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La mort d'Elizabeth II et l'arrivée d'un nouveau roi relancent le débat sur le lien avec la monarchie en Australie, en Afrique du Sud et au Canada

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, le rapport à la monarchie, parfois complexe, dans les anciennes colonies britanniques, alors que se poursuivent les hommages après la mort de la reine Elizabeth II.

Article rédigé par franceinfo - Pascale Guéricolas, Romain Chanson et Grégory Plesse
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des enfants déposent des fleurs devant Government House, la résidence vice-royale du gouverneur de Nouvelle-Galles du Sud, à Sydney, en Australie, le 11 septembre 2022, après la mort de la reine Elizabeth II.
 (MUHAMMAD FAROOQ / AFP)

"La reine est morte, vive le Roi !", cette devise vaut pour la Grande-Bretagne, mais aussi pour le Canada, une ancienne colonie britannique où un représentant de la Couronne assume le rôle de chef d’État. Le représentant de Charles III approuve la nomination d’un Premier ministre et signe les lois.

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Il s’agit cependant d’un rôle essentiellement symbolique. Au point que certains se demandent depuis plusieurs années s’il ne serait pas enfin le temps de couper le cordon avec la Grande-Bretagne. 

Au Canada, la sortie de la monarchie est très improbable

Au Canada, le jour même du décès de la reine, le chef du Parti québécois, qui milite pour l’indépendance du Québec, s’est attiré les foudres de plusieurs élus pour avoir posé la question qui tue : pourquoi mettre les drapeaux en berne dans cette province ? Un geste qui, selon lui, donne de la crédibilité au régime colonial britannique. Depuis, Paul St-Pierre Plamondon a reconnu qu’il avait peut-être mal choisi son moment. N’empêche, un sondage publié quelques jours plus tard le confirme : deux Québécois sur trois jugent la monarchie totalement inutile. Presque la moitié des habitants de l’Ontario, la province voisine, ainsi que ceux des provinces maritimes dans l’Est, partagent d’ailleurs cette opinion.

En avril dernier, deux-tiers des Canadiens sondés sur la possible accession au trône du prince Charles s’opposaient à ce qu’il devienne chef d’État, alors que pourtant sa nomination ne laisse planer aucun doute. Beaucoup ici ne lui ont toujours pas pardonné son divorce avec Diana et lui préfèrent son fils. Cependant, rejeter la couronne britannique nécessite plusieurs étapes : il faut avant tout changer la Constitution canadienne, puisque le pays se définit comme une monarchie constitutionnelle liée à la Grande-Bretagne. Les dix provinces doivent accepter cette modification à l’unanimité, ce qui semble presque impossible. Cependant des experts avancent aussi une autre hypothèse : certains élus pourraient prendre l’initiative de lancer un référendum pour savoir si les Canadiens veulent ou non rester de loyaux sujets de Sa Majesté. Selon les résultats, une démarche constitutionnelle s’amorcerait. Quand ? Dieu seul le sait. 

Les Australiens divisés sur la question

En Australie, un autre pays dont Charles III est désormais le chef de l’État, la mort de la reine Elizabeth II a, là-bas aussi, déclenché des discussions sur le type de régime que l’Australie devrait adopter, et sur le fait que ce pays pourrait devenir une République. Le dernier sondage sur le sujet est sorti en début d’année : les républicains ont une avance assez nette sur les défenseurs de la monarchie mais en fait, le groupe le plus important, ce sont les indécis. C'est sans doute la raison pour laquelle le Premier ministre, Anthony Albanese, qui a pourtant dans son gouvernement un ministre chargé de la République, ne se presse pas sur ce sujet. On l'a ainsi entendu déclarer lors d’une cérémonie d’hommage que le moment n’était pas venu pour envisager un changement de régime, estimant que l'heure était au deuil et au recueillement.

Les Australiens s’étaient déjà prononcés sur la question républicaine, lors d’un référendum en 1999 : le non l’a emporté avec 55% des voix. Notons toutefois que ce référendum ne se contentait pas de demander si les Australiens souhaitaient que leur pays devienne une République : il proposait également que le président soit désigné par une majorité des deux tiers des membres du Parlement. Or, un grand nombre de partisans républicains auraient préféré que le président soit élu au suffrage universel direct et comme cela n’était pas ce qui était proposé et bien une partie d’entre eux a voté non, avec les monarchistes.

Cet échec, le Premier ministre Anthony Albanese, lui-même défenseur d’une république australienne, s’en souvient, et il en a tiré les leçons, puisqu’en matière de réforme institutionnelle, sa priorité est de créer ce qu’on appelle ici une voix aborigène au parlement, qui serait un organe consultatif, représentatif des différentes communautés aborigènes en Australie, et qui serait amenée à émettre des avis sur tous les textes de lois qui les concernent. Pour l’instant, on ne sait pas comment ses membres seront désignés, ni quelles seront les prérogatives exactes de ce conseil. Et c’est à dessein qu’Anthony Albanese en dit le moins possible, car il veut soumettre cette réforme à référendum dans les mois qui viennent. La seule question qui y sera posée portera sur la création d’une telle entité. Les détails de son fonctionnement viendront plus tard, si les Australiens y sont favorables.

Le souvenir des crimes de l'époque coloniale jette une ombre sur les hommages en Afrique australe

On retrouve ces points de vue mitigés en Afrique australe. Sur le continent africain, si les chefs d'Etat saluent la mémoire d'Elizabeth II, des partis d'oppositions, journalistes, intellectuels, rappellent les crimes de l'Empire britannique. Le Malawi évoque une "amie" et "une grande reine", message de condoléances également du Zimbabwé. En Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa a salué la mémoire d'une "personnalité publique extraordinaire et de renommée mondiale". Mais la présidence n'en n'a pas trop fait : pas de drapeau en berne, pas de deuil national, pas de commémoration, juste un communiqué. Des hommages équilibrés qui traduisent une relation ambivalente avec l'ancien empire britannique. C'est là-dessus que préfèrent insister des acteurs de la société civile.

"La reine n’a jamais reconnu les atrocités que sa famille a infligées aux peuples autochtones", a dénoncé l'EFF, deuxième parti d'opposition en Afrique du Sud. "Ce deuil n'est pas le nôtre", a écrit un auteur sous la forme d'un poème. "Il serait naïf de célébrer aveuglement son règne", a réagi un éditorialiste à la radio, ne voyant pas trop ce qu'il y avait à mettre au crédit de la reine : le Commonwealth étant perçu comme une coquille vide qui ne sert pas le développement équitable du continent. Malgré ces critiques, le Commonwealth s'élargit : le Togo et le Gabon ont rejoint l'organisation cette année, le Rwanda en 2009. Maintenir l'intérêt et l'attractivité de cette organisation sera l'une des missions du nouveau roi.

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