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Reportage
"On s'est transformé en hôpital de guerre" : au Liban, les soignants en première ligne pour soigner les victimes des bombardements israéliens
Des frappes israéliennes massives ont encore touché le sud du Liban et Beyrouth, jeudi 10 octobre. La guerre ouverte avec le Hezbollah a déjà fait plus de 2 000 morts depuis un an, dont les trois quarts sont des civils. On dénombre également des milliers de blessés soignés dans les hôpitaux du pays.
Brûlures au 4e degré, traumatismes crâniens...
Au sous-sol de l’hôpital Geitawi, un établissement flambant neuf avec du carrelage brillant à la réception et des couloirs lumineux, le service des grands brûlés compte à peine une dizaine de lits, des box fermés, éclairés au néon, sans fenêtre, avec dans l’air une odeur âcre de blessures infectées. Le docteur Ziad Sleiman est chirurgien plastique. Ses patients ont tous été atteints par des bombardements.
"Ce sont des brûlures par flamme, à cause des obus. Nous avons des brûlures à 50% avec traumatisme crânien, des brûlures à 60% au 4e degré avec peau et sous-peau carbonisées, muscles, tout... Nous avons pensé à désarticuler les membres, mais on ne peut rien pour lui", raconte le médecin. Le patient dont parle le Dr Sleiman ne peut même pas être amputé. Il a le corps entièrement recouvert de bandages de la tête aux pieds et est très probablement condamné, mais personne ne connaît aujourd’hui son identité.
D’autres en revanche vont bientôt sortir du service. C’est le cas de Mahmoud, soldat de l’armée libanaise, âgé de 23 ans. Il a été touché par une frappe israélienne le 22 septembre dernier, dans son village du sud, à 20 km de la frontière avec l’Etat hébreu.
"J'avais terminé mon service, j'étais en permission. Je prenais un café chez un cousin, nous étions tous les trois quand une bombe nous est tombée dessus. Mes deux cousins sont morts et moi j'ai été gravement brûlé."
Mahmoudà franceinfo
Quand on lui demande si le café était tenu par le Hezbollah, il répond que non. "Il n'y a pas de combattants dans mon village, il n'y a que des civils. Si l'armée israélienne fait ça, c'est pour nous forcer à quitter nos maisons. Mais nous on restera là, parce que c'est notre terre." Ce soldat, une fois sorti de l’hôpital dans quelques jours, se dit prêt à prendre les armes contre l’Etat hébreu si l’armée libanaise décidait d’entrer en guerre.
Dortoirs, fatigue et stress pour les soignants
Les médecins sont aussi mobilisés à une heure et demie de Beyrouth, dans la plaine de la Bekaa, région située dans les montagnes, considérée elle aussi comme l’un des fiefs du Hezbollah. L'hôpital de Rayak accueille vingt blessés par jour en moyenne. L’équipe de l’hôpital est au bord de l’épuisement, comme nous le confie le Dr Toni Abdou. "On est transformé en hôpital de guerre, la plupart du personnel de l'hôpital, les médecins et les infirmières, résident ici depuis quinze jours. On a installé des dortoirs."
"On a beaucoup de stress, il n'y a pas de sécurité. Il y a eu un bombardement à 700 mètres, on a eu des dégâts ici à l'hôpital, des vitres cassées, des faux plafonds effondrés... On gère."
Dr Toni Abdouà franceinfo
Jusqu’ici en effet, l’hôpital de Rayak ne manque de rien. Mais il ne dispose plus que de deux mois de médicaments devant lui, qu’il doit payer cash, en liquide ou par chèque. Parmi les blessés rencontrés, seulement des civils, pas de combattants. Des membres du Hezbollah ont-ils été accueillis ici ? Le directeur de l'établissement répond qu’il est avant tout un médecin et qu’il respectera toujours son serment de soigner tous ceux qui le nécessitent.
Alitée dans la chambre 235, Saoussane, une fillette de 7 ans victime d'un traumatisme crânien. Aujourd’hui, elle ne peut plus parler. Sa mère raconte cette journée du 23 septembre où, "comme tous les jours, nous étions réunis sur la terrasse familiale, les enfants jouaient comme si de rien n'était. Soudainement, j'ai entendu des bombardements, je suis rentrée à la maison avec les plus petits, la maison nous est tombée dessus. On ne se rendait plus compte de rien. Saoussane était à côté de moi, inconsciente."
"Je suis triste, dévastée. Ma fille, c'était le moteur de la maison, c'était un papillon qui sautait partout, chantait tout le temps. On s'en remet à Dieu maintenant."
La maman de Saoussaneà franceinfo
Une soignante veille sur Saoussane depuis 18 jours maintenant. Son état est stable, dit-elle. Mais elle ne sait pas quand la fillette pourra quitter l’hôpital.
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