Reportage
"Si 80 ou 90% des jeunes votaient, ce serait un vrai tournant" : sur les campus américains, la participation des étudiants s'organise

En 2020, 50% des moins de 30 ans ont voté à l'élection présidentielle américaine. Dans un duel entre Kamala Harris et Donald Trump où chaque voix compte, ils sont très attendus. Exemple sur le campus de l'Université du Michigan.
Article rédigé par Sarah Calamand
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
L'association Next Gen America milite pour faire voter les étudiants sur le campus de l'Université du Michigan. (SARAH CALAMAND / RADIO FRANCE)

Ann Arbor, à 70 kilomètres de Detroit : c'est là que se trouve le plus grand campus de l'Etat, celui de l'Université du Michigan. Depuis plusieurs semaines, l'élection présidentielle américaine y est partout. Le Michigan est un Etat-clé, l'un des sept "Swing States" qui peuvent décider du résultat. Dans les allées les plus passantes de ce vrai campus à l'américaine, entre les bâtiments du 19e siècle digne d'un décor d'Harry Potter, plusieurs stands ont été installés par des étudiants.

Sur celui des membres de l'association Next Gen America, qui milite pour le vote des étudiants, une petite roue de la fortune multicolore attire l'attention. Derrière la table, Rachel, 26 ans, est ravie de la faire tourner et de faire gagner plusieurs lots. "Les étudiants sont fatigués et pauvres : nous avons des boissons, de quoi grignoter... Des petites choses pour que les gens se disent : tiens, c’était sympa, peut-être que je vais aussi aller voter !" Puisqu'il est bien question de l'élection. 

Aucun engagement partisan n'est affiché : l'objectif de Rachel, c'est d'inciter les jeunes à aller voter. "Il y a beaucoup d’étudiants qui ne sont pas d’ici, mais qui veulent pouvoir voter. Où peuvent-ils voter ? Comment peuvent-ils se mettre à jour leur inscription pour voter ?" L'enjeu, pour Next Gen America : "Être sur le terrain, parler aux jeunes, leur rappeler qu’ils sont importants. Vous savez, si 80 ou 90% des jeunes votaient, ce serait un vrai tournant, je verrai des choses changer dans le pays, juste avec l’augmentation de la participation." 

Le campus de l'Université du Michigan. (SARAH CALAMAND / RADIO FRANCE)

Isabel, elle aussi étudiante, aide Rachel. Elle observe que ce ne sont pas forcément les détails administratifs qui découragent. "Il y a beaucoup de gens qui ne se sentent pas représentés par les démocrates ou les républicains. Ils voteront peut-être autre chose ou ne voteront carrément pas ! Aujourd’hui, ça revient à dire que leur vote ne compte pas, et c’est vraiment dommage." Quelques candidats – Chase Oliver pour les libertariens, Jill Stein pour le Green Party – se présentent en alternative à Kamala Harris et à Donald Trump, mais aucun ne peut prétendre s'immiscer dans leur duel.

Cinquante pour cent de participation des moins de 30 ans lors de la dernière élection présidentielle, en 2020 : c'était déjà 11 points de plus qu'en 2016. Et pas besoin d'attendre le 5 novembre pour participer à une simulation du scrutin : sur le stand d'à côté, une ardoise est installée. Chaque étudiant peut mettre une croix sous le nom de son candidat préféré. Ce n'est pas très scientifique, mais à première vue, sur le campus d'Ann Arbor, c'est la démocrate Kamala Harris qui l'emporte.

Deux camps en campagne

Catherine, 65 ans, est présente sur la Diag, une des places centrales du campus. Elle est un peu trop âgée pour être étudiante. C'est aux plus jeunes qu'elle s'adresse, en répétant sans relâche : "Est-ce que tu es inscrit pour voter ? Bonjour, est-ce que tu es inscrit pour voter ? Non ? Allez ! Tu dois aller voter, c’est ton devoir citoyen." Catherine travaille en réalité pour la campagne de Kamala Harris et Tim Walz. Elle tourne, sans s'arrêter, alpaguant tous les étudiants qu'elle croise sur la petite place. En face d'elle, trois jeunes ont installé des panneaux anti-avortement, avec des photos volontairement choquantes. C'est un des sujets forts de la campagne. 

Des militants anti-avortement sur le campus de l'Université du Michigan. (SARAH CALAMAND / RADIO FRANCE)

Luka trouve ça ridicule. Il a 19 ans, et enchaîne les figures en skate, un peu plus loin. Il se dit choqué par ces images. "Ces gens ne sont même pas des étudiants, mais ils viennent ici pour manifester, c’est agaçant. On est dans une université publique, donc je ne pense pas qu’on puisse les mettre dehors. Ce n’est pas bien, ce qu’ils font, et en plus, c’est sexiste." Luka s'intéresse à la politique, mais n'a pas trop l'habitude d'en parler, même avec ses amis. Pourtant, il est catégorique : pour sa première élection, il ira voter et sa voix ira à Kamala Harris. 

Des bureaux de vote sur le campus 

La solution la plus simple, c'est d'encourager les étudiants à faire 200 mètres à pied, puisqu'un bureau de vote est à leur disposition dans le campus. Ce "voting hub", ou centre de vote, est organisé par l'université elle-même pour la première fois cette année et permet de s'inscrire et de voter par anticipation depuis le 26 octobre. C'est un espace coloré installé dans les locaux du Musée de l'Art de l'université. Sur les murs, des posters pour aider les étudiants à déchiffrer le long bulletin de vote, une feuille A4 recto-verso, avec plus d'une dizaine de questions. Le scrutin ne se limite pas à la course à la Maison Blanche, des référendums et des initiatives locales sont également soumis au vote. Et pour s'y retrouver, les électeurs peuvent prendre leur temps, comme l'explique Lindsay, bénévole au bureau de vote. "Dans l’isoloir, vous pouvez faire des recherches sur votre téléphone. Ce centre est aussi fait pour les primo-votants. Nous voulons normaliser le fait de poser le plus de questions possible."

Des badges "I voted" sont offerts à la sortie du bureau de vote. Tout est ludique, mais ça reste très officiel : le centre comprend une annexe du greffier de la ville. Une semaine avant l'élection, plus de 2 000 étudiants étaient inscrits pour le vote du 5 novembre, et le centre a collecté près de 1 250 bulletins de vote.

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