La guerre en Ukraine fait bouger les lignes sur le nucléaire en Europe
Dans le club des correspondants, franceinfo s'intéresse à l'actualité vue de l'étranger. Aujourd'hui, les débats sur l'énergie nucléaire plus denses à l'heure de la crise énergétique causée par la guerre en Ukraine dans trois pays : l'Allemagne, la Suède et la Finlande.
Le conflit en Ukraine précipite les débats autour de l’énergie nucléaire, à l’heure où la crise énergétique menace les économies européennes. C’est le cas, par exemple, en Allemagne, qui n’arrêtera pas, comme c’était prévu, sa dernière centrale nucléaire.
Face à la crise, l’Allemagne conserve pour l’instant sa dernière centrale
Le chancelier a donc tranché et arbitré le débat. L’Allemagne va finalement prolonger le fonctionnement de sa troisième et dernière centrale nucléaire : l’annonce a été faite lundi 17 octobre dans la soirée par le chancelier Olaf Scholz. Depuis plusieurs jours, le débat faisait rage entre les trois partenaires de la coalition. Les Verts, les libéraux du FDP et le SPD d’Olaf Scholz étaient divisés sur la solution à apporter face à la crise énergétique née du conflit en Ukraine.
Emsland, dans le nord de l’Allemagne, dont l’activité devait s’arrêter le 31 décembre, va être prolongée jusqu’au 15 avril prochain, décision prise par Olaf Scholz dans un contexte où l’Allemagne, désormais privée des importations de gaz russe, tente de faire face à la crise. A l’origine, la coalition avait prévu de maintenir seulement en activité deux des trois dernières centrales du pays jusqu’au printemps : Isar 2 près de Munich et Neckarwestheim 2, dans l’ouest. Mais l’exécutif s’est rendu compte que cela ne suffirait pas : en Allemagne, le nucléaire fournit 6% de la consommation d’énergie. Cette décision revient à repousser de quatre mois et demi la date de sortie du nucléaire fixée par l’ancienne chancelière Angela Merkel, du 31 décembre au 15 avril.
Ces choix sont particulièrement compliqués à digérer pour les Verts, contraints à des renoncements qu’ils étaient certainement loin d’imaginer il y a un an quand ils ont rejoint la coalition. La guerre en Ukraine les avait déjà forcés à accepter les livraisons d’armes à l’Ukraine et l’augmentation conséquente du budget de l’armée allemande. C’était déjà un grand pas pour le parti écologiste qui en a fait un autre : les Grünen, dont l’opposition à l’atome est ancrée dans les gènes, ont donné leur accord à la prolongation de deux des trois dernières centrales allemandes, une décision prise pour ne pas mettre en péril l’approvisionnement énergétique de l’Allemagne. Pour le parti, c’était le maximum acceptable : pas question d’aller plus loin… La décision d’Olaf Scholz de prolonger la troisième centrale est donc un camouflet pour le parti et une petite victoire pour les autres partenaires de la coalition, les libéraux du FDP, qui souhaitaient aller plus loin et maintenir les trois centrales en activité jusqu’en 2024.
Ils s’en trouvent pourtant certains, au sein des Verts, qui ont du mal à accepter cette volte-face sur la question du nucléaire. Ainsi, quand le ministre de l’Economie Vert Robert Habeck se félicite de ce pas en avant, histoire de faire digérer ce compromis, les militants du parti, surtout les plus jeunes d’ailleurs, crient à la trahison. Beaucoup reprochent au parti ses positions changeantes et critiquent l’absence de ligne directrice. Comme si le plus important pour les Verts était de sauver leur place dans une coalition qui a de plus en plus de mal à s’entendre sur les sujets apparus après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
En Suède, le nouveau gouvernement relance la filière
Le nouveau gouvernement de droite en Suède a annoncé vouloir relancer la filière du nucléaire, un revirement pour le pays qui a fermé six centrales sur douze en quelques décennies. La fin de l’atome avait été décidée par référendum en 1980, mais même si le nucléaire en Suède représente toujours un tiers de la production d’électricité, la feuille de route tablait sur du 100% d’énergie renouvelable d’ici à 2040. Autrement dit, la relance du nucléaire c’est un changement de cap majeur pris par l’actuelle majorité. Mais, cette année, avec l’explosion des prix de l’électricité, quelques signaux faibles indiquaient déjà un changement de direction : sur la taxonomie européenne, par exemple, la Suède avait voté, avec la France, pour accorder le label durable au nucléaire. Le précédent gouvernement socio-démocrate, à la faveur du départ des Verts de la coalition, avait approuvé la construction d’un site d’enfouissement de déchets hautement radioactifs… La Suède suit ainsi la voie de la Finlande qui la première au monde a commencé à construire un tel site de stockage final.
La Finlande met en route le réacteur le plus puissant d’Europe
En Finlande, justement, le réacteur le plus puissant d’Europe vient d’être mis en route, après douze ans de retard, et des surcoûts qui ont fait passer la facture de trois milliards et demi à environ onze milliards d’euros. La mise en route le mois dernier du réacteur EPR d’Olkiluoto, situé sur les rives du golfe de Botnie, tombe cependant à point nommé puisque les livraisons d’électricité depuis la Russie se sont arrêtées, et que la Finlande avait déjà été obligée d’actionner des centrales de réserve au fioul le mois dernier. Construit par le consortium franco-allemand Areva-Siemens ce réacteur de dernière génération produit à lui seul 20% de l’électricité consommée en Finlande. Si l’on ajoute les deux réacteurs existants, la centrale contribue à 40% de la production nationale, c’est dire si le site est vital.
L’énergéticien finlandais, Fortum, a par ailleurs annoncé qu’il envisageait de construire deux SMR, de petits réacteurs, pour la Suède et la Finlande. Une étude de faisabilité qui durera deux ans doit permettre d’analyser les avantages et inconvénients de cette technologie par rapport aux réacteurs conventionnels.
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