligatoire, ils sont indispensables. Non seulement le Ningxia en plante, mais aussi à côté la province de Mongolie-intérieure. Cette année, il y a eu beaucoup de mauvais temps avec du sable, mais je ne m'inquiète pas parce que les arbustes que nous avons plantés, qui sont à hauteur d’homme, sont capable de retenir le sable, pour l’ empêcher d’avancer."

Des arbres plantés pour tenter d'enrayer l'avancée du désert, dans la province du Ningxia (Chine) - Juin 2023 (SEBASTIEN BERRIOT / RADIO FRANCE)

Un autre ajoute que "les habitants ont commencé à planter des arbustes en 2011. Le gouvernement a distribué des pousses et nous en avons acheté aussi nous-mêmes. Certains ont planté des dizaines d’hectares."  

"Nous avons touché des subventions du gouvernement : 35 euros pour une plantation d’un demi-hectare, et par la suite six euros par an pour prendre soin des arbres. Mais les plantes sont très fragiles, depuis que les mines de charbon ont été autorisées à pomper les eaux souterraines."

Un villageois dans la province du Ningxia 

à franceinfo 

Et là on voit clairement les limites de cette politique : planter des arbres dans des régions semi-désertiques est considéré par certains comme une hérésie. Récemment, dans ce village, un agriculteur a fait sensation sur les réseaux sociaux chinois en publiant une vidéo dans laquelle on le voit prier et dénoncer la mine de charbon voisine, qui le prive d’eau pour arroser ses arbres.

L'inaction de la Mongolie

La "grande muraille verte" présentée comme la solution miracle par le gouvernement chinois ne convainc donc pas tout le monde : "Les vents sont très forts depuis deux ans. Il y a encore des dunes de sable qui se déplacent au loin. Ce n’est pas facile de planter des arbres, nous dit cet autre agriculteur du village. Ils doivent être arrosés au goutte-à-goutte pour leur permettre de pousser. Ici la végétation, des deux côtés de la route, a été arrosée, mais seule la moitié a survécu. Ce n'est pas facile. Le sable vient de Mongolie, mais nous ne pouvons rien faire, cela doit être géré là-bas."

La Mongolie voisine est régulièrement montrée du doigt par le gouvernement chinois pour son manque d’action. C’est là que se forment souvent les tempêtes qui descendent ensuite vers la Chine. Il y a vraiment urgence : cette année, un record a été battu, avec entre janvier et avril 12 vagues de tempêtes de sable. C’est du jamais-vu. Le sable est poussé de plus en plus loin, y compris désormais jusqu’à Pékin.

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