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Guerre en Ukraine : plus d'un mois après le début du conflit, quel accueil pour les réfugiés en Pologne, Allemagne et Suisse

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction la Pologne, l'Allemagne et la Suisse pour évoquer la situation des réfugiés ukrainiens après 37 jours de guerre.

Article rédigé par franceinfo - Sarah Bakaloglou, Hugo Flotat-Talon, Jérémie Lanche
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
Des réfugiés ukrainiens font la queue pour obtenir des billets de train gratuits dans le hall de la gare principale de Przemysl, dans le sud-est de la Pologne, près de la frontière polono-ukrainienne, le 31 mars 2022 (ANGELOS TZORTZINIS / AFP)

Les pourparlers russo-ukrainiens visant à mettre fin à la guerre en Ukraine ont repris vendredi 1er avril. Trente-sept jours après le début de l'invasion russe, plus de 4,1 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays, selon le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), pour trouver refuge à l'étranger. "Forcés de fuir pour rester en vie", souligne le HCR. La Pologne accompagne sur son sol plus de la moitié de tous les réfugiés partis d'Ukraine. Un accueil qui représente aussi, pour les pays européens, un défi logistique. Tour d'horizon.

En Pologne, un flux de réfugiés moins important qu’au début de la guerre  

Plus de 2,4 millions de réfugiés en provenance d’Ukraine ont déjà rejoint la Pologne. Ces jours-ci entre 25 000 et 30 000 personnes environ arrivent quotidiennement, c’est moins que les plus de 100 000 réfugiés quotidiens des premières semaines. La phase d’intégration n’est pas sans défis, car les grandes villes comme Varsovie ou Cracovie ont vu leur population augmenter de 20% environ depuis le début de la guerre, ce qui représente tout de même 300 000 personnes de plus à Varsovie. Le temps de l’improvisation est terminé, a dit le maire de la capitale.

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Si de nombreux particuliers ont hébergé des familles ukrainiennes et des centres d’accueil temporaire ont été mis en place pour quelques nuits, ce n’est que du court terme. Trouver un logement pour ces réfugiés à long terme sera compliqué. "À Varsovie c’est presque impossible même pour ceux qui peuvent payer, indique Dominika Pszczółkowska du Centre de recherche sur les migrations de l’Université de Varsovie. Bien sûr la plupart ne peuvent pas payer. Le gouvernement ne fait pas grand-chose pour résoudre ces problèmes. Il y a des ressources avec des gens qui veulent accueillir des réfugiés dans les villes plus petites, mais l’information n’est pas distribuée d’une manière suffisante."

Au total 140 000 enfants ukrainiens ont d’ailleurs déjà intégré les écoles polonaises. La grande majorité des enfants ukrainiens scolarisés en Pologne ont été intégrés directement aux classes d’enfants polonais, ce qui pose bien sur le problème de la langue, surtout pour les examens.  Cela représente un véritable tsunami selon les mots du syndicat d’enseignant ZNP… Surtout qu’en Pologne, il y a un problème de pénurie d’enseignants, avec déjà un problème de places dans les crèches ou les maternelles. Faire garder ses enfants sera essentiel pour permettre aux mères de travailler.

En Allemagne, un nouveau défi après l’accueil des réfugiés syriens en 2015  

Près de 300.000 réfugiés sont déjà enregistrés en Allemagne. Le chiffre réel est même certainement beaucoup plus élevé. C’est un nouveau défi à relever pour le pays après l’accueil des réfugiés syriens en 2015. Un défi pour parer à l’urgence d’abord. De grandes tentes ont été installées devant les gares. Jusqu’à 15.000 personnes arrivaient quotidiennement en train à Berlin par exemple les premiers jours. Des milliers de bénévoles et d’associations sont mobilisés. Il faut ensuite loger ces personnes. Certains réfugiés ont de la famille, des connaissances ici, mais pas tous. Certaines villes rouvrent des centres qui avaient déjà servis pour les réfugiés syriens en 2015. Sur le site de l’ancien aéroport de Tempelhof à Berlin par exemple.

Les communes profitent de cette expérience de 2015. "On a fait en quelques semaine ce qui nous avait pris plusieurs mois à l’époque", disent les responsables. Mais de nombreuses villes sont tout de même à leurs limites. À Cologne, Yuleya Gonchar accueille sa nièce, le fils de celle-ci et sa tante d’Ukraine. Elle raconte ses difficultés pour avoir accès aux aides officielles. "J’ai trouvé une place en crèche, un logement pour la jeune fille, explique Yuleya Gonchar. On a fait des demandes de titres de séjour. On a déjà tant fait. Mais cela n’avance pas. On ne peut pas comprendre tout cette bureaucratie. Aujourd’hui j’ai appelé 40 fois les services de la ville ! Personne ne répond ! 40 fois ! Regardez, on le voit sur mon téléphone !" Les villes reconnaissent qu’elles manquent de personnel. En attendant, les écoles se mobilisent aussi. Plus de 20.000 enfants sont déjà scolarisés. 

L’Allemagne veut aussi intégrer ces réfugiés sur le marché du travail. Des milliers d’entreprises ont déjà publié des offres sur des plateformes en ligne, pour les Ukrainiens. L’Allemagne y voit une chance : près deux millions d’offres d’emploi ne trouvent pas preneurs ici. Le ministre fédéral du Travail s’est d’ailleurs engagé à alléger les procédures pour que les diplômes ukrainiens puissent être reconnus rapidement.

En Suisse, de très nombreuses initiatives pour accueillir des réfugiés  

La Suisse accueillie quasiment autant de réfugiés ukrainiens que la France, près de 30 000. C'est beaucoup, pour un pays à peine plus grand que la région Centre-Val de Loire. Et le chiffre pourrait encore doubler d'ici quelques semaines. On parle aujourd'hui d'un millier de réfugiés qui arrivent chaque jour en Suisse. Et ce n'est qu'une estimation parce que comme partout, il est très difficile d'avoir un chiffre exact. On sait par exemple que des dizaines de milliers de particuliers se sont fait connaître auprès des autorités et des associations pour héberger des familles. Il y a même des applications qui ont été lancées pour mettre en relation des réfugiés avec des familles d'accueil. Un élan de solidarité quasiment inédit en Suisse. En tout cas depuis au moins 20 ans et la guerre au Kosovo.

On ne compte plus d'ailleurs le nombre d'initiatives individuelles de Suisses qui prennent la route pour aller chercher des réfugiés à la frontière ukrainienne. C'est ce qui s'est passé dans le petit village de Alle, dans le Jura Suisse : 2000 habitants et désormais 65 réfugiés ukrainiens. Ils sont hébergés un peu partout, y compris chez le maire Stéphane Babey. Lui salue la démarche. Mais avoue que tout le monde dans le village n'avait peut-être pas mesuré ce que ça voulait dire de devenir famille d'accueil. "Il était prévu qu’on accueille ces gens dans les familles d’accueil maximum un mois, explique-t-il. Et là les autorités cantonales nous ont averties que ce serait minimum trois mois. On sent qu’il y a dans certaines familles, je ne vais pas dire des tensions mais que le soufflet est un petit peu retombé." Pour le moment, c'est donc un peu le système D. Mais qui permet au système officiel de tenir. Alors que les centres fédéraux, dans lequel doivent normalement être hébergés les demandeurs d'asile, sont totalement saturés.

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