Reportage
Présidentielle américaine : à la frontière avec le Mexique, l'immigration illégale est un thème central pour les électeurs de l'Arizona

En Arizona, la question de l'immigration est l'une des préoccupations majeures. Dans cet état frontalier avec le Mexique, certains préconisent des solutions radicales, quand d'autres crient à l'exagération.
Article rédigé par Olivier Poujade, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le mur qui sépare l'Arizona du Mexique, près de Nogales, le 1er novembre 2024. (GILLES GALINARO - FRANCEINFO - RADIO FRANCE)

À trois jours de l’élection présidentielle américaine, direction l'Arizona, un Etat du Sud, frontalier avec le Mexique, où la problématique de l’immigration est un des thèmes les plus évoqués dans les débats entre républicains et démocrates. Selon les sources officielles, les arrivées légales et les franchissements illégaux de personnes étrangères ont augmenté sous l’administration Biden. 

L'Arizona est une des routes les plus actives pour les passages illégaux avec entre 50 000 et 60 000 arrestations par mois. Cette question de l’immigration peut-elle influencer le vote des électeurs ? 

Des ressentis différents

Sur place, on se rend compte que tout est une question de ressenti. Au point de passage de la ville de Nogales, au plus proche de la frontière, Jaime se confie : "C’est énorme, c'est beaucoup, beaucoup de gens, un monde entier de personnes. Tu ne les as pas vus défiler ? Tous ces gens sont ici, ils sont des milliers et des milliers". Jaime s'exprime juste devant le portique en acier que franchissent naturellement chaque jour des centaines de binationaux, travailleurs transfrontaliers. Jaime est né aux Etats-Unis, mais il se dit Mexicain.

"Moi ce que je trouve injuste, c’est que les Mexicains qui ont construit ce pays, qui ont fait des Etats-Unis un grand pays, cela fait 30 ans qu’ils réclament des papiers. Ceux des autres pays, ils ne regardent même pas s’ils ont un casier judiciaire et on leur dit 'Passez ! Bienvenue aux Etats Unis !' C’est totalement stupide."

Jaime

à franceinfo

"Ces migrants ne sont pas venus pour travailler, ils veulent qu’on leur donne tout, des tickets pour manger, qu’on leur paye le loyer, qu’on leur donne un chèque pour chaque enfant, mais si tu ne viens pas travailler, tu ne viens pas pour accomplir quelque chose, reste dans ton pays !", tranche Jaime. Il a toujours voté démocrate mais cette fois ce sera Trump, car selon lui le pays allait beaucoup mieux quand il était président.

Pas besoin d’aller très loin pour comprendre où Jaime trouve ses arguments. Sur la route, à la radio, les spots de campagne républicains sur l’immigration tournent en boucle. "Pendant que des tonnes de gens font pression sur nos politiques publiques, Washington laisse les portes ouvertes et c’est nous qui payons", entend-on dans le poste. Le long du mur qui sépare les Etats-Unis du Mexique, – que Donald Trump a prolongé entre 2016 et 2020 et souhaite terminer s’il est réélu – après des dizaines de kilomètres, arrivée chez Cindy près de Kino Spring. Elle se déplace jusqu’au portail pour répondre à franceinfo.

"Tu sais, depuis que je vis ici j'ai dû en voir passer deux et je jure que c’est vrai. Je n'ai jamais vu ces hordes de gens traverser, c’est pour ça que ça m’énerve quand je vois ça à la télé."

Cindy

à franceinfo

Cindy va-t-elle voter ? "Oui ! Démocrate !" lance-t-elle. "Je suis très tendue parce que j’adore vivre ici et je ne veux pas qu’ils nous imposent tous ces trucs de régulations et de règles", explique Cindy avant que son mari interrompe l'interview. "Je crois que ça suffit, les gars". Cindy a très envie de parler à franceinfo, mais à l’intérieur, derrière les rideaux, son mari préfère que l’entretien s’arrête là. "Foutez-moi le camp, sinon j’appelle les flics, assez parlé !"

Envoyer l'armée au Mexique ?

On sent bien que ce thème de l’immigration crée une certaine tension, mais cela ne décourage absolument pas les candidats au départ. Diafredo attend son rendez-vous au bureau de l’immigration avec une dizaine d’autres Haïtiens, rendez-vous obtenu grâce à l’application CBP One, créée par l’administration Biden. Diafredo est assez soulagé de passer la frontière avant l’élection. "C'est important pour moi, c'était le programme de Biden et on ne sait pas si ça va pouvoir continuer."
Comme tout le monde, Diafredo a entendu Donald Trump prétendre que les Haïtiens raffolaient des animaux domestiques comme les chiens ou les chats. "Non, nous ne mangeons pas de chat."

"Trump choque les Haïtiens, mais une personne qui parle mal de vous, cela vous donne encore plus de force".

Diafredo

à franceinfo

Donald Trump a répété vouloir mettre un terme à cette immigration galopante. Pour ce faire, certains soutiens du républicain vont très loin dans cet Etat, comme Joe Arpaio, une légende à la réputation sulfureuse en Arizona. Pendant 30 ans il a été considéré comme le shérif le plus dur des Etats-Unis. "On a une grosse armée qui mène des batailles partout dans le monde et on ne pourrait pas en livrer une à notre frontière face avec une immigration illégale qui se déverse sur nos terres ?", interroge-t-il.

Joe Arpaio, ancien Sheriff du Comté de Maricopa en Arizona, accuse l'administration Biden d'avoir fait de la frontière avec le Mexique une passoire. (GILLES GALLINARO - FRANCEINFO - RADIO FRANCE)

"Maintenant comment nettoyez-vous une frontière ? Et bien les militaires c’est intéressant. Pourquoi on n’enverrait pas nos militaires au Mexique juste derrière la frontière pour travailler avec l'armée mexicaine, comme on le fait ailleurs avec ces pays étrangers, pour stopper tout ça ?" 

Donald Trump n’a jamais osé évoquer l’armée pour régler le problème de l’immigration, mais il promet de larges campagnes d’expulsions massives.

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