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Nord Stream 2, le gazoduc qui divise l'Europe

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction la Pologne et la Bulgarie qui ne partagent pas le même avis sur le gazoduc Nord Stream 2 reliant l'Europe à la Russie par la mer Baltique.

Article rédigé par franceinfo - Damien Simonart et Damian Vodenitcharov
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Lors de la construction du gazoduc Nord Stream 2 en mer Baltique.  (HANDOUT / NORD STREAM 2 AG / VIA AFP)

Il y a dix ans tout juste, la Russie inaugurait le premier gazoduc la reliant directement à l'Europe par la mer Baltique, Nord Stream 1. Depuis, il y a eu la construction de Nord Stream 2, destinée à doubler les quantités de gaz acheminées vers l'Europe. Le gazoduc sera opérationnel d'ici à quelques semaines mais de nombreuses voix s'élèvent contre la dépendance trop forte des Européens vis-à-vis de Vladimir Poutine.

La Pologne reste radicalement opposée au projet

Si Varsovie refuse catégoriquement le projet, c’est tout d’abord parce que le gazoduc contourne la Pologne. Cette dernière se retrouve dans une situation où la Russie pourrait fermer le robinet à destination de Varsovie tout en continuant d’alimenter l’Allemagne et éventuellement le reste de l’Europe. Un réel danger pour la sécurité énergétique de tous les pays d’Europe de l’Est court-circuités par Nord Stream 2, c’est-à-dire principalement la Pologne, les Pays baltes et l’Ukraine.

Le gouvernement polonais a d’ailleurs alerté à de nombreuses reprises les autorités allemandes sur la possibilité pour Moscou d’utiliser Nord Stream 2 pour faire du chantage à des fins politiques. Des craintes qui n’ont toutefois pas découragé Berlin.

Le gouvernement polonais avait encore de réels espoirs que les livraisons de gaz ne démarrent pas tant que les États-Unis sous l’administration Trump étaient de son côté. Mais la levée des sanctions décidée par Joe Biden et l’accord Washington-Berlin ont été vues en Pologne comme un coup de poignard dans le dos. Avant le début des livraisons de gaz, il reste encore une formalité, la certification par l’Allemagne de la société Nord Stream 2 AG qui va gérer le gazoduc comme étant un opérateur indépendant. Le bureau polonais de la régulation énergétique a envoyé une note à Berlin pour lui déconseiller le faire, estimant que Nord Stream 2 AG est contrôlée par le géant russe Gazprom et donc par le Kremlin. Mais autant le dire, la Pologne est mise devant le fait accompli.  

De son côté, la Pologne prépare son avenir énergétique, elle ne prolongera pas son contrat avec Gazprom après 2022 et va miser sur le gaz norvégien. Le gazoduc Baltic Pipe qui relie la Norvège, le Danemark et la Pologne est en cours de construction. Par ailleurs, la Pologne étend actuellement un port de livraison de gaz naturel liquide à Swinoujscie sur la mer Baltique pour pouvoir importer du gaz d’autres parties du monde si nécessaire. Le développement des énergies renouvelables avance à petits pas ce qui explique aussi pourquoi le gouvernement polonais s’accroche tant à son charbon, bien qu’il pollue.  

La Bulgarie toujours favorable au projet

La position bulgare de défendre le projet Nord Stream, l’oppose à d'autres pays de l’Est de l’Europe, tels que la Pologne, les Pays Baltes ou la Roumanie. La raison est liée à une relation privilégiée avec la Russie et surtout, encore et toujours, le gaz naturel qui coule à flots dans ce petit pays d'Europe du sud-est.

L’ex-Premier ministre bulgare, Boïko Borissov, se disait ouvertement favorable à Nord Stream 2. Son rival politique, le président Rumen Radev, élu avec le soutien du Parti socialiste pro-russe, a également défendu les gazoducs russes en Europe. La Bulgarie fait partie de plusieurs de ces projets.

Après l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, la Bulgarie a dû abandonner la construction du gazoduc South Stream sous pression européenne et américaine. Il devait assurer des livraisons de gaz russe en Europe du sud. L'abandon du projet a également envenimé les relations entre Moscou et Sofia. La Bulgarie a alors rejoint le gazoduc Turk Stream, qui avait été conçu pour remplacer South Stream. Aux yeux du gouvernement bulgare, défendre Nord Stream 2 revenait donc en quelque sorte à défendre l'intérêt national de la Bulgarie.

Le pays dépend, comme la plupart des pays d'Europe de l’est, fortement de l'énergie russe. La partie reliant la Bulgarie à la Serbie est entrée en service au début 2021, la partie reliant la Russie et la Turquie en 2020. C'est un gazoduc qui a coûté très cher à la Bulgarie : environ 1,5 milliards d'euros. Le pays comptait sur les taxes de transit pour un retour sur investissement rapide. Mais depuis sa mise en exploitation, le gazoduc n'a rapporté qu'une cinquantaine de millions d'euros à Sofia, ce qui veut dire qu'il faudra attendre une dizaine d'années pour les profits financiers. Le nom de la section bulgare du gazoduc a également changé à plusieurs reprises pour éviter les sanctions américaines. C'était d'abord censé être le Balkan Stream, puis la plateforme gazière bulgare, pour enfin ne devenir que "l'infrastructure gazière. Cela dit, la Bulgarie a eu beaucoup de mal à diversifier ses livraisons de gaz naturel ou de pétrole. Elle importe toute son énergie de Russie, y compris son combustible nucléaire.

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