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TikTok sous le feu des critiques pour son impact sur les ados "avec des contenus toujours plus dangereux et psychologiquement perturbants"

Dans un rapport publié lundi, l'Arcom s'inquiète de la diffusion de "fake news" sur le réseau social chinois, mais aussi des algorithmes qui poussent les plus jeunes à consulter des vidéos inappropriées à leur âge. Familles, associations et même le ministère de l'Education appelle à une meilleure régulation de la plateforme.

Article rédigé par franceinfo - Boris Hallier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Sur l'application Tik Tok, l'âge des utilisateurs  (NICOLAS CREACH / MAXPPP)

C'est une application qui fait fureur chez les ados mais qui inquiète beaucoup les parents et jusqu'au plus haut niveau de l'Etat. TikTok est sous le feu des critiques depuis plusieurs mois. La dernière remontrance en date émane de l'Arcom, le régulateur de la communication numérique qui estime, dans un rapport publié lundi 28 novembre, que le réseau social chinois n'en fait pas assez pour combattre les fausses informations. L'autorité reproche également à TikTok son manque de transparence notamment sur ses algorithmes. Alors que l'autorité observe une meilleure collaboration avec l'ensemble des réseaux sociaux, elle l'appelle à "un rattrapage accéléré pour faire face à ses obligations".

L'âge des utilisateurs n'est pas vérifié

Pour la plateforme de partage de vidéos lancée en 2016, cet avertissement apparaît un peu comme la rançon du succès. En six ans, TikTok est parvenu à faire de l'ombre à d'autres plateformes comme Instagram. Mieux : les formats de l'application chinoise, ces vidéos courtes qui font un carton parmi les ados, sont même copiés par les autres réseaux. "Je ne suis jamais tombée sur quelque chose de choquant. Quand on a une bonne moyenne générale à l'école, si on a envie un peu de moments sur notre téléphone, je pense qu'il n'y a personne qui est là pour nous juger", assure une collégienne. Une camarade ajoute : "On trouve beaucoup de personnes de notre âge, des gens qui partagent leur créativité".

Aujourd'hui, TikTok, c'est plus de neuf millions de visiteurs uniques chaque jour en France, selon Médiamétrie. Pour ouvrir un compte, il faut avoir au minimum 13 ans. Mais on le sait, comme pour les autres réseaux, cette limite est facile à contourner : "J'ai dit que j'étais née en 1995, je crois", raconte une utilisatrice de la plateforme qui avoue que sa date de naissance est en réalité... 2009. Elle dit avoir menti "influencée" car "beaucoup d'amis utilisaient TikTok". Comme de nombreuses autres applications, la plateforme ne vérifie donc pas l'âge de ses utilisateurs.

"Installez TikTok avec votre enfant"

L'algorithme, lui particulièrement efficace, est censé proposer des contenus qui correspondent à vos centres d'intérêt. Mais certaines associations s'inquiètent pour la sécurité des plus jeunes à l'image de Marion la Main tendue, spécialisée dans la sensibilisation sur le harcèlement scolaire et la cyberviolence. Nora Fraisse, sa fondatrice, smartphone à la main, fait défiler les vidéos qui peuvent apparaître sur les écrans des ados : "J'ai de la pub, du Black Friday. Qu'est-ce que j'ai encore... Ah, 'Comment j'ai perdu 32 kilos', décrit-elle. Là, on est sur de la violence intrafamiliale en direct. Encore une pub ! Là, par exemple, c'est une femme qui a à peu près 60 ou 70 ans et qui offre ses services en ligne..."

Nora Fraisse met en avant la pédagogie avant tout et conseille aux parents d'installer TikTok avec leur enfant car, "de toute façon, il va l'installer", assure-t-elle. "Il y a des contenus qu'il faut aborder avec les enfants. Nous, ça nous permet par exemple d'aborder la pédocriminalité. Et quand on sait que 52 % des enfants qui voient ce genre de choses ou qui sont victimes n'en parlent jamais à leurs proches, faites le premier pas. C'est l'occasion d'aborder ce sujet-là, mais de manière non-anxiogène", plaide-t-elle. 

De son côté, le gouvernement met également en cause le réseau social chinois. Le ministre de l'Education nationale a ainsi dénoncé des atteintes à la laïcité véhiculées par des influenceurs qui encouragent le port de vêtement religieux à l'école. Des responsables de TikTok ont d'ailleurs été convoqués ces dernières semaines par les ministres concernés, et le réseau social fait aussi l'objet de plusieurs plaintes. L'une a été déposée auprès de la justice européenne à laquelle est associée l'UFC- Que Choisir pour qui l'application ne réussit pas à protéger ses utilisateurs les plus jeunes.

Aux Etats-Unis, les parents de deux enfants de 8 et 9 ans ont porté plainte il y a un an. Les deux petites filles sont mortes au cours d'un défi autour du tristement célèbre "jeu du foulard", qui consiste à se couper la respiration, lancé sur TikTok, le fameux jeu du foulard qui consiste à se couper la respiration. "TikTok a conçu des algorithmes qui permettent de capter l'attention des utilisateurs. Les enfants sont alors amenés à voir des contenus toujours plus dangereux et psychologiquement perturbants, affirme Matthew Bergman, l'avocat des familles américaines. Cela peut être des vidéos qui les incitent à se faire du mal. On ne peut pas faire passer les profits avant les gens, surtout quand on parle de la vie de nos jeunes."

TikTok dit défendre la "sécurité des utilisateurs"

Face à ces accusations, l'entreprise chinoise communique beaucoup sur les suppressions de vidéos et de comptes malveillants. Elle a mis en place également des paramètres spécifiques pour permettre de limiter le temps d'écran ou pour empêcher les interactions entre les mineurs et des inconnus. "Nous, notre objectif, c'est la sécurité des utilisateurs, parce que TikTok, c'est une plateforme de divertissement, assure Sarah Khemis, responsable des affaires publiques chez TikTok France. C'est pour cela qu'on met à disposition tous ces paramètres, et c'est pour ça qu'on les sensibilise extrêmement régulièrement avec des professionnels pour qu'ils puissent comprendre les enjeux."

De son côté, l'Arcom rappelle que la nouvelle législation européenne sur les services numériques va bientôt contraindre les plateformes à mieux protéger les utilisateurs. Le DSA (Digital service Act) va entrer progressivement en vigueur d'ici l'été prochain : en cas d'infractions graves et répétées, les plateformes pourraient se voir interdites d'accès dans l'Union européenne.

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