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L’Union européenne doit-elle interdire les visas aux touristes russes ?

L’idée d’interdire aux touristes russes de venir en Europe agite les 27 en ce moment. La Finlande va prendre des mesures tandis que des discussions auront lieu à Bruxelles fin août.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
La douane de Nuijamaa (Finlande) où transitent de nombreux russes. (ALESSANDRO RAMPAZZO / AFP)

La Première ministre finlandaise, Sanna Marin,  n’a plus l’intention d’accueillir les touristes russes et elle ne prend pas de pincette pour le dire : "Il n'est pas normal que les citoyens russes puissent entrer en Europe, dans l'espace Schengen, être des touristes (...) alors que la Russie est en train de tuer des gens en Ukraine."
La Finlande est un point d’entrée important pour les Russes : les deux pays se partagent 1 300 kilomètres de frontière. Le gouvernement a annoncé cette semaine qu’il allait réduire de 10% le total des visas accordés aux Russes, à partir du 1er septembre. Actuellement, le pays reçoit près de 1 000 demandes russes par jour.

Guerre psychologique

Une interdiction pure et simple de visas fondée sur la nationalité n'est pas possible en Europe. La Finlande a donc trouvé plusieurs alternatives. Déjà, elle va réduire les horaires d’ouverture du bureau qui s’occupe des demandes de visas. Mathématiquement, il y en aura moins. Ensuite, les demandes seront traitées par priorité et un visa humanitaire va être créé – il n’existe pas pour l’instant en Finlande. En haut de la pile, les journalistes ou les ONG menacés par le régime de Poutine, par exemple.

Helsinki va aussi militer à Bruxelles pour sortir la Russie de l’accord de facilitation des visas. Ces dispositions facilitatrices ne s'appliquent déjà plus depuis février aux diplomates, responsables et chefs d'entreprise russes, hauts responsables politiques et oligarques qui font l'objet de sanctions européennes. Cela engendrera une augmentation du prix du sésame de 35 à 80 euros.

Enfin, la Finlande a débuté une guerre psychologique. Depuis fin juillet, certaines villes qui accueillent des touristes russes diffusent l’hymne ukrainien une fois par jour.

On parle bien ici de visas de "touristes" russes car les oligarques russes, proches de Poutine, sont pour la plupart sous le coup de sanctions européennes et ne peuvent théoriquement plus venir sur le territoire. Théoriquement car d’après Navalny, le principal opposant au régime, seulement 46 des 200 Russes les plus riches sont actuellement soumis à des sanctions.

L’Europe divisée

Pour l’instant, plusieurs pays européens demandent l’interdiction de délivrance de visa russe pour l’espace Schengen, dont la Finlande, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie et la Pologne.

En revanche, la Commission européenne est réticente. Elle estime que cela empêcherait de protéger les dissidents russes qui tentent de quitter le pays. La présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne souhaite un débat entre les 27 d’ici la fin du mois. La décision doit être prise à l’unanimité.

>> Des touristes russes interdits de sites touristiques en France ?

L’Ukraine pousse pour cette interdiction depuis le début de la guerre, le président Zelensky l’a redit dans une interview au Washington Post "J'ai dit dès le début que je pensais que les sanctions les plus importantes étaient la fermeture des frontières, parce qu'elles empiètent sur le territoire de quelqu'un d'autre. Eh bien, laissons-les vivre dans leur propre monde jusqu'à ce qu'ils changent de philosophie."

Une interdiction improductive

Pour Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) interrogé par franceinfo, une interdiction totale des visas aux Russes serait improductive. "Cela renforcerait la solidarité autour de Poutine", explique l’expert. "Les Russes qui voyagent représentent 40% de la population, et ils sont la partie la plus éclairée, la plus ouverte aux influences occidentales, la plus désireuse de garder le contact avec les Européens. C’est avec cette partie de la Russie que nous devrons bâtir des relations plus tard", quand la guerre sera finie.

À long terme, cette solution n’apparait donc pas la meilleure. D’autant que les touristes russes sont nombreux à aller en Italie ou en Espagne. Leur interdire l’espace Shengen serait un gros sacrifice pour les pays qui comptent sur le tourisme pour adoucir la crise.

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