Guerre en Ukraine : les perspectives en 2024 pour Kiev et Moscou
L’aide internationale et la mobilisation sont des facteurs déterminants pour l'Ukraine dans cette guerre. L’aide internationale, on le sait, patine. Le vote d’une enveloppe supplémentaire de 61 milliards de dollars est toujours bloqué par le congrès américain, malgré les efforts de Joe Biden pour expliquer aux élus républicains, qu’aider l’Ukraine avec des armes et de l’argent sera toujours moins coûteux aux États-Unis que d’intervenir directement. Face à ces atermoiements, la Russie se frotte les mains. Vladimir Poutine a bien compris que le temps jouait en sa faveur, et qu’il fallait maintenir le rythme et la pression constante sur l’Ukraine jusqu’à l’automne, en pariant sur une possible réélection de Donald Trump.
Ukraine : Kiev peine à relever les militaires sur le front
Les Ukrainiens le savent aussi, si le soutien américain disparaît, le soutien européen ne fera pas long feu, avec les divisions européennes et l’attitude de Viktor Orban notamment. Au-delà du soutien politique, il y a aussi cette question pratique : les vieux stocks d’armements européens sont quasiment épuisés et les pays européens, qui contrairement à la Russie, ne sont pas passés en économie de guerre, n’ont pas encore la capacité de les reconstituer. L’Union européenne a ainsi annoncé qu’elle ne pourra pas tenir sa promesse d’un million de munitions supplémentaires à l’Ukraine avant fin janvier comme promis.
Les militaires le racontent, leur besoin premier, avant même les armes, c’est de pouvoir être relevés. Ce sont des hommes déterminés, mais épuisés qu’on voit le long de cette ligne de front de plus de mille kilomètres, à l’Est. Des hommes qui pour beaucoup n’ont pas eu de permissions depuis parfois huit mois. C’est une guerre qui fait beaucoup de morts. Pour ne prendre que l’exemple d’Avdiivka, la principale bataille du front de l’Est en ce moment, c’est depuis un mois plusieurs centaines de morts par jour. Et cela évidemment fait très peur.
On est très loin de l’exaltation des débuts de la guerre avec des milliers d’hommes qui se sont présentés spontanément pour intégrer l’armée. Un élan que l’on a senti à nouveau, dans une moindre proportion, au début de l’été, au début de la contre-offensive ukrainienne. Mais elle n’a pas porté ses fruits, et on a vu au contraire des hommes tout faire pour éviter d’être mobilisés. Volodymyr Zelensky vient d’annoncer que l’état-major souhaiterait 450 à 500 000 hommes supplémentaires. Une pression militaire qui s’accroît sur le chef de l’État.
Dans les restaurants chics de la capitale, on peut désormais assister à des raids, des sergents recruteurs qui débarquent, vérifient si les hommes présents, en âge d’être mobilisés, sont effectivement inscrits au bureau de recrutement et si ce n’est pas le cas, ils sont emmenés immédiatement pour être enregistrés. L’État est mis sous pression pour faire la chasse à la corruption, les fausses exemptions médicales, les passeurs qui pour 6 000 ou 7 000 euros, permettent à certains de fuir le pays. Une loi est en préparation pour redessiner les contours de cette mobilisation, enjeu clé des prochaines semaines.
Russie : 300 000 soldats morts ou hors d'état de combattre
Du point de vue du Kremlin, 2023 est une année positive. L'armée russe est repassée à l'offensive en Ukraine. Certes elle progresse peu, mais elle a contenu la grande contre-offensive ukrainienne. Et d'après Vladimir Poutine elle n'a pas de problème d'effectifs, il y a suffisamment de volontaires et pas besoin d'une deuxième vague de mobilisation.
Sur le plan économique, là aussi, après avoir accusé le coup la Russie est repartie de l'avant. La croissance devrait atteindre 3%, le chômage est faible, et l'appareil productif russe résiste mieux que prévu aux sanctions. Sur le plan politique, le pouvoir semble bien en place. La mort d'Evguéni Prigojine a mis fin à la contestation, la plus bruyante en tout cas.
On peut aussi tirer un autre bilan. L'armée russe a subi de lourdes pertes : 300 000 soldats morts ou hors d'état de combattre d'après les Américains. L'économie reste fragile, l'inflation est repartie à 7% l'investissement reste faible, on manque de main-d’œuvre un peu partout, la production industrielle hors défense est en baisse, et le pays reste morose, pour ne pas dire déprimé à l'approche de cette nouvelle année.
L'année 2024 sera celle de l'élection présidentielle. Il n'y a aucun suspense, Vladimir Poutine restera au pouvoir. La question est de savoir si, une fois l'élection passée, le pouvoir se sentira plus libre de prendre des mesures éventuellement impopulaires, comme des hausses d'impôts ? La guerre en Ukraine coûte cher. Le durcissement de la répression ou l'augmentation des restrictions de sortie de territoire, sont-ils envisageables ? Tout cela dépendra bien sûr de l'évolution sur le front ukrainien.
L'hypothèse la plus probable c'est qu'en 2024 le pays sera encore en guerre, c'est en tout cas la trajectoire retenue dans les prévisions de budget du gouvernement qui n'envisage une baisse des dépenses militaires qu'à partir de 2025. Tout dépendra aussi de la capacité des Occidentaux à durcir ou mieux faire appliquer les sanctions. Mais aussi de la volonté ou non de certains pays de poursuivre leur coopération avec la Russie, comme la Chine ou l'Inde. Cela dépendra aussi des cours du pétrole qui reste la principale source de revenus de la Russie et détermine donc sa capacité à financer une guerre qui laissera des traces profondes mais peut-être pas visibles dès l'année prochaine.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.