Riches en protéines, moins gourmands en eau et en espace : les insectes, le nouvel eldorado de l'élevage
C’est devenu une filière industrielle à part entière : l’élevage d’insectes pour nourrir les animaux. La France est en pointe dans ce domaine, défiant les réticences culturelles européennes, à l'heure où deux milliards d’êtres humains mangent déjà des insectes dans le monde
Et si l'avenir de l'alimentation de l'humanité passait par les insectes ? L'idée n'est pas si farfelue : deux milliards d'hommes en mangent déjà dans le monde. Ce n'est pas vraiment le cas en Europe, rétive, qui peine à se défaire de ses blocages culturels.
Les choses pourraient cependant changer très vite, et les industriels de ce secteur confidentiel ont flairé un marché prometteur. Ainsi, dans le sud de l'Ile-de-France, près de Melun, dans les ateliers de Jiminis, une entreprise qui élève et vend des insectes à manger, "on transforme des insectes comestibles pour l'alimentation de tous les jours et notamment à l'apéritif, le déjeuner, le dîner", explique l’un des cofondateurs, Bastien Rabastens, enthousiaste.
Et dans l'atelier, immaculé, où blouse, masque et sur-chaussures sont de rigueur, on trouve tous les ingrédients nécessaires. "Là, on a du criquet entier, montre Bastien Rabastens. On pourrait presque le manger comme ça. On leur fait juste subir un traitement thermique : ils sont lyophilisés. Et tout peut se manger, même si, pour le criquet, on recommande pour les premières fois de retirer les ailes, parce que ça colle un peu au palais."
Jiminis fabrique ainsi des criquets, des grillons et des vers de farine, enrobés pour l'apéritif : ce sont les trois insectes qui sont aujourd'hui autorisés à la consommation en Europe. Et pour ceux qui restent réfractaires à l'idée de manger des insectes entiers, l'entreprise fabrique aussi des pâtes, et même depuis peu des steaks, baptisés insteaks, fabriqués à base de farine d'insectes.
Et l’affaire semble marcher : Jiminis existe depuis une dizaine d'années et même si l'entreprise ne communique pas sur son chiffre d'affaires, elle annonce avoir levé un million d'euros il y a cinq ans.
Elle fait cependant figure de petit poucet à côté des géants du secteur, tous français, comme Innovafeed, Agronutris, ou encore Ynsect, qui ne communique pas non plus sur son chiffre d'affaires, mais a levé 450 millions d'euros depuis sa création, il y a 11 ans. Ynsect ne fabrique pas d'aliments pour les humains, mais de la nourriture pour les bêtes, grâce à un scarabée élevé dans une ferme, près de Dole, dans le Jura.
"Nous transformons l'insecte en farine et en huile. L'huile a l'aspect de l'huile de tournesol et la farine ressemble à une farine de blé complet", indique ainsi Damien Robert, qui se présente lui-même comme étant à la tête d'un élevage de 800 millions de bêtes. "Ici, explique-t-il, on fait se reproduire et on élève un scarabée molitor, qui est un insecte extrêmement riche en protéines, puisqu'il en possède plus de 70%, et qui est extrêmement digestible, plus digestible encore qu'une protéine issus de l'amande ou du lait. Aujourd'hui, on a l'autorisation en termes d'ingrédients pour la nourriture animale et nous travaillons avec les autorités à pouvoir un jour proposer nos produits à l'homme."
"En fait, c'est un complément qui est très riche en terme de résultat protéique. On fait actuellement des tests sur des souris et on constate chez elles une diminution de 60% du taux de cholestérol."
Damien Robertà franceinfo
Les insectes sont donc bénéfiques pour la santé, mais aussi pour la planète. "Pour produire un kilo de protéines de bœuf, il faut huit kilos d'aliments, souligne Patrick Borel, directeur de recherche au département alimentation de l'Inrae. Par contre, pour un criquet, un kilo d'aliments va produire un kilo de protéine de criquet. Par ailleurs, la surface d'élevage est beaucoup plus faible que pour un bœuf : pour produire un kilo de protéines, il lui faut 200 mètres carrés. Pour un ver de farine, quelques mètres carrés suffisent."
Autre avantage notable, les économies d’eau : "Lorsque vous élevez du bœuf, continue Patrick Borel, il vous faut à peu près 100 litres d'eau pour produire un kilo de protéines de bœuf. Pour le ver de farine, on est autour de trente. Et dernier avantage, les gaz à effet de serre : un kilo de protéines de bœuf produit 90 kilos d'équivalent CO2, contre une dizaine pour le ver de farine."
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