Journée internationale des droits des femmes : un référendum en Irlande et des défilés féministes en Argentine

La Journée internationale des droits des femme est l'occasion pour les Irlandais de revoir la place des femmes dans la société à travers un référendum. Les Argentins, eux, manifestent contre le nouveau président Milei qui conteste le droit à l'avortement. Nos correspondants sur place racontent.
Article rédigé par Caroline Vicq - Clémence Pénard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Dublin, en Irlande, le 5 mars 2024, avant le référendum. (PAUL FAITH / AFP)

En Irlande, un référendum est prévu en cette Journée internationale des droits des femmes, pour modifier certaines dispositions de la Constitution. Le 8 mars a été choisi comme jour de scrutin pour supprimer un article clairement sexiste, accordant les "devoirs domestiques" aux femmes. C'est aussi l'occasion de reconnaître, peut-être enfin, le rôle précieux des aidants au sein de la société irlandaise.

En Argentine, le 8 mars voit des dizaines de milliers de femmes dans les rues et une volonté commune de résister contre le président Milei et ses dernières déclarations provocatrices sur l’avortement. Face à l’ajustement économique brutal imposé par son gouvernement, le mot d’ordre des manifestations en Argentine est donc la lutte contre la crise alimentaire, la pauvreté, mais aussi contre la tentative d’abrogation de lois comme celle de l’avortement ou de l’égalité des genres.

En Irlande, un double référendum sur la place des femmes et des aidants

En Irlande, l’idée est de reformuler l’article 41.2 de la Constitution, qui fait référence aux "devoirs des femmes à la maison". Il stipule que l'État doit veiller à ce que les mères de famille ne soient pas obligées de travailler pour des raisons économiques, au détriment de leurs devoirs domestiques ! Un texte des années 1930 qui reflète la forte influence de l'Église catholique dans le pays.

Si le oui l’emporte, le référendum permettra donc d’affirmer que la place d'une femme est là où elle le souhaite. "Les Irlandaises ont protesté contre cet article dès qu’il a été inséré dans la Constitution, relate Rachel Coyle, directrice de campagne du Conseil National des femmes en Irlande, et nous n’avons jamais cessé de nous y opposer. Nous voulons enfin changer sa vision restreinte et dépassée du rôle des femmes. Car depuis ce texte, l’Irlande s’est considérablement transformée."

La définition de la famille est aussi en jeu avec le référendum d’aujourd’hui, qui pourrait permettre de l’élargir au-delà du mariage et de reconnaître les familles monoparentales ou celles de couples non mariés. "Si vous n’êtes pas mariés, vous avez malheureusement moins de droits, explique Claire O'Connell, membre de l'Alliance des Parents LGBT+. Donc voter 'oui' permettra d’avoir une définition plus inclusive. Elle reste à définir, mais on pourrait parler de 'relation durable' plutôt que de 'couple marié'."

"L’État doit s'efforcer de soutenir les aidants"

Ce référendum en deux parties sera aussi l'occasion de remplacer ce langage archaïque par une reconnaissance de l'immense contribution des aidants au sein des familles, qui s’occupent des enfants handicapés et des parents âgés et/ou souffrants : un rôle assigné aux femmes la plupart du temps, il faut bien l’avouer ! Quoi qu’il en soit, c'est un rôle qui mérite un examen approfondi, même si selon certains aidants, le libellé du nouvel article sur le soin n’est pas assez contraignant pour l’État. Malgré tout, Rachael Walsh, professeure en droit constitutionnel, veut croire en une première étape importante : "Il n'y a pas beaucoup de dispositions dans la Constitution qui imposent une obligation à l'État, constate-t-elle. Certes cette obligation est faible, il est écrit : 'L’État doit s'efforcer de soutenir', mais ça reste une obligation !"

Dans un pays à forte tradition catholique, les Irlandais ont déjà largement voté ces dernières années pour assouplir la législation sur l'avortement et autoriser le mariage gay. Un double "oui" au référendum d’aujourd’hui irait donc dans le sens de cette libéralisation de la société.

En Argentine, la position pro-vie de Javier Milei met en danger la légalisation récente de l'avortement

En Argentine, le mot "résistance" est très souvent prononcé par les mouvements féministes pour qualifier leur lutte actuelle. Le nouveau président Javier Milei s’en prend régulièrement aux féministes, depuis ses années de députés, puis en campagne présidentielle et encore aujourd’hui en tant que chef de l’État. Dernier exemple en date, mercredi, lors d’un discours donné dans son ancien collège : "Ce que font les hommes politiques, c’est s’endetter et laisser la facture aux générations futures, et même à celles qui ne sont pas encore nées. Certains essayent d’ailleurs de les tuer avant la naissance, a fustigé le président. Je parle des assassins aux foulards verts. Vous savez que pour moi, l’avortement est un meurtre aggravé en raison du lien entre la mère et l’enfant. Et ça, je peux le démontrer d’un point de vue mathématique, philosophique, libéral et bien entendu biologique."

Ces déclarations s’ajoutent à sa volonté politique d’abroger la loi pour l’avortement légal, une loi votée le 30 décembre 2020 après presque 15 ans de lutte. La position pro-vie de Javier Milei est l'un des points centraux de son projet politique. Et Il y a un mois, une députée de son parti a déjà déposé un projet demandant la dérogation de cette loi. Pour les féministes, que ce soit au Congrès ou de manière plus silencieuse, le gouvernement fera tout pour arriver à ses fins.

"Ils peuvent entraver le droit à l'avortement plus facilement"

Lula, lui, est volontaire de l’association "Réseau de secouristes", qui accompagne les femmes qui avortent. Il alerte sur une situation extrêmement fragilisée selon lui : "Ils peuvent entraver le droit à l’avortement plus facilement et plus rapidement qu’à travers un débat politique et social pour déroger une loi. Par exemple, en réduisant les dépenses, ils peuvent empêcher le matériel d’arriver dans les centres de santé, comme les médicaments, le matériel chirurgical ou les méthodes de contraception, détaille-t-il. C’est pour ça qu’on est toujours en état d’alerte. En plus, le président nous provoque constamment en désignant les mouvements féministes comme un ennemi public et interne. C’est une pratique autoritaire et fasciste qui malheureusement a déjà eu lieu en Argentine, pendant la dictature."

Jusqu’à présent, compte tenu des mesures économiques prises depuis décembre, les manifestations ont surtout été convoquées par les organisations sociales contre l’inflation - 55% en 3 mois -, la dévaluation ou les licenciements. C’est réellement aujourd’hui, le 8 mars, la première fois que les mouvements féministes se manifestent. Pour la défense de l’avortement légal mais aussi et surtout contre l’ajustement économique dont les femmes sont principalement les victimes.

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