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L'ex-président sud-africain Jacob Zuma condamné à 15 mois de prison pour outrage à la justice

Empêtré dans des accusations de corruption, Jacob Zuma a tenté d'échapper à la justice par tous les moyens. Cette première condamnation rappelle que l'Afrique du Sud se veut un Etat de droit.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jacob Zuma s'adresse à ses sympathisants, après un énième renvoi de son procès pour corruption, le 26 mai 2021 à Pietermaritzburg, en Afrique du Sud. (PHILL MAGAKOE / AFP)

C'est en quelque sorte le procès dans le procès. La Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud a condamné, mardi 29 juin, Jacob Zuma à 15 mois de détention pour outrage à la justice. Il paye son attitude face à la justice de son pays, usant d'innombrables stratagèmes afin d'éviter de répondre à la commission chargée d'enquêter sur la corruption d'Etat. L'ancien président est accusé d'avoir pillé l'argent public pendant ses neuf années au pouvoir de 2009 à 2018.

"La Cour constitutionnelle n'a pas d'autre choix que de conclure que M. Zuma est coupable d'outrage à la justice, a déclaré la juge Sisi Khampepe. A la majorité des membres, la Cour ordonne une peine d'emprisonnement sans sursis pour une période de quinze mois." L'ancien président a désormais cinq jours pour se rendre à la justice, faute de quoi il sera conduit en prison par la force.

La loi est la loi

Un message fort, admet la juge de la Cour constitutionnelle, salué par la commission d'enquête. Selon celle-ci, cette condamnation indique qu'il y a "de graves conséquences pour quiconque brave les convocations et les injonctions des tribunaux, quel que soit son statut dans la société". Un rappel de l'attitude adoptée par Jacob Zuma qui ne répondait pas aux convocations, laissant un bataillon d'avocats mener une guerre de tranchées contre le pouvoir judiciaire.

Sisi Khampepe avait déjà très mal pris une lettre de Zuma adressée au président de la Cour constitutionnelle Mogoeng Mogoeng. Il y déclarait être injustement traité par la Cour. "Des allégations infondées", selon la juge pour qui Zuma cherche à s'attirer la sympathie de l'opinion publique. "C'est une insulte à la Constitution et à tous ceux, femmes et hommes, qui se sont battus et sont morts pour elle", lâchait la juge.

Pourtant cette mise en demeure commence fort mal. Edward Zuma, le fils de l'ancien président, a déclaré que la police devrait le tuer pour arrêter son père. Le clan Zuma n'a semble-t-il pas encore changé d'attitude, se plaçant toujours en victime. En revanche, pour le quotidien Daily Maverick, "si Zuma va en prison comme cela est ordonné, cela pourra être le début de la fin du règne de l'impunité". Le journal espère qu'il en sera ainsi, "en dépit du fort soutien à Zuma qui se fera sûrement entendre".

Corruption en série

Jacob Zuma doit être jugé dans une affaire de pots-de-vin qui remonte à plus de 20 ans. Il est accusé d'avoir empoché plus de quatre millions de rands (environ 235 000 euros) de Thalès, en échange de l'obtention d'un contrat d'armement d'une valeur globale de 2,8 milliards d'euros.

L'autre dossier porte sur les relations que Jacob Zuma entretenait avec le groupe Gupta, une sulfureuse famille d'hommes d'affaires d'origine indienne. Zuma leur aurait accordé de nombreux contrats et recevait en échange une commission, ce que l'ancien président a toujours nié. Des contrats largement surfacturés au bénéfice de chacun et sur le dos de l'Etat. En 2018, lorsque Zuma a été forcé à la démission, la famille a quitté le pays.

Quelle suite ?

Son incarcération suffira-t-elle à changer l'attitude de Jacob Zuma face à la justice de son pays ? Rien n'est moins sûr. Selon la politologue Amanda Gouws, citée par l'AFP, la condamnation de M. Zuma risque d'aggraver les tensions internes qui minent déjà le parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC). "Les partisans de Zuma sont probablement outrés et en train de préparer quelque chose", met-elle en garde.

Alors qu'en ce 30 juin l'Afrique du Sud commémore le trentième anniversaire de l'abolition de l'apartheid, la condamnation de Zuma est aussi un symbole fort. Le pays est un Etat de droit ou personne ne peut se soustraire à la justice.

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