Guerre en Ukraine : pour éviter les sanctions économiques, des oligarques russes choisissent la Turquie et Israël
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction la Turquie et Israël qui voient affluer les jets privés d'oligarques russes.
En réponse à l'invasion en Ukraine, l'Union européenne a adopté lundi 14 mars une quatrième salve de sanctions contre la Russie. De nouveaux oligarques russes ont été ajoutés à liste noire qui leur interdit l'entrée sur le territoire et permet la saisie de leurs biens. Parmi les noms ajoutés, celui de Roman Abramovitch. Ce proche de Vladimir Poutine a déjà été sanctionné par le Royaume-Uni et le Canada. Dans ce contexte, ces milliardaires proches du Kremlin se tournent vers d'autres pays comme la Turquie ou Israël.
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La Turquie, nouveau point de chute des oligarques russes et de leurs avoirs ?
La Turquie et sa capitale économique Istanbul n’étaient pas identifiées comme un havre pour oligarques. Mais avec le choix assumé de la Turquie de n’infliger aucune sanction à la Russie, les choses vont-elles changer ?
Car depuis le début de la guerre en Ukraine, l’aéroport d’Istanbul a vu passer plusieurs jets privés appartenant à certains de ces oligarques. Parmi eux, Roman Abramovitch, propriétaire du club de football britannique de Chelsea. Son avion a déjà atterri à Istanbul début mars. Il a à nouveau fait escale dans la capitale le lundi 14 mars : il arrivait d’Israël avant de s'envoler vers Moscou.
La Turquie, contrairement à ses voisins européens, n’impose aucune restriction aux appareils russes ou aux luxueux yachts de ces oligarques. Ils ont été plusieurs à jeter l’ancre dans des ports turcs ces dernières semaines. Parfois après avoir quitté à la hâte des ports européens.
Dans la presse turque, certains avancent que ces personnalités vont ensuite amener leur argent en Turquie. Mais des économistes mettent un bémol à cet enthousiasme. Ils rappellent que les sanctions occidentales et les mesures prises par la Russie compliquent sérieusement les transferts internationaux. Ces économistes ajoutent par ailleurs que les banques privées turques n’ont aucune envie d’accueillir de l’argent en provenance de banques et d’oligarques visés par des sanctions. Elles pourraient se retrouver à leur tour sous le coup de sanctions. Ainsi, à y regarder de plus près, la Turquie n’est pas forcément un refuge de choix pour ces oligarques.
La Turquie espère toujours jouer un rôle de médiateur entre la Russie et l’Ukraine
Les ministres russes et ukrainiens des Affaires étrangères se sont rencontrés le 10 mars à Antalya, au sud de la Turquie. Cette rencontre s'est soldée par un échec mais cela n’a pas découragé les autorités turques. Elles estiment qu’il faut avoir un dialogue permanent avec la Russie et ne veulent pas exercer des représailles contre l’économie turque, très vulnérable en ce moment. Aucune sanction mais des appels du pied pour se voir confier un rôle de médiateur, en arguant de ses bonnes relations avec les deux belligérants.
L’Ukraine s’y est montrée favorable dès le début de la guerre. La Russie de son côté élude la question en public. La semaine dernière, alors qu’il se trouvait en Turquie, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov s’en est même référé plusieurs fois aux négociations en Biélorussie. Mais la Turquie n’abandonne pas l’idée d’accueillir, in fine, un éventuel sommet entre le Russe Vladimir Poutine et l’Ukrainien Volodymyr Zelensky. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a répété qu’il considérait les deux présidents comme ses amis et qu’il comptait bien faire en sorte qu’il en reste ainsi.
Israël tiraillé par la guerre en Ukraine
Une chaîne de télévision israélienne a rapporté vendredi 11 mars, qu’un nombre inhabituel de jets privés en provenance de Russie se seraient posés en Israël depuis l’invasion de l’Ukraine : 14 ces dix derniers jours. Parmi ces appareils, celui de... Roman Abramovitch, qui est détenteur d’un passeport israélien. Son avion a atterri à Tel Aviv dimanche 10 mars avant donc de rendre en Turquie.
Ces arrivées provoquent de vives critiques sur les réseaux sociaux. Depuis, Israël hausse le ton. Lors d'une visite en Slovaquie lundi 14 mars, le ministre israélien des Affaires Etrangères Yaïr Lapid s'est engagé à ne pas permettre à Moscou et à ses oligarques de "contourner" les sanctions imposées par les Etats-Unis et certains pays Occidentaux.
Un comité spécial pour baliser la réponse israélienne aux sanctions a été mis sur pied début mars mais impossible de savoir si des recommandations ont été faites. Certaines institutions ont alors pris les devants : Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem a décidé de couper tout lien économique avec des oligarques russes, dont Roman Abramovitch, qui sont pourtant leurs principaux donateurs.
Israël devra-t-elle choisir un camp ?
Allié de longue date des États Unis, entretenant des relations amicales avec l’Ukraine, l'État hébreu est dans l’embarras puisque le pays cherche aussi à ménager la Russie pour plusieurs raisons : intérêts communs au Moyen-Orient, notamment en Syrie ; près d’un million de citoyens israéliens sont originaires de l’ex-URSS et Israël a besoin de la bienveillance de Vladimir Poutine dans le cadre des négociations sur le nucléaire iranien. Le pays évite de se joindre aux sanctions occidentales contre les oligarques russes.
Le pays cherche donc à trouver un équilibre délicat et s’efforce à jouer l'entremetteur. De nombreux efforts de médiations ont été entamés par le Premier ministre israélien. Lundi, Naftali Bennett s’est une nouvelle fois entretenu avec le président russe Vladimir Poutine. Après cet échange téléphonique de plusieurs heures, il a dialogué ce même jour avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Toutefois, cet exercice d'équilibriste est difficile. L’administration Biden ne cesse de rappeler Israël à l’ordre. Dans l’entourage de Volodymyr Zelensky, la colère montre contre Israël, que les Ukrainiens estiment "pro-russe". Car l'État hébreu a refusé toute aide militaire à l’Ukraine, y compris des cyber-armes telles que le logiciel espion Pegasus. Seule une centaine de tonnes de matériel médical a été envoyée. Par ailleurs, les chaînes de télévision russes, interdites en Europe, continuent d'être diffusées en Israël, et la compagnie aérienne El Al poursuit ses vols vers Moscou.
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