L'amer héritage des Jeux olympiques au Japon et au Brésil

Promesses non tenues, infrastructures coûteuses, nos correspondants nous dressent le bilan des Jeux olympiques dans deux précédents pays d'accueil : le Japon à Tokyo en 2021 et le Brésil à Rio de Janeiro en 2016.
Article rédigé par franceinfo - Karyn Nishimura et Jean-Mathieu Albertini
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'été de Tokyo, le 23 juillet 2021. (MANAN VATSYAYANA / AFP)

Alors que la flamme olympique arrive à Marseille ce mercredi 8 mai 2024, le Club des correspondants fait escale au Japon et au Brésil, deux villes qui ont déjà accueilli des Jeux olympiques. Direction Tokyo, précédente ville d’accueil de ces Jeux olympiques et paralympiques d’été. Ils étaient prévus en 2020, mais ont finalement eu lieu en 2021 à cause de la pandémie de Covid. Si les Japonais gardent un bon souvenir des jeux sur l'aspect sportif, économiquement, le bilan est globalement déficitaire. Les infrastructures nouvellement construites et considérées comme le principal héritage sont tous les ans dans le rouge et coûtent encore plus.

Au Brésil, les JO de 2016 ont été une belle fête, mais leur héritage est autrement plus problématique. Malgré quelques réalisations importantes, l'explosion des coûts et les innombrables crises qui ont malmené le pays dans les années qui suivent en ont terni le bilan. D'autant que de nombreuses promesses n'ont pas été tenues. Mais à l'approche des élections municipales, le maire de Rio de Janeiro tente de redorer l'image de l'héritage des jeux.

Japon : Tokyo tente d'attribuer aux JO de nombreuses évolutions

Si on en croit les petits clips promotionnels de la municipalité de Tokyo, l’héritage des JO de 2021 est multiple et important, mais dans les faits, un peu moins. L’aspect positif, d'abord, globalement, bien que très sceptiques au départ, voire carrément contre cette manifestation sportive, les Japonais en ont gardé un bon souvenir sur le plan sportif, parce que les performances ont été au rendez-vous. Mais c'est un souvenir teinté d’amertume quand même puisque le public a été interdit à cause du Covid. La municipalité de Tokyo et l’État tendent à attribuer aux JO de nombreuses évolutions et aménagements, mais ce sont des changements nécessaires qui, de toute façon, auraient eu lieu sans cet événement.

Il y a plusieurs bilans chiffrés de ces Jeux, mais ils diffèrent. Celui du comité d’organisation estime le coût total à 1 400 milliards de yens, soit au cours actuel très bas de la monnaie japonaise environ 8,5 milliards d’euros, c’était plus au taux de change de l’époque. Mais ce chiffre ne prend pas en compte plusieurs autres dépenses relatives aux JO. Donc, tout compris, les estimations vont de 10 à 14 milliards. Pas de public, pas de recettes de billetterie, donc un bilan globalement déficitaire. Mais pire encore, sur les sept infrastructures durables nouvellement construites et considérées comme le principal héritage, six sont tous les ans dans le rouge, donc coûtent encore plus. Le nouveau stade national est notamment utilisé pour des concerts, afin d’essayer de le rentabiliser, mais son acoustique n’est pas du tout faite pour et donc le public se plaint.

Nombreux scandales de corruption

Les préparatifs des jeux avaient été entachés de nombreux scandales et il y a depuis deux ans une enfilade de procès pour corruption. Un des membres du comité d’organisation est accusé d’avoir exigé des pots-de-vin de plusieurs grands sponsors. Ce prévenu, dont le procès est toujours en cours, nie, mais les dirigeants des entreprises concernées, eux, ont reconnu avoir versé de l’argent en sous-main et ont déjà été condamnés en justice. Autant dire que cela fait tache. Cela a même empêché la ville de Sapporo d’être candidate pour les Jeux olympiques d’hiver de 2030.

Brésil : infrastructures à l'abandon, promesses non tenues

Les Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016 ne sont pas un bon souvenir pour tout le monde. Près de 80 000 personnes ont été expulsées durant la préparation des jeux. Un sacrifice nécessaire pour transformer Rio, selon les autorités de l'époque. Mais depuis ces Olympiades à 13 milliards d'euros, c'est pourtant la déception qui domine. La dépollution de la baie de Guanabara reste un rêve lointain, quand les 150 kilomètres de lignes de trolleybus inaugurées se sont rapidement détériorés. Une nouvelle ligne de métro a été construite, mais l'une des stations prévues s'est transformée en gouffre financier. C'est même, littéralement, un gouffre, que les autorités ont rempli d'eau, pour éviter l'effondrement d'immeubles alentours. Si on ajoute la spéculation immobilière incontrôlée, la corruption, et les infrastructures sportives délaissées, le bilan n'est pas glorieux. Et puis, dès la fin des JO, le pays s'est enfoncé dans les crises, laissant un goût amer aux Brésiliens.

Un enjeu politique pour Rio

Le tramway et la rénovation du centre-ville restent un bel acquis. Le maire de l'époque, Eduardo Paes, de retour au pouvoir depuis 2020, compte bien aller plus loin, transformant de vieilles promesses en argument de campagne pour les municipales de cette année. Il balaie les critiques sur le temps perdu et blâme les crises ainsi que le mandat erratique de son successeur. Huit ans après, il reprend les inaugurations, comme en février 2024. "Je suis en compagnie du président Lula et de tout un tas de ministres, et voilà l'histoire : derrière moi, les bâtiments étaient des stades olympiques. Le premier va devenir une école publique pour 1 000 enfants des quartiers voisins, dont la Cité de Dieu, et le deuxième, notre ministre va le transformer en campus fédéral", a-t-il déclaré.

Trois autres écoles, deux piscines, une gare routière, sont aussi construites à partir de bâtiments olympiques. Tout se concentre principalement dans la zone ouest, où se trouve la majorité des électeurs et où Jair Bolsonaro domine. Dans des municipales où les enjeux sont nationaux, le maire compte sur le soutien de Lula, qui espère de son côté voir son allié emporter une large victoire à Rio.

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