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Redevance télé : comment l'audiovisuel public est-il financé au Royaume-Uni, en Allemagne et en Inde ?

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction Londres, Berlin et New-Dehli où le financement de la télévision et de la radio publiques est, comme en France, un enjeu politique.

Article rédigé par franceinfo, Sébastien Farcis - Emeline Vin, Hugo Flotat-Talon
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le siège de la BBC à Londres (Royaume-Uni), en juillet 2020. (BEN STANSALL / AFP)

Comment financer l'audiovisuel public ? Le débat est relancé en France dans le cadre de la campagne présidentielle. Plusieurs candidats souhaitent supprimer la redevance télé. Ailleurs en Europe, le statut du service public de l'information et son budget suscitent également la polémique. 

Le Royaume Uni va supprimer la redevance 

Au Royaume-Uni, la redevance audiovisuelle vit ses avant-derniers jours. En janvier dernier, le gouvernement a annoncé la fin de cette taxe pour 2027. La ministre de la Culture a gelé le prix de la "licence télé" pour deux ans : 159 livres soit 190 euros que les Britanniques doivent payer chaque année pour profiter du service public audiovisuel. La prochaine augmentation, en 2023 donc, sera la dernière, avant l’abolition pure et simple de la redevance audiovisuelle.

Cela fait des années que la classe politique parle de la supprimer. Finalement, l’annonce a fait partie de l’opération "Viande rouge", cette série de promesses populistes qui devaient détourner l’attention du Partygate dans lequel Boris Johnson était embourbé début 2022. Le chef du gouvernement avait présenté ses excuses pour avoir participé à une fête pendant le confinement de mai 2020.

La redevance rapporte chaque année 3,75 milliards de livres (4,4 milliards d’euros) à la BBC. Comment la remplacer ? C’est la question à mille livres sterling. La ministre de la Culture devrait lancer prochainement une consultation. Plusieurs pistes pour éviter la fermeture d’un ou plusieurs services de la radio-télévision britannique : instaurer une taxe dédiée sur les abonnements internets – au risque de faire exploser les tarifs - autoriser la BBC à diffuser de la publicité, mais cela ne suffirait pas.

Une autre idée est beaucoup revenue ces dernières semaines, plébiscitée par les conservateurs : transformer le service public en un service type Netflix, qui fonctionnerait par abonnements. Une contribution facultative donc, adaptée aux ordinateurs mais pas aux télévisions, et qui risque de détourner une partie des Britanniques de leur "Auntie", leur "tata", comme on la surnomme au Royaume-Uni.

La redevance allemande, une question de principe

En Allemagne, la redevance audiovisuelle, le Rundfunkbeitrag, est obligatoire. Chaque foyer doit verser 18,36 euros par mois. Le montant est le même quel que soit le nombre d’habitants dans le logement. Il faut payer, même si vous n’avez pas de télévision ou de radio. Quelques exceptions existent, notamment pour les étudiants boursiers.

Les entreprises, petites et grandes, doivent aussi contribuer. On part du principe que vous profiterez à un moment donné de la radio, de la télé ou d’un site web de média public sur un téléphone ou un ordinateur. Tout le monde se doit d’être solidaire, pour des médias de service public indépendants, de qualité, importants pour le bon fonctionnement de la société. Des médias qui vivent bien : la redevance rapporte huit milliards d’euros par an environ. Plus du double de ce que rapporte la redevance française.

Le système semble marcher, ce qui n’empêche pas les critiques régulières. D’abord parce que les services qui collectent cette redevance sont très bien organisés. Il faut très peu de temps, par exemple, pour recevoir un courrier de rappel à l'ordre après un déménagement. La GEZ, le surnom de cette redevance, agace donc.

Le sujet revient souvent dans le débat public. L’extrême-droite veut abolir le système. La droite réclame régulièrement un allègement des programmes ou des chaînes, que cela coûte moins cher. Et puis la gauche aimerait que cela soit tantôt plus européen, tantôt plus régional. La Cour constitutionnelle fédérale a même dû intervenir l’an dernier. Le land de Saxe-Anhalt avait tenté de faire bloquer l'augmentation du montant de la redevance. Les juges ont donné raison aux médias publics, rappelant leur "importance grandissante" face aux fausses nouvelles.

L'audiovisuel indien financé et contrôlé par le pouvoir

En Inde, les médias publics sont directement financés par l’État, qui contrôle son budget. Et influence aussi de plus en plus leur contenu. Le groupe public indien de l’audiovisuel, Prasar Bharti, est une énorme machine de 25 000 employés, qui comprend une chaine de télévision et une radio. Il jouit légalement d’une autonomie, mais elle est plus théorique que réelle.

Premièrement, le budget de Prasar Bharti est voté tous les ans par le gouvernement, et il a d’ailleurs baissé de 11% en deux ans. Les salariés sont également des fonctionnaires, ce qui réduit leur indépendance. Les chaînes sont ainsi sensées offrir une vision neutre de l’information, mais ne remettent jamais en cause la parole du gouvernement. Elles amplifient plutôt sa parole en retransmettant quasiment tous les événements publics du Premier ministre. Un cadre de la télévision publique Doordarshan a ainsi récemment été suspendu, sur pression du bureau de Narendra Modi, pour avoir coupé la diffusion d’un de ses discours.

Le Premier ministre utilise également la radio de manière habile. All India Radio a le monopole de la diffusion d’informations radiophoniques en Inde. Les radios privées n’ont pas le droit de rapporter l’information indépendamment, ce qui offre un énorme pouvoir à cette radio publique qui touche tous les Indiens des campagnes. Depuis huit ans qu’il est au pouvoir, Narendra Modi y diffuse un discours d’une demi-heure, un dimanche par mois. Un monologue à la Castro, qui permet de faire passer ses messages politiques tout en se présentant comme l’homme du peuple qui parle directement à travers le poste. Une communication sans restriction, ni question gênante.

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