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Guerre en Ukraine : les conséquences de l'accueil des réfugiés sur le logement en Pologne et en Roumanie

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction la Pologne et la Roumanie pour voir quelles sont les conséquences de l'arrivée massive de réfugiés ukrainiens sur le logement.

Article rédigé par franceinfo - Sarah Bakaloglou, Paul Cozighian
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Des réfugiés ukrainiens attendent le bus après avoir traversé la frontière ukraino-polonaise au poste frontière de Medyka, dans le sud-est de la Pologne, le 8 avril 2022. (WOJTEK RADWANSKI / AFP)

Plus de 5.4 millions d'Ukrainiens ont fui leur pays depuis le début de la guerre, selon les chiffres du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) publiés vendredi 29 avril. Beaucoup d'entre eux ont trouvé refuge dans les pays limitrophes. Un exode forcé qui peut entraîner des difficultés d'accès au logement. Direction Varsovie et Bucarest.

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En Pologne, une forte tension sur le marché immobilier de la location

Varsovie a vu sa population augmenter de 15% depuis le début de la guerre, avec l’arrivée et l’installation de 300 000 réfugiés ukrainiens. La demande de logements est devenue beaucoup plus forte dans une ville où l’offre est pourtant limitée. Conséquence : les loyers ont flambé de 30 à 40% environ. "En début de l’année, c’était possible de louer un deux-pièces pour environ 430 euros par mois, souligne Marcin Jańczuk, directeur marketing de l’agence Metrohouse. Après le début de l’invasion en Ukraine, les prix sont montés pour ce type de bien jusqu’à 640 euros."

En Pologne, le marché locatif était déjà très limité avant la guerre. Le pays compte 85% de propriétaires et environ 15% de locataires. Près d’un million et demi de logements manquaient déjà sur tout le territoire. L’offre en logements à louer se fait donc encore plus rare aujourd’hui. "Si on prend l'année dernière et les chiffres du nombre d'offres publiées sur internet, il y a avait 40 000 appartements à la journée en Pologne, liste Nicolas Jerzyk, directeur de l’agence Rent a Flat Poland. Aujourd'hui on a 8000 offres, sachant que sur les 8000, 30-40 % ne sont plus d'actualité et 20-30% de ces annonces sont des arnaques. Donc en réel, il doit y avoir 1000 offres à la journée publiées sur internet pour toute la Pologne." La forte inflation en Pologne - 12,3% en avril - se répercute aussi sur le marché de l’immobilier. Cela peut pousser les propriétaires à augmenter les prix des loyers car les charges coûtent plus chères. De plus, les taux d'intérêt des crédits ont aussi fortement augmenté.

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En Pologne, lorsque vous empruntez, le taux d'intérêt est variable, c'est-à-dire qu’il peut augmenter au fil des années. Certains propriétaires augmentent donc les loyers pour pouvoir rembourser leurs mensualités, explique Nicolas Jerzyk : "Un couple qui souhaitait acheter l'appartement pour investir et le mettre en location ne le fera pas aujourd'hui, pour la simple raison qu'en octobre 2021 les taux d'intérêt en Pologne était à 2,2% avec la marge de la banque. Aujourd'hui, on est à 8,5%". Ces taux d'intérêt pourraient dissuader de potentiels acheteurs. Par ailleurs, le secteur de la construction immobilière a été très ralenti pendant le covid. En Pologne, de nombreux ukrainiens travaillaient dans ce secteur avant la guerre, et sont rentrés en Ukraine pour se battre, créant donc un problème de main d'œuvre.

En Roumanie, plus de 900 000 réfugiés ukrainiens accueillis

Pays frontalier avec l’Ukraine sur plus de 600 km, la Roumanie vient de passer le cap de 900.000 réfugiés, entrés sur le territoire depuis le 24 février, selon les chiffres communiqués par la Police aux Frontières. La plupart d’entre eux font étape dans les grandes villes, comme à Bucarest par exemple, où chaque jour, une dizaine de trains en provenance du Nord, de l’Est et du Sud-Est de la Roumanie les ramènent dans la capitale. À la Gare du Nord de Bucarest, plusieurs tentes ont été installées dans l’un des halls d’accès aux quais, transformé en campement de fortune. Elles font désormais partie du décor. Les plus démunis y trouvent refuge pour quelques heures.

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Les bénévoles sont là pour les conforter et les aider, comme Natalia, russe, mariée avec un Roumain, vit à Bucarest depuis 3 ans. "Je suis traductrice et j’aide les personnes qui ne parlent ni anglais, ni roumain. Je m’appelle Natalia. C’est un nom très populaire en Russie. Je suis contre la politique de Poutine, précise-t-elle. Poutine a commencé la guerre. C’est lui l’agresseur, et mon pays l’est aussi. Je suis désespérée par ce qui se passe actuellement en Ukraine et je voulais simplement faire quelque chose ! C’est un devoir moral pour moi." 

Natalia accueille deux familles dans sa maison de campagne, deux mamans, avec trois enfants. Et puis elle parle tous les jours à sa mère, qui est restée dans sa ville natale, à 1000 km de Moscou. "Ma mère comprend tout, elle pleure tous les jours, explique Natalia. Ce que Poutine dit à la télévision en Russie, que les Ukrainiens sont des fascistes et que c’est un génocide contre les Russes, n’est pas vrai ! Il faudra encore plus de sanctions contre Poutine et ceux qui l’entourent." Désormais, Natalia réfléchit à aménager ses horaires, pour pouvoir se rendre à la Gare du Nord tôt le matin, quand la plupart des volontaires sont au travail.   Jusqu'à présent environ 110 000 ukrainiens ont choisi de rester en Roumanie, dont 30.000 enfants.

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