Europe : de la relocalisation au refus pur et simple, la question migratoire en Italie, en Hongrie et en Lituanie
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde.
Un sommet européen a débuté jeudi 24 juin à Bruxelles. Plusieurs sujets seront discutés notamment le variant Delta du coronavirus, les relations avec la Russie ou encore la nouvelle loi hongroise, jugée discriminatoire envers la communauté LGBT+. Les chefs d'État ou de gouvernement de l'UE aborderont aussi la question migratoire. Direction l'Italie, la Hongrie et la Lituanie.
L'Italie espère avancer sur la relocalisation des migrants
Sur la question migratoire, l'Italie se sent mieux écoutée au sein de l'UE. D'ailleurs, Mario Draghi a insisté pour que la question soit discutée à Bruxelles avec les 27. Ces derniers jours pour préparer le sommet, il a même fait une tournée européenne. Il est allé en Espagne pour voir son homologue, qui rencontre les mêmes difficultés, et en Allemagne pour voir Angela Merkel. Rome travaille surtout avec Paris et Berlin pour relocaliser automatiquement les migrants sauf que les 27 ne sont pas d'accord. Cela pourrait avancer à cinq ou six pays maximum ce serait alors une victoire pour l'Italie qui cette année a déjà vu arriver 20 000 migrants sur ses côtes, trois fois plus qu'en 2020 à la même période.
L'Italie insiste pour aider et financer les pays d'origine et de transit des migrants. Mario Draghi et son gouvernement se sont rendus en Libye et en Tunisie. L'Europe le suit sur ce point puisqu'elle veut défendre ses frontières extérieures. Sauf que l'urgence selon Bruxelles, c'est plutôt le corridor des Balkans et donc la Turquie. La Libye et la Tunisie le sont moins. C'est donc une autre bataille pour Mario Draghi qui cherche à s'imposer davantage. Tout en acceptant l'urgence turque, il cherche à faire admettre l'urgence libyenne. Quant à l'immigration légale - il faut savoir qu'elle est essentielle pour la vieille Italie - Mario Draghi a eu cette petite phrase devant le Parlement en parlant de ces migrants : "Si nous ne les intégrons pas, nous produisons potentiellement des ennemis !"
La Hongrie n'accepte plus de migrants
Depuis un an, la Hongrie n’accepte plus aucun réfugié sur son sol. Le pays a même fermé ses camps de migrants. En mai 2020, la Hongrie a fermé ses deux camps de réfugiés au sud du pays, près de la frontière serbe. Pourquoi ? Parce que la Cour de Justice européenne venait de décider que ces camps étaient illégaux. Il faut dire qu’ils ressemblaient à une prison à ciel ouvert, les gens logeaient dans des containers entourés de barbelés. La Hongrie avait rejeté leur demande d’asile et voulait les rapatrier en Serbie, mais Belgrade refusait de les accueillir. Ces réfugiés, environ 300 personnes moisissaient dans cette espèce de no man’s land, certains étaient là depuis un an. La Cour de justice a ordonné de les libérer. La Hongrie les a relogés dans des centres d’accueil dont ils pouvaient sortir. Ils ont réussi à gagner l’Autriche et l’Allemagne.
La Hongrie en a profité pour verrouiller l’accès au droit d’asile. Aujourd’ hui plus personne n’a le droit de demander l’asile en Hongrie. Il faut déposer la demande dans une ambassade hongroise, en dehors du pays. C’est un déni du droit d’asile, dénoncent les défenseurs des droits humains. Il y a des milliers d’exilés actuellement en Croatie et Serbie qui tentent régulièrement de traverser la Hongrie. Parce que c’est le chemin le plus court vers l’Allemagne ou l’Angleterre. Ils arrivent à cisailler la clôture de barbelés, mais la police hongroise les interpelle - elle en appréhende 800 par semaine - et les refoule avec violence. Ces réfugiés sont souvent tabassés, mordus par des chiens, obligés de se déshabiller… Malgré ces violences, les migrants réessayent sans arrêt. Certains en sont à leur 25e tentative.
En Lituanie, une vague migratoire inédite
De manière assez surprenante, une vague de migration en provenance du Moyen-Orient semble être en passe de recouvrir la petite Lituanie. Un phénomène totalement inédit. En temps normal, c'est-à-dire jusqu'au mois de mai, la Lituanie n'interceptait sur son sol que quelques dizaines de migrants clandestins tous les ans. Il y en a eu moins d'une centaine pour toute l'année 2020. Mais depuis la fin mai les gardes-frontière lituaniens ont arrêté près de 400 personnes - des ressortissants irakiens essentiellement - qui avaient tous franchi clandestinement la frontière à partir de la Biélorussie. La Lituanie a même dû en urgence monter un camp de réfugiés pour accueillir ces centaines de migrants.
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko semble avoir mis à exécution sa menace d'ouvrir les vannes de l'immigration vers l'Europe. C'est ce qu'il avait promis fin mai aux Européens, lesquels venaient de sanctionner son régime à la suite du détournement d'un avion de la compagnie Ryanair pour y arrêter un opposant biélorusse, le journaliste Roman Protassevitch qui se trouvait à son bord.
Et le régime de Loukachenko semble être allé chercher ces migrants jusqu'en Irak. Le nombre de rotations aériennes entre Minsk, la capitale de Biélorussie, et Bagdad a doublé depuis la fin mai. L'agence touristique d'État biélorusse proposerait même un "package" tout compris avec le voyage jusqu'à Minsk au départ de Bagdad ou d'Istanbul, un hébergement provisoire dans la capitale biélorusse et le passage clandestin de la frontière européenne grâce à une filière "sûre". Filière d'autant plus sûre qu'il s'agit des gardes-frontière biélorusses eux-mêmes, qui ont été vus et même filmés par leurs homologues lituaniens en train d'organiser le franchissement de la frontière à des groupes d'une dizaine de personnes à chaque fois. Il y aurait encore à Minsk près de 2 000 Irakiens en attente de pouvoir entrer ainsi clandestinement sur le territoire de l'Union européenne.
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