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Le décryptage éco. Pourquoi Emmanuel Macron s’attaque-t-il à l’ISF ?

La réforme annoncée de l'impôt sur la fortune est un pari risqué. Le décryptage de Fanny Guinochet (L'Opinion).

Article rédigé par franceinfo - Fanny Guinochet (L'Opinion)
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Formulaire de déclaration de l'impôt sur la fortune. (DAMIEN MEYER / AFP)

Jeudi 31 août, les patrons ont de quoi déboucher le champagne. Dans les ordonnances, il y aura des mesures de simplification du code du travail, et Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, leur a en plus confirmé mercredi la fin de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune.

Pourquoi Emmanuel Macron leur fait il ce cadeau ? Il applique une promesse de campagne. Mais c’est périlleux, car l’ISF c’est un totem en France. Un sujet explosif
que même la droite, qui a toujours promis de le supprimer, n’a jamais vraiment fait.

Emmanuel Macron veut séparer deux choses. D’une part, le patrimoine immobilier, la rente, l’argent qui dort, qu’il va continuer à soumettre à l’ISF, en créant en 2018, l'"impôt sur la fortune immobilière". Et d’autre part, les placements dans l’économie réelle, dans les entreprises, dans le productif, ce qui crée de la valeur et des emplois, et qui sera exonéré de l’ISF.

Objectif : favoriser les entreprises de taille intermédiaire

Son idée est d’inciter les Français à placer leur épargne non plus dans la pierre, mais dans nos sociétés. Aujourd’hui, ceux qui prennent ce risque sont vite rattrapés par le famuex ISF. Et cela pénalise surtout les entreprises de taille intermédiaire, les ETI, qui sont entre les PME et lis grandes entreprises, et qui sont le cœur de notre économie.

Les ETI représentent un tiers du chiffre d’affaires national, un tiers des exportations, trois millions et demi de salariés. Et ce sont des entreprises souvent familiales dont les actionnaires, au fil des générations, sont les enfants, les cousins, les petits neveux. Et il a une anomalie en France, le dirigeant de l’entreprise est exonéré d’ISF alors que, les actionnaires, eux, le paient. Du coup, le petit cousin qui a des parts dans l’entreprise du grand oncle veut bien garder le placement, mais à condition que cela lui rapporte. Et pour que cela reste avantageux, que fait le grand oncle ? Il lui verse des dividendes encore plus élevés, qui couvrent l’impôt sur la fortune que le petit cousin doit payer.

C’est un cercle vicieux, pousse-au-crime, qui amène à toujours plus de dividendes.
car l’argent que vous donnez aux actionnaires, c’est celui que vous ne donnez pas à vos salariés, que vous ne mettez pas dans le recrutement, la recherche et développement, l’achat de nouvelles machines... Pas terrible pour l’économie.

Cela freine aussi la transmission des entreprises, car cela encourage le vieux papy à rester dirigeant jusqu’à 80 ans et à ne surtout pas passer la main au petit cousin, sans quoi il paierait l’ISF. C’est comme ça qu’en France on favorise la gérontocratie.

Un coût économique et politique

Tout cela explique la faiblesse de notre économie par rapport à nos voisins. En France, on a à peine 5 000 ETI, alors que l'Allemagne en compte 12 000. Or, ce sont des entreprises implantées au cœur de nos territoires. Les aider, c’est s’assurer de garder des sites de production dans l’Hexagone, faire revenir des entrepreneurs dans le pays, et faire baisser le chômage. C’est le pari que fait Emmanuel Macron.

Mais cela va coûter à l’Etat. Dans un premier temps, cela va représenter 4 milliards de recettes en moins. Mais Emmanuel Macron est prêt à passer outre ce manque à gagner si cela débloque notre économie à plus long terme.

Et puis cela va aussi créer des injustices, entre ceux qui ont investis dans l’immobilier – par exemple un ménage qui a un appartement dans la région parisienne, et une résidence secondaire à l’île de Ré – qui risquent de payer le nouvel impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, et ceux, qui pourtant sont beaucoup plus riches, mais qui ont porte-feuille de titres de sociétés et des valeurs uniquement mobilières et qui passeront au travers…

C’est surtout le coût politique qui promet d’être élevé, car même si cette décision est pertinente d’un point de vue purement économique, elle revient à donner du pouvoir d’achat aux 330 000 redevables de l’ISF, qui ne sont pas tous des actionnaires d’entreprises familiales. Pas mieux pour être taxé de président des riches surtout quand dans le même temps, on envisage de baisser de 5 euros les APL (les aides personnalisées au logement) des plus démunis.

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