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Reportage
"La guerre n’est pas terminée dans la bande de Gaza" : plongée dans les tunnels du Hamas sous escorte de l'armée israélienne
La guerre de Gaza est-elle terminée au nord de l’enclave ? C’est ce que laisse penser la déclaration du porte-parole de l’armée israélienne Daniel Hagari. Trois mois après le début du conflit, il affirme que les troupes de l’État hébreu ont achevé le démantèlement de la structure militaire du Hamas. Pour la première fois depuis le début de la guerre, dimanche 7 janvier, franceinfo a pu entrer dans la bande de Gaza, au nord de l’enclave, sous escorte israélienne. L’armée a présenté aux journalistes de la presse internationale ce qui est aujourd’hui le plus grand tunnel du Hamas neutralisé.
L’entrée du tunnel se trouve au fond d’une large excavation creusée dans une terre ocre et meuble, à seulement 400 mètres du territoire israélien, du poste-frontière d’Erez et de l’imposante barrière de sécurité réputée insubmersible jusqu’au 7 octobre dernier. "Là, c'est une des entrées, ce n'est pas la seule, montre le colonel Olivier Rafowicz. Ce tunnel descend jusqu'à 50 mètres de profondeur." Il précise que la structure en acier et en béton sur environ 4 kilomètres de long. "Tous ces tunnels ont une aération et ont un système d'éclairage et de ventilation sur plusieurs étages", détaille le porte-parole de l'armée israélienne.
Une véritable "guerre contre les tunnels"
Olivier Rafowicz est escorté par trois soldats de l’unité Yahalom, chargée de débusquer sous terre des miliciens du Hamas. "Cette guerre contre les tunnels est unique en son genre. Aujourd'hui, il n'y a pas d'équivalent de cette guerre contre le terrorisme avec ce type et surtout avec ce nombre de tunnels. Nous pensions trouver plusieurs centaines de kilomètres, on est en fait à plusieurs milliers, avec toujours l'angoisse, la possibilité, que des terroristes sortent en venant d'une autre embouchure. La guerre est loin d'être terminée. Des tunnels comme celui-là, il y en a mille autres. C'est un véritable danger, une véritable menace", assure-t-il.
Ce tunnel est toujours considéré comme une menace concrète : l’armée israélienne soupçonne ainsi le Hamas de l’avoir utilisé il y a trois mois pour attaquer le poste frontière d’Erez. Cette attaque avait sidéré le pays qui n’imaginait pas avant le 7 octobre que des miliciens du Hamas puissent entrer dans ce complexe ultra-protégé. "Il y a eu de sérieux combats ici, raconte le lieutenant-colonel Richard Hecht. Trois soldats ont été enlevés et trois autres ont été tués. On a mis du temps à reprendre le contrôle et ça a été saccagé."
Depuis l'attaque du Hamas, le poste-frontière d’Erez est resté comme figé. Le lieutenant-colonel Richard Hecht montre la guérite d’entrée criblée d’impacts de balle, puis une des tourelles de surveillance équipée de caméras, de détecteurs de mouvements et d’armes automatiques. Sa partie supérieure est complètement détruite. Il décrit : "Vous voyez cette position que l’on appelle "See and shoot", ce qui signifie : "Voir et tirer". Il s’agit d’un fusil automatique piloté à distance d’un centre d’opérations. Quand l’assaut a commencé, ils ont envoyé des drones, ont lâché des explosifs sur cette position et ils l’ont détruite."
La guerre continue au centre et au sud de la bande de Gaza
Aujourd’hui, plus aucun civil ne passe évidemment par Erez. L’ancien poste-frontière est devenu une base de l’armée israélienne d’où partent des tanks Merkeva, des véhicules de transports de troupes et des bulldozers pour aller combattre le Hamas et continuer à neutraliser des tunnels. Car les combats continuent à Gaza, même si au nord de l’enclave, tout est en apparence très calme : pas un tir d’armes automatiques, seulement les échos très lointains d’explosions à peine perceptibles avec le bruit incessant des bulldozers israéliens qui terrassent le terrain.
Et pourtant, "la guerre n’est pas terminé dans la bande de Gaza", martèle le colonel Olivier Rafowicz. Même si, en toile de fond, la ville détruite de Beit Lahiya est complétement vide, que le menace semble lointaine et que cinq brigades de combats ont été démobilisées ces derniers jours. "Le nord de la bande de Gaza a été nettoyé, traité en grande partie au niveau des infrastructures sécuritaires du Hamas, explique le colonel Olivier Rafowicz. Mais nous sommes sur un terrain de guerre, donc il y a toujours des possibilités qu'il y ait des menaces terroristes de la part du Hamas. Un effort de guerre extrêmement intense continue à l'heure où nous parlons dans le centre et le sud de la bande de Gaza."
Il faut que le Hamas dépose les armes, libère les otages, et là on pourra dire que cette guerre peut s'arrêter ce qui n'est pas le cas pour l'instant.
Le colonel Olivier Rafowicz, porte-parole de l'armée israéliennefranceinfo
Ce constat n’empêche pas les projections, notamment au plus haut niveau de l’État. Israël est gouverné par la droite et l’extrême droite et les éléments les plus radicaux de l’exécutif militent pour déplacer de force les populations civiles palestiniennes, puis imposer une recolonisation de l’enclave. Pour Tal Heinrich, porte-parole du gouvernement, il n’en est absolument pas question. "Les gens en Israël peuvent donner leur avis, ça ne veut pas dire que l’on doit tous être d’accord, estime-t-elle. Mais ce que nous disons, et je parle au nom du Premier ministre, c'est que nous ne voulons pas réoccuper Gaza. La seule chose que nous voulons, c’est nous assurer que Gaza soit démilitarisé. Parce que nous savons ce que signifie d'avoir une plateforme terroriste à Gaza. Et cela ne doit jamais se reproduire."
Cette position devrait rassurer le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken en déplacement pour la quatrième fois dans la région depuis le 7 octobre. Il a encore réaffirmé, dimanche soir, que les Palestiniens déplacés devaient pouvoir rentrer chez eux dès que possible.
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