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Les chefs d'État face à la justice au Chili et en Afrique du Sud

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, l'éviction du milliardaire de droite Sebastián Piñera au Chili et le bras de fer permanent engagé par l'ancien président Jacob Zuma en Afrique du Sud.

Article rédigé par franceinfo - Justine Fontaine et Claire Bargelès
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Sebastián Piñera, le président du Chili, à Santiago, le 10 novembre 2021. (MARTIN BERNETTI / AFP)

Jacob Zuma, l'ancien président de l'Afrique du Sud, et Sebastián Piñera, l'actuel président du Chili ont un point en commun : tous les deux sont des chefs d'État confrontés à la justice de leur pays.

Au Chili, jamais un président n'a été aussi proche de la destitution

Le Sénat chilien doit voter mardi 16 novembre pour ou contre l'éviction du milliardaire de droite Sebastián Piñera. Des élections présidentielle et législatives ont lieu ce dimanche pour désigner le successeur du président de droite au pouvoir depuis 2018. Mais Sebastián Piñera a donc été rattrapé par le scandale des Pandora papers et les sénateurs doivent décider s'ils mettent fin dès maintenant à son mandat de président. Pendant son premier mandat en 2010, ses enfants ont vendu un projet minier controversé dans le nord du Chili, or le contrat de vente a été signé aux Îles vierges britanniques, un paradis fiscal. Une clause prévoyait que l'argent ne serait versée en intégralité que si le site où devait s'installer la mine n'était pas déclaré zone naturelle protégée. Un conflit d'intérêt flagrant pour l'opposition de gauche ici, car cette décision relevait alors directement du président lui-même.

Suite à ces révélations du consortium international des journalistes d'investigation, des parlementaires de gauche ont lancé une procédure de destitution contre lui, qui a été validée par les députés la semaine dernière. En parallèle Sebastián Piñera a été mis en examen pour corruption et fraude fiscale.

La semaine dernière, sa destitution s’est jouée à une voix près chez les députés. Le vote était d'autant plus serré que plusieurs parlementaires de gauche étaient cas contact au Covid-19 car l'un des favoris de l'élection présidentielle, le député Gabriel Boric, était positif au Covid il y a quinze jours. Un élu socialiste a donc parlé pendant quatorze heures d'affilée pour permettre au dernier cas contact de terminer sa période d'isolement et de venir voter à l'Assemblée. Ce sera aujourd’hui plus difficile, car il manquerait encore cinq voix à l'opposition pour confirmer la destitution du président. Fin 2019, Sebastián Piñera avait déjà fait l'objet d'une procédure de destitution. La gauche lui reprochait alors les violations des droits de l'homme commises par les forces de l'ordre pendant le grand mouvement social contre les inégalités. La procédure n'avait pas abouti.

À Johannesbourg, Jacob Zuma n’en a pas fini avec ses déboires judiciaires

En Afrique du Sud, un bras de fer permanent oppose depuis des années l’ancien président Jacob Zuma, à la tête de l’État entre 2009 et 2018, et les tribunaux, suite à un parcours politique truffé de scandales et d’affaires de corruption. Ainsi, après une courte incarcération, qui avait déclenché une vague d’émeutes en juillet dernier, Jacob Zuma est désormais en liberté conditionnelle, mais n’en a pas fini avec ses déboires judiciaires.

Car même si l’ex-président de 79 ans peut désormais terminer sa peine de 15 mois de prison pour outrage à la justice chez lui, pour "raisons médicales" non détaillées et qui ont beaucoup fait réagir dans le pays, Jacob Zuma n’a pas fini de fréquenter les tribunaux. Il est actuellement poursuivi dans l’affaire Thalès, une affaire qui remonte à la fin des années 1990 : Jacob Zuma, alors vice-président, aurait reçu des pots-de-vin dans le cadre d’un contrat d’armement signé avec l’entreprise française. Sans compter que d’autres affaires, comme celle, sous sa présidence, du pillage des finances publiques par la famille Gupta, pourraient un jour venir s’y ajouter.

Celui que l’on surnomme le "président Téflon", pour sa capacité à échapper à la justice, n’hésite pas à se dépeindre en martyr et à comparer sa situation à celle des prisonniers politiques sous l’apartheid. Il a lui-même à l’époque purgé dix ans de prison sur Robben Island, l’île où était incarcéré Nelson Mandela. "Je suis toujours un prisonnier, qui doit respecter des règles strictes de liberté conditionnelle, clame-t-il. Cela me fait beaucoup penser à ce à quoi ressemblaient les assignations à résidence, sous surveillance, à l'époque du gouvernement colonial de l’apartheid."

En parallèle, son équipe juridique déploie une stratégie de l’évitement, avec un objectif : retarder et faire traîner les procédures par tous les moyens. Ce scandale Thalès, par exemple, remonte à plus de 20 ans, et l’ancien président a déjà évité des inculpations dans ce cadre, notamment pour vice de forme en 2008. Désormais, ses avocats s’en prennent au procureur de l’affaire et demandent à ce qu’il soit dessaisi du dossier. Mais le juge n’a pas cédé, et considère que les droits de Jacob Zuma sont respectés. Le procès devrait reprendre en avril prochain.

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