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Témoignage
"Il jouait au foot et derrière, il allait se battre contre les Allemands" : qui était Rino della Negra, ce footballeur du Red Star membre du groupe Manouchian ?
Missak Manouchian entre au Panthéon, mercredi 21 février, avec sa femme Mélinée. À travers ce couple, c'est tout un groupe qui est panthéonisé. franceinfo vous raconte l'histoire de l'un de ces résistants. Rino della Negra, ouvrier, joueur de foot de grand talent et membre des francs-tireurs partisans, s'est opposé à l'occupant nazi. Comme ses "camarades", il a été fusillé au Mont Valérien il y a 80 ans.
L'histoire de Rino della Negra est à peine croyable. Ce fils d'immigrés italiens joue au foot au Red Star sous son vrai nom, où il fait des ravages au poste d'attaquant, et mène en même temps une quinzaine d'actions clandestines avec ses frères d'armes, pour la plupart étrangers, communistes et antifascistes. Avec ce groupe Manouchian, il mène des attaques ciblées sur les occupants et les collaborateurs. Il réalise également des actes de sabotages.
Pour ses descendants, cette panthéonisation est très importante. "C'est une fierté. Peut-être un peu tard, sûrement", assure Patrice della Negra, le neveu de Rino. "Mes parents en parlaient très peu, c'était tabou. Rino ne devait rien dire, personne n'était au courant, poursuit-il. Il jouait au foot et derrière il allait se battre contre les Allemands. Donc à la maison, jamais on en parlait. Si, on allait au cimetière, on allait sur la tombe."
"Sa maman était d'un silence… On l'appelait mamie la noire, elle était toujours en noir. Son deuil, elle l'a fait toute sa vie. Je me dis : qu'est-ce qu'elle a dû souffrir cette femme, de ne pas pouvoir en parler !"
Patrice della Negrafranceinfo
Anna della Negra a reçu par la poste les vêtements, tachés de sang et criblés de balles, de son fils Rino fusillé le 21 février 1944 au Mont Valérien.
Les supporters du Red Star entretiennent sa mémoire
Si le nom et la mémoire de Rino della Negra est entretenue, c'est surtout grâce aux supporters de son club du Red Star, qui évolue actuellement en National, le troisième échelon du foot français. Au stade Bauer, à Saint-Ouen en Seine-St-Denis, une tribune, celle du kop, porte son nom. Dans le café juste en face, quand on demande à "Polo", un habitué des lieux, ce que lui évoque le nom de Rino della Negra, il répond du tac au tac : "La résistance ! Le Red Star c'est la résistance. C'est un club mythique."
C'est donc dans ce café "L'Olympic" que nous a donné rendez-vous Diminitri Manessis, historien. Il a écrit un livre avec Jean Vigreux, Rino della Negra, footballeur et partisan, aux éditions Libertalia. "Je crois que ce qui m'a touché, c'est de voir qu'un jeune ouvrier de banlieue, qui est un dingue de foot et dont le foot est quasiment l'unique et la seule passion dans la vie, se retrouve en l'espace de quelques semaines partie prenante d'une élite combattante de la résistance en région parisienne, assure-t-il. Et comment c'est par son milieu, dans cette banlieue rouge dans laquelle il a grandi, qu'il parvient progressivement à rentrer dans la résistance. C'est assez fou de voir comment des destins peuvent basculer."
"Nous sommes les Red Star fans, on vient de la banlieue rouge et la Rino (le nom de la tribune) s'enflamme toujours pour l'étoile rouge (le surnom du Red Star)."
Un chant de supporters du Red Starfranceinfo
Au Red Star, qui est actuellement leader de National, il y a des écharpes au nom de Rino et des chants perpétuent sa mémoire. "On voit que dans ces chants se mêlent à la fois la culture ouvrière de la banlieue rouge parisienne et aussi les exploits, sportifs comme résistants, du jeune Rino."
Rino et ses frères d'armes sont arrêtés, torturés après une traque impitoyable des brigades spécialisées de la police française. Un corps de policiers de 200 agents et inspecteurs qui avaient une seule mission : traquer la résistance d’obédience communiste.
Une plaque au Panthéon avec le nom de chacun des membres
Dans les faits, seul le cercueil de Missak Manouchian et de sa femme Mélinée entre au Panthéon. Mais il y aura une plaque à l'entrée du caveau avec le nom de chacun des membres du groupe. "Je tiens à dire que ce n'est pas la panthéonisation d'un seul homme. On ne se bat jamais seul, on ne gagne pas seul, juge Patricia Mirralès est secrétaire d’État, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire. Ce qu'ils ont fait pour la France, l'amour de leur patrie alors même qu'ils étaient étrangers... Nous devons montrer à notre jeunesse que des étrangers aimaient leur patrie jusqu'à en mourir. Et donc ce n'est pas une personne qui rentre. Ce sont toutes les personnes."
Vingt-trois noms seront donc inscrits. Ceux fusillés le 21 février 1944 mais également Olga Bancic, déportée, enfermée et guillotinée à Stuttgart le 10 mai 1944 ainsi que Joseph Epstein, le chef des francs-tireurs et partisans en région parisienne, fusillé le 11 avril 1944. Tous, des héros longtemps oubliés à qui la patrie va aujourd'hui témoigner de sa reconnaissance.
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