Le décryptage éco. Comment mieux rémunérer les agriculteurs : les propositions pour réformer les négociations annuelles sur les prix
Missionné par le gouvernement, Serge Papin présente son rapport pour rééquilibrer les négociations annuelles entre les distributeurs et les industriels sur les prix des denrées alimentaires. Le décryptage de Fanny Guinochet.
Pour que les agriculteurs ne soient plus les grands perdants dans la guerre des prix avec les supermarchés, lors des négociations annuelles entre la grande distribution distributeurs et l'industrie agro-alimentaire, Serge Papin suggère de leur garantir un prix d’achat et ce, dès la cour de la ferme. L'idée de l'ancien patron de Système U, c’est de fixer, de sanctuariser un prix pour tous les produits agricoles non transformés, comme les œufs, le lait, les céréales, achetés aux paysans.
Ce prix prendrait en compte les coûts réels de production, les différents frais que l’agriculteur supporte, comme la nourriture pour le bétail, le prix des engrais, etc. Mais, surtout, une fois fixé, ce prix ne pourrait plus bouger. Il ne plus être négocié au fur et à mesure que le produit sera transformé. Ce tarif serait inscrit dans les contrats entre l’agriculteur et la coopérative, ou les entreprises intermédiaires, mais aussi entre les industriels, et les grandes enseignes. Ce serait un gage de sécurité pour le paysan, pour l’empêcher de vendre ses productions à perte, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.
Des négociations tous les trois ans
L’autre grand changement avancé par Serge Papin concerne le rythme des négociations. Aujourd’hui, les producteurs et les enseignes négocient tous les ans les prix de la plupart des produits alimentaires. Ces négociations s’étalent sur plusieurs mois, et la tension est presque permanente pour les agriculteurs, puisqu’il leur faut constamment se battre pour maintenir leur revenu. D’où cette suggestion de Serge Papin de faire des négociations tous les trois ans, par exemple, voire plus.
Avec des tarifs fixés sur le long terme, l’agriculteur peut faire des investissements, s’engager dans des modes de production différents, monter en qualité, et le consommateur a tout à y gagner. Si le prix pour l’agriculteur est sanctuarisé sur plusieurs années, il ne peut plus être, comme aujourd’hui, la variable d’ajustement. Selon Serge Papin, on parle de quelques centimes d’euros en plus sur chaque produit pour le consommateur. À moins que les grandes enseignes n’absorbent la hausse en rognant sur leurs marges.
La balle dans le camp du gouvernement
Dans une interview au journal Les Echos, Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture s'est montré favorable à ces pistes suggérées par Serge Papin. En février dernier, au cours d’une visite dans une ferme en Côte-d’Or, Emmanuel Macron avait lancé : "Ce qu’a dit Serge Papin, on va le faire !" Cela ressemble à une promesse. Reste toutefois à convaincre les parlementaires, à changer la loi et à voir, surtout, si le système proposé par Serge Papin ne tourne pas à l’usine à gaz.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.