Interdiction des touristes russes dans l'Union européenne : quelle est la position de la République tchèque, de l'Allemagne et de l'Italie ?
Les Vingt-Sept discutent en ce moment à Prague de l’idée d’interdire aux touristes russes de venir dans l'Union européenne.
L'Union européenne va-t-elle bannir les touristes russes ? Réunis à Prague en République tchèque pour une réunion de deux jours mardi 30 et mercredi 31 août, les ministres des Affaires étrangères vont discuter de la possibilité d'interdire l'octroi des visas touristiques pour les Russes. Cette éventualité ne fait pas consensus au sein des Vingt-Sept.
La République tchèque en faveur de l'interdiction
Le pays préside actuellement le Conseil de l’Union européenne et fait partie des pays qui plaident pour une telle interdiction. Contrairement à la Pologne, à la Finlande et aux Etats baltes, la République tchèque n’a pas de frontière commune avec la Russie mais elle a été l’un des premiers pays à suspendre la délivrance de visas touristiques aux ressortissants russes – et aux ressortissants biélorusses également – dès le lendemain de l’invasion de l’Ukraine du 24 février. Jan Lipavsky, le chef de la diplomatie tchèque, souligne que ceux qui demandent de tels visas ne sont pas des citoyens ordinaires de Russie mais font partie pour la plupart de "l’élite de Moscou et de Saint-Pétersbourg qui soutient tacitement le régime totalitaire de Vladimir Poutine". Le Kremlin vient d’ailleurs de menacer de mesures de rétorsion les pays comme la Tchéquie qui poussent pour cette interdiction.
Il s’agit donc des visas touristiques qui permettent de se déplacer librement dans tout l’espace Schengen. Pour le reste, surtout pour les cas humanitaires ou les personnes persécutées par le régime russe, des exceptions sont prévues, c’est le cas déjà en République tchèque où les regroupements familiaux sont également autorisés. Dans le même temps, il faut rappeler que la Tchéquie fait partie des pays européens qui a délivré le plus de permis de séjour à des réfugiés ukrainiens, avec environ un demi-million de visas provisoires accordés, le plus souvent à des femmes et des enfants. Pour la rentrée des classes ce jeudi, plusieurs dizaines de milliers d’enfants ukrainiens sont inscrits dans une école tchèque.
L'Allemagne ne veut pas fermer la porte aux Russes
Il y a 536 000 demandes de visa émanant de touristes russes qui ont été traitées en 2021 par les membres de la zone Schengen. Dans le débat sur l'interdiction ou non de visas touristiques pour les citoyens russes, l'Allemagne et la France ont adopté une position commune, favorable à une relative ouverture des frontières. Pour le chancelier allemand Olaf Scholz, l'agression de l'Ukraine est la guerre de Poutine. Pas question de pénaliser la population. D'autant que le chancelier veut laisser le plus de chances possibles aux opposants au Kremlin de continuer à se réfugier sans trop d'entraves dans l'Union européenne. "C'est la guerre de Poutine, c'est pourquoi j'ai du mal à imaginer une fermeture des frontières", a déclaré le chancelier allemand. Les libéraux associés au gouvernement rappellent de leur côté que de nombreux Allemands ont des racines en Russie, et qu'ils doivent pouvoir continuer à rendre visite à leur famille sur place, sans restrictions supplémentaires.
Mais cette une position est loin de faire consensus en Allemagne. L'opposition conservatrice rappelle notamment que 80% des Russes soutiennent la guerre et l'agression de l'Ukraine. Les touristes seraient selon le conservateur bavarois Thomas Erndl essentiellement des soutiens du Kremlin qui utilisent les visas de tourisme pour continuer à se procurer les produits de luxe qu'ils ne peuvent plus acheter à Moscou ou Saint Petersbourg. Et puis l'Allemagne doit faire preuve à ses yeux de solidarité avec ses voisins de l'est et du nord de l'Europe. Dont l'Allemagne avait déjà ignoré les intérêts avec le gazoduc Nord-Stream 2.
L'Italie réticente à se priver de la manne des touristes russes
Le pays pourrait très prochainement rejoindre l'Allemagne sur une position moins intransigeante à l'égard de la Russie lorsqu'il s'agit de sanctions. La coalition des droites, largement en tête dans les sondages, devrait arriver fin septembre au pouvoir à la faveur des élections législatives anticipées, et ses membres ont tous fait preuve d'une russophiles plus ou moins prononcée ces dernières années. A commencer par Matteo Salvini. Le leader de La Ligue a estimé il y a quelques jours à peine que les sanctions économiques contre Moscou pénalisent plus que la Russie, dont l'excédent commercial est de 70 milliards de dollars. "L'UE devrait se poser des questions sur leur utilité", a-t-il déclaré. L'utilité des touristes russes n'est pas à démontrer pour un secteur touristique transalpin qui générait avant la pandémie près de 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit 6% du PIB du pays.
L’éventualité d’une interdiction des touristes russes inquiète le secteur touristique italien. Elle est perçue comme un frein au redressement en cours du secteur. L'effondrement du nombre de visiteurs russes dans la péninsule a été compensé cette année par le retour massif des touristes américains et par l'afflux de ceux en provenance des autres pays européens. Les villes d'art et les stations balnéaires se sont réjouies de pouvoir enfin sortir de deux ans de grandes difficultés à cause de la pandémie de Covid-19. Et le ministre du Tourisme se félicite même que le secteur pourra, à la fin de l'année, atteindre les niveaux de 2019. Et dans certaines localités et régions, il pourra même le dépasser, même si cela ne compensera pas totalement l'absence des touristes asiatiques ni les effets de l'explosion de l'inflation et de la crise énergétique. Les touristes russes auraient été accueillis à bras ouverts dans ce contexte. Il l'était déjà avant le conflit en Ukraine. Ils font habituellement partie des clients les plus dépensiers dans les boutiques de luxe de Milan, dans les discothèques et les restaurants de Sardaigne ou encore dans les stations de ski des Dolomites. Quant aux oligarques du régime de Poutine, leur yacht mouillait souvent dans les ports italiens.
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