Guerre en Ukraine : pour pallier le gaz russe, les Pays-Bas, l'Autriche et la Pologne relancent les centrales à charbon ou en reportent la fermeture
Dans "Le Club des correspondants", franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction la Pologne, l'Autriche et les Pays-Bas pour voir si ces pays envisagent d'utiliser leurs centrales à charbon à cause de la guerre en Ukraine.
La guerre en Ukraine a rouvert certaines centrales à charbon en Europe. Face aux baisses de livraison de gaz russes, l'Allemagne annoncé notamment un recours accru au charbon. Ce combustible fossile est pourtant le plus émetteur en gaz à effet de serre mais la question de son utilisation se pose dans de nombreux pays européens. Direction les Pays-Bas, l'Autriche et la Pologne.
Les Pays-Bas augmentent la production des centrales à charbon
Les Pays-Bas font partie des pays européens qui ont décidé de suivre le feu vert de la commission européenne et de tordre le cou au moins temporairement à leurs objectifs climatiques. Le gouvernement vient d’autoriser l’augmentation de la production des centrales au charbon après la fin des livraisons de Gazprom. Le fournisseur néerlandais GasTerra a refusé de payer Gazprom en roubles et la réaction attendue a été immédiate, le robinet du gaz russe est coupé pour les Pays-Bas.
Le gouvernement batave a donc décidé de lever les restrictions pour les centrales au charbon. Elles avaient l’interdiction de fonctionner à plus de 35% de leurs capacités, cette restriction est désormais levée. Elle ne datait pourtant que du 1er janvier de cette année 2022. Le ministre de l’Énergie et de l'Environnement Rob Jetten s’était fait fièrement photographier en 2019 devant la centrale au charbon d’Hemwegen en cours de fermeture et c’est lui qui a dû annoncer la levée des restrictions sur le charbon. Il affirme qu’il n’y a pas de pénurie aiguë de gaz pour le moment aux Pays-Bas mais il annonce aussi une crise du gaz dite de niveau 1 ou alerte précoce
Il faut dire que les Pays-Bas sont très dépendants du gaz dans leur consommation énergétique et qu’ils envisagent aussi des pistes de diversification. On estime la consommation énergétique finale à 58% de gaz, 16% de charbon et 18% de renouvelables. Aujourd’hui les réserves de gaz se situeraient autour de la moitié des capacités de stockage. C’est peu par rapport à la moyenne européenne mais suffisant pour faire face à la demande affirme-t-on dans le pays, d’autant que la consommation aurait baissé avec l’envolée des prix. Mais les Pays-Bas ont deux autres solutions de repli. D’abord la poursuite de l’exploitation du gisement gazier de Groningue, dans la Frise, une exploitation qui devait être arrêtée du fait des effondrements de terrain que subissent les habitants de la région. Et ensuite l’accord de coalition gouvernementale prévoit de tripler la capacité nucléaire avec la construction de deux nouvelles centrales aux Pays-Bas.
L'Autriche va relancer sa dernière centrale au charbon
L’Autriche a annoncé qu’elle allait réactiver une centrale à charbon pour pallier une éventuelle pénurie de gaz russe. Cette centrale, située à Mellach, dans le sud du pays était la dernière centrale au charbon d’Autriche. Elle avait été fermée au printemps 2020 dans le cadre de l’objectif du gouvernement d’atteindre 100% d’électricité verte d’ici 2030. Mais la guerre en Ukraine a tout bouleversé. L’Autriche importe 80% de son gaz de Russie, une dépendance que le gouvernement doit désormais réduire. Il a, en ce sens, présenté un premier plan le mois dernier mais a dû aller plus loin face à l’urgence de la situation. Comme d’autres pays en effet, l’Autriche est aujourd’hui confrontée à la diminution des livraisons de gaz russe, c’est pourquoi la décision de réactiver cette centrale s’est finalement imposée.
Une décision prise par un gouvernement qui est composé de conservateurs mais aussi d’écologistes. C’est en effet pour les Verts une décision contre-nature. La ministre écologiste de l’environnement, Leonore Gewessler, insiste toutefois sur un point : cette centrale ne produira de l’électricité qu’en cas d’urgence. "J'avais placé avec joie notre dernier morceau de charbon dans un musée, raconte la ministre, mais maintenant nous devons de nouveau nous approvisionner en charbon afin d’avoir, en cas d'urgence, cette centrale supplémentaire. C'est une grande centrale qui représente environ 10% des capacités de l’ensemble des centrales à énergies fossiles du pays." En parallèle, l’Autriche se constitue des réserves de gaz. À la mi-juin, le pays avait ainsi déjà stocké 39% de sa consommation annuelle, soit un pourcentage supérieur à la moyenne européenne.
La fin du charbon en Pologne toujours programmée pour 2049
Varsovie a annoncé il y a un an a décidé de fermer sa dernière mine de charbon en 2049. Cette date n'a pas changé avec le début de la guerre en Ukraine. En revanche, l’accord conclu par le gouvernement polonais avec les syndicats de mineurs prévoit une fermeture progressive des mines et c’est là qu’il pourrait y avoir du changement. Selon le vice-premier ministre Jacek Sasin, il faut rallonger le délai d’exploitation des mines censées fermer en premier. La première mine de charbon devait fermer en 2028, la suivante en 2029, puis 2035 et 2037. Ces fermetures devraient donc être reportées et le gouvernement polonais voudrait même augmenter la capacité d’exploitation de certaines de ces mines pour suffire aux besoins du pays mais aussi pour exporter du charbon.
La Pologne a longtemps été pointée du doigt à cause de l’exploitation de son charbon. Varsovie se sert du revirement de certains pays européens en matière de politique énergétique comme argument pour convaincre l’Union européenne que la sécurité énergétique doit passer avant la politique climatique européenne. Le plus grand motif de satisfaction pour le gouvernement polonais est la suspension de la mise en service du gazoduc Nord Stream II entre la Russie et l’Allemagne. Varsovie a toujours été farouchement opposée à ce projet et le premier ministre Mateusz Morawiecki aime aujourd'hui répéter que la Pologne avait raison de ne pas se rendre encore plus dépendante de la Russie. La frange la plus radicale de la coalition au pouvoir en Pologne appelle même à prolonger l’exploitation du charbon bien au-delà de 2049.
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