Guerre civile au Soudan : après l'Éypte et le Tchad, les réfugiés se dirigent vers l'Italie, selon le HCR
Paris a promis une aide humanitaire de 110 millions d’euros, Berlin, 244 millions, l’Union européenne contribuera à hauteur de 350 millions, et Washington 138 millions. Les donations seront "bien au-dessus du milliard d’euro", a fait savoir un diplomate à l’Agence France-Presse et à Reuters, à propos de cette conférence internationale qui s'ouvre lundi 15 avril 2024 à Paris.
Au-delà des dons collectés, la conférence a aussi pour objectif de coordonner les médiations pour mettre fin au conflit. La terrible guerre qui a éclaté au Soudan le 15 avril 2023 oppose deux généraux ennemis : Abdel Fattah al-Burhan, à la tête de l'armée régulière, qui fait face à Mohamed Hamdane Daglo, dit "Hemedti", son ancien adjoint et commandant des Forces paramilitaires de soutien rapide. Ce conflit a fait des dizaines de milliers de morts et plus de 8 millions de déplacés, alors que le Soudan a déjà connu deux guerres civiles. Au Darfour, dans le sud-ouest du pays, les victimes parlent même de "génocide" et les Nations unies parlent "d'une des pires crises humanitaires au monde". Ceux qui le peuvent fuient cette guerre fratricide, vers l'Égypte et le Tchad, malgré des conditions dramatiques, et certains commencent à se diriger vers l'Europe.
500 000 réfugiés en Égypte
Ce qui compte au Caire, c’est moins le versant idéologique du conflit que le renforcement de la position égyptienne dans la région, notamment sur la question du barrage éthiopien qui a créé des tensions entre l'Égypte, le Soudan et l'Éthiopie depuis plus de 10 ans. Hemedti s’étant allié à Addis Abeba, il est inenvisageable pour le Caire de ne pas soutenir al-Burhan. Au cours de l’année passée, al-Burhan a été reçu deux fois au Caire, contrairement à Hemedti, qui lui n’a pas eu ces honneurs, et qui est soutenu par les Émirats arabes unis ainsi que par les miliciens russes de Wagner.
Mais au milieu de ce jeu géopolitique, alors qu'al-Burhan continue de perdre du terrain face aux Forces de soutien de rapide, ce sont les Soudanais qui souffrent. Selon le Haut-commissariat pour les réfugiés de l’ONU (HCR), plus de 8 millions de Soudanais sont déplacés internes ou réfugiés. Rien qu’en Égypte, ils sont un demi-million à avoir fui les combats.
Depuis juin 2023, alors que la guerre avait éclaté depuis deux mois, un visa a été rendu nécessaire aux Soudanais pour passer la frontière. Alors, la plupart privilégient la voie illégale, qui se solde parfois par des drames. Plusieurs racontent l’attente dans le désert, parfois le manque de nourriture et d’eau avant de réussir à rejoindre l’Égypte tout en échappant à la police aux frontières. Une fois arrivés, c’est un nouveau parcours du combattant qui s'annonce pour eux. Ils doivent attendre des mois avant de pouvoir s’enregistrer en tant que demandeur d’asile de l’ONU, avec la crainte d’être arrêtés à tout moment en raison de leur statut illégal en Égypte et d’être renvoyés vers le Soudan en guerre.
Au Tchad, une hospitalité extraordinaire malgré le risque de famine
Au Tchad, près de 600 000 nouveaux réfugiés soudanais sont arrivés en un an, portant à plus de 1,2 million le nombre total de réfugiés accueillis dans ce pays, qui est pourtant l’un des plus pauvres du monde. Cela représente plus de 6% de la population totale. À la frontière, la ville d'Adré a été totalement submergée par le récent afflux de réfugiés, la population a été multipliée par trois. Pourtant, les Tchadiens continuent d’accueillir chaque jour de nouveaux arrivants - encore 10 000 pour le mois de mars.
Cette hospitalité assez extraordinaire a été présentée comme un exemple par l’ONU. "Ce sont nos frères, donc on leur a naturellement tout donné, dit Mariam, une agricultrice tchadienne, mais nous sommes en train de devenir aussi pauvres qu’eux", s’alarme-t-elle.
Déjà des tensions apparaissent autour des terres agricoles et des ressources naturelles, dans une région particulièrement aride : "Le Tchad est en train de mener une guerre humanitaire depuis un an, explique le colonel Mahamat Ali Sebey, le préfet d’Adré, le département Assoungha est rempli. Nous avons un problème récurrent d'eau, entre des terrains lotis et des champs où les gens cultivaient".
Des réfugiés commencent à arriver en Italie
La famine menace déjà le Darfour voisin, où, dans le camp de réfugié de Zamzam par exemple, un enfant meurt toutes les deux heures, selon l’ONG Médecins sans frontières. Cette famine risque désormais de se propager au Tchad, si la situation perdure et que les gens ne peuvent pas cultiver.
Ce serait dramatique car l’ONU manque cruellement de financement, au point de ne pas être sûr de pouvoir distribuer même un minimum de nourriture le mois prochain. Les humanitaires placent donc beaucoup d’espoir dans la conférence de Paris, d’autant qu'ils ont le sentiment que la crise soudanaise est reléguée au second plan de l’attention internationale. "Encore une fois, cette crise du Soudan, si on regarde le nombre de réfugiés dans les différents pays voisins, c'est sans doute la crise humanitaire la plus grave dans le monde actuellement", décrit Jérôme Merlin, représentant adjoint du HCR (Haut-commissariat pour les réfugiés) au Tchad. "Le Tchad est un peu une digue dans cette région, prévient-il, mais si cette digue lâche, il pourrait y avoir des mouvements d'ampleur, notamment vers l'Europe." Ces mouvements sont déjà perceptibles. Au moins 6 000 Soudanais sont arrivés en Italie ces derniers mois, selon le HCR.
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