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Baguettes et croissants : dans la jungle des marques

La baguette et le croissant font partie de l'art de vivre à la française, mais on sait finalement peu de choses sur leur composition, d'autant qu'il y a peu d'obligations réglementaires. "60 Millions de consommateurs" a mené l'enquête.
Article rédigé par Catherine Pottier, Ersin Leibowitch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Comment s'y retrouver dans la jungle des baguettes et des croissants ? 60 Millions de consommateurs a testé 26 produits. (Illustration) (ALEXEY DULIN / EYEEM / GETTY IMAGES)

La baguette : un produit que nous connaissons bien. Une sorte d'art de vivre à la française, la baguette est même inscrite au patrimoine immatériel de l'humanité. Deux-tiers des Français en consomment chaque jour, et les chaînes de boulangerie industrielle poussent comme des champignons. Le problème, c'est qu'on ne sait pas toujours à quel produit on a à faire !

Patricia Chairopoulos est journaliste à 60 Millions de consommateurs. Elle s’est plongée dans la jungle des boulangeries ce mois-ci, et a testé 26 produits : des baguettes, des croissants ; 26 références de marques industrielles.

franceinfo : Première chose : quand on parle de baguette "tradition", ça veut dire quoi exactement ?

C’est un terme strictement encadré par le "décret pain" de 1993, qui impose aux artisans boulangers, quel que soit leur taille, une fabrication très précise : un façonnage à la main, et l’interdiction d’utiliser des additifs. Cette baguette ne doit être composée que de farine de blé, d'eau, de sel, de levure ou de levain.

Mais est-ce qu'il y a une différence entre la baguette "tradition" – que l'on trouve chez son boulanger –  et celle que l'on achète en grande surface, ou dans une enseigne de boulangerie industrielle ?

Dès lors qu’il y a la mention "tradition", normalement, il s’agit d’un produit obéissant aux mêmes critères, qu’il soit vendu en grande surface, dans une chaîne de boulangerie ou chez un artisan. En sachant que la réglementation interdit que cette baguette soit surgelée à une étape de sa fabrication, ce qui écarte, de facto, sa vente dans les terminaux de cuisson.

On parle de la boulangerie industrielle ; c'est vrai que l'on voit de plus en plus d'enseignes comme Marie Blachère ou Feuillette. C'est inquiétant pour la boulangerie artisanale ?  

Ces chaînes s’installent en périphérie des villes ou dans les campagnes, là où la désertification rurale a eu souvent raison du petit boulanger de village. Mais on a affaire à de vraies boulangeries puisque leurs pains sont fabriqués sur place, de A à Z. De quoi justement concurrencer les petites boulangeries, d’autant que ces chaînes mettent en avant leur fabrication artisanale, notamment avec des vitres ouvrant sur l’atelier et le fournil.

De plus, elles peuvent multiplier les promotions comme un pain offert pour trois achetés ou des prix réduits en fin de journée, grâce à leurs centrales d’achats qui leur permettent d’avoir des prix très intéressants sur les matières premières comme sur la farine, la levure et autres ingrédients, ce que l’on pas justement les petits artisans qui doivent répercuter, du moins en partie, l’augmentation des coûts des matières premières et de l’énergie.

Il y a une standardisation des produits dans la boulangerie industrielle mais pas seulement ?  Dans beaucoup de boulangeries artisanales, on voit des produits génériques comme la Banette ou la Campaillette par exemple. Ça veut dire qu'il n'y a plus rien d'artisanal ?

Si. C'est artisanal dans le sens où le boulanger continue à pétrir, façonner et cuire son pain sur place. Mais pour faciliter leur travail et pour offrir une qualité constante de leurs baguettes aux clients, un certain nombre d’entre eux optent pour une marque comme Banette, Baguépi, Festive ou autre Campaillette.

En contrepartie d’une aide à la vente (via des outils marketing comme les sachets, la réalisation de la devanture, etc.), l’artisan doit acheter la farine dans un moulin partenaire de la marque, et suivre ses préconisations en termes de fabrication : durées de pétrissage et de fermentation, façonnage à la main, nombre de coups de lame, etc.

Mais est-ce qu'il y a une réglementation pour tout ça ? 

Oui, car ne sont autorisés à s’afficher "boulangerie", que les commerces encadrés par une loi votée en 1998 : la loi autorise cette mention aux seuls boulangers fabriquant leur pain de A à Z, du pétrissage à la cuisson, sur le lieu de vente final.

Vous avez analysé 13 baguettes et 13 croissants de marques industrielles. Au niveau composition, ça donne quoi, et au niveau du sel, des matières grasses, ou de la teneur en fibres ?

Avec une moyenne de 0,75 gramme de sel par portion de 50 grammes, les baguettes sont trop salées ! "Bonnet d’âne" surtout à La Mie Câline, dont une portion de 50 grammes représente à elle seule un cinquième de nos apports quotidiens en sel (5 grammes maximum/jour).

Au moins, les croissants ont l’avantage d’être moins salés que les baguettes, probablement parce que le beurre donne naturellement de la saveur au croissant. À raison de 0,66 gramme de sel par unité, on reste toutefois au-delà d’une valeur raisonnable.

Côté matières grasses, rien à redire sur la baguette, puisqu’il n’y a ni ajout de graisses, ni de sucre d’ailleurs. En revanche, le croissant au beurre est sans surprise, gras, en moyenne 12,5 grammes pour une pièce de 55 grammes, dont une grande partie se trouve sous forme d’acides gras saturés. Qui plus est, les croissants n’apportent quasiment aucune fibre. Ajoutons à cela la présence de sucre, non-négligeable pour les croissants Système U et E. Leclerc… Et on obtient une "bombe" calorique. 

Et au niveau des pesticides ? Carton rouge pour les croissants ?

Côté polluants, autant les résultats sont globalement satisfaisants pour les baguettes, autant ceux des croissants montrent un certain niveau de pollution. La moitié de notre échantillon contient des résidus de pesticides, notamment deux insecticides : le pyrimiphos-méthyl, souvent utilisé lors du stockage des denrées, et la cypermethrine.

Largement utilisée en France, cette substance de synthèse a une action toxique, du moins en pulvérisation, sur l’homme et sur les chats. Il est toutefois autorisé par la réglementation européenne pour la majorité des cultures.

Enfin, nos analyses ont détecté une molécule proche des néonicotinoïdes, le spinosad, très nocive pour les insectes pollinisateurs ; cet effet devrait d’ailleurs encourager l’arrêt de son utilisation.

Quels sont les produits qui sortent en tête de votre enquête ?

Une baguette "tradition" et un croissant au beurre, l’un et l’autre fabriqués et vendus par une enseigne de grande distribution. Ils ne contiennent quasiment pas de résidus de pesticides, sont corrects d’un point de vue nutritionnel pour ce type de produits, et offrent un bon rapport qualité/prix, à moins de 1 euro l’unité.

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