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Comment est perçue la décision de l'Union européenne sur la déforestation importée en Indonésie et au Brésil

Tous les jours, le club des correspondants décrit comment un même fait d'actualité s'illustre dans deux pays.
Article rédigé par franceinfo - Juliette Pietraszewski , Jean-Mathieu Albertini
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Producteur d'huile de palme dans l'état de Selangor, non loin de la capitale de la Malaisie, Kuala Lumpur (Juin 2022). (MOHD RASFAN / AFP)

L'Union européenne vient d’ adopter une loi pour interdire l'importation de produits issus de la déforestation. Un texte pour garantir qu’aucun produit consommé en Europe n’aura contribué à la destruction des forêts, en Asie, Afrique ou Amérique. Les importations de l’UE représentent 16% de la déforestation liée au commerce mondial, ce qui en fait le deuxième destructeur mondial de forêts tropicales derrière la Chine et devant les États-Unis.

Les petits producteurs indonésiens d’huile de palme demandent des efforts à l'UE

Parmi les produits ciblés par cette nouvelle législation de l'Union européenne figurent,le soja, le bœuf, le caoutchouc, le cacao, le café, le bois ou leurs produits dérivés comme le cuir ou l’huile de palme. La Malaisie et l’Indonésie sont les premiers producteurs mondiaux d'huile de palme. Si les gouvernements locaux dénoncent une politique “discriminatoire” de la part de l’UE, sur place des ONG saluent sa décision mais se veulent prudentes.

Prudence d'abord sur la traçabilité des produits à base d’huile de palme, très complexe à mettre en place estiment plusieurs ONG indonésiennes. Les contrôles sont supposés s’appuyer sur des coordonnées de géolocalisation, ou encore sur des outils de surveillance par satellite pour retracer l'origine des produits. 

>> Union européenne : une loi historique pour lutter contre la déforestation

Un système simple en théorie seulement pour l’ONG environnementale indonésienne Walhy, chargée des problématiques de la déforestation. L'utilisation de la géolocalisation doit chercher les plantations des compagnies, des communautés et des petits producteurs indépendants mais pour l'appliquer c'est une autre histoire. En Indonésie malheureusement, les données sur le permis de plantation des palmiers à huile des compagnies ne sont pas des données publiques accessibles, et chez les petits producteurs locaux ça ne progresse que très lentement. Le risque c’est donc que les évaluations ne reflètent pas avec précision la réalité sur le terrain, où la déforestation est difficile à retracer et parfois cachée derrière des acheteurs indirects d’huile de palme.

Selon plusieurs ONG environnementales, les petits agriculteurs n’ont en effet pas les moyens de respecter toutes les exigences de traçabilité de la nouvelle loi européenne. Les raisons sont multiples : des transactions souvent informelles au niveau des exploitations et l’absence régulière de documents tels que les certificats de plantation. Pour respecter le nouveau texte européen, le principal syndicat indonésien des petits exploitants de palmiers à huile appelle l'UE à fournir un soutien aux petits agriculteurs.

Aux yeux de l'ONG Walhy les petits groupes de producteurs indépendants d’huile de palme sont capables de se conformer avec le standard mis au point dans l’Union européenne, à condition que les  européens assurent un soutien entier à ces petits producteurs indépendants en termes de capacités financières et de prix aussi, sur un marché plus équitable.
L’objectif, explique l’ONG, serait par exemple de fixer un prix supérieur pour l'huile de palme certifiée légale et sans déforestation.

>>> Déforestation : une loi historique de l’Union européenne pour lutter contre le phénomène en Amazonie

La viande, l'un des principaux facteurs de déforestation au Brésil

Chaque année, l'Amazonie est en feu, et les arbres abattus sont brûlés pour laisser la place à de l'herbe avant que le bétail n'arrive dans la foulée. Le bœuf rapporte gros non seulement par la vente mais aussi parce que c'est un bon moyen d'occuper une terre en attendant qu'elle se valorise.

Sur les 4,1 millions de têtes de bétail vendues par an aux abattoirs de l'UE, au moins 500.000 proviendraient de terres déboisées hors du cadre légal.

Résultats d'une étude publiée en 2020

Les groupes brésiliens, comme JBS, le numéro1 mondial de la viande, assurent pratiquer une politique de tolérance zéro envers leur fournisseur. Sauf que JBS a été accusé à de nombreuses reprises de  "blanchir" du bétail, ce qui consiste à élever des bêtes dans une ferme déforestée illégalement, puis de les transférer dans une autre dite "propre". Au Brésil, le suivi individuel des bœufs tout au long de leur vie n'est pas obligatoire, facilitant ce genre de fraudes.

Au Brésil la loi européenne va avoir des conséquences à commencer par une baisse des importations de viandes brésiliennes mais il n'est pas sûr qu'elle soit significative. À l'inverse, les échanges avec le Brésil devraient plutôt être revus à la hausse si l'accord entre l'UE et le Mercosur est ratifié dans le courant de l'année. Il faut dire que cette nouvelle loi ne concerne que les terres déboisées après décembre 2020. Enfin, nombre de producteurs brésiliens ne sont pas impliqués dans la déforestation et sont prêts à mieux produire.

Or, justement cette nouvelle loi pourrait avoir pour effet de créer un double marché. L'un exportant de la viande plus éthique et plus cher, l'autre qui serait beaucoup moins regardant sur les conditions de production. L'UE est un marché important de plus de 800 millions de dollars, mais cela reste très inférieur à celui de la Chine qui est de loin, la première importatrice de viande bovine brésilienne. En 2022, elle en a acheté pour plus de huit milliards de dollars.

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