Plans sociaux : un moratoire sur les licenciements, comme le demande la CGT, est-il possible ?

Face aux nombreux plans sociaux, Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, demande un moratoire sur les licenciements économiques. Mais cette mesure n'est pas si évidente à mettre en place.
Article rédigé par Fanny Guinochet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Grève devant l'usine de production de pneumatiques de Michelin à Cholet, le 8 novembre 2024. (JOSSELIN CLAIR / MAXPPP)

"La CGT exige un moratoire sur les licenciements", martèle Sophie Binet, la secrétaire générale du syndicat, mardi 12 novembre, après les plans sociaux qui se multiplient, chez Auchan et Michelin notamment. Le moratoire est une vieille idée qui revient à chaque crise, portée par le Parti communiste et la gauche, mais qui n’est jamais retenue, car juridiquement très compliquée à mettre en œuvre. Car la liberté de licencier est une des composantes essentielles de la liberté d’entreprendre, donc revenir dessus, revient à toucher à cette liberté. Puis, le moratoire est, par définition, une mesure d’exception, donc difficilement applicable quand de très nombreux secteurs sont en grande souffrance : automobile, chimie, construction, bâtiment, ou encore commerce. Tous font face à des changements profonds, structurels, de leur modèle et 150 000 emplois sont menacés.

La vague qui se prépare est telle que cela voudrait dire des moratoires sur des pans entiers de notre économie. Or, un moratoire, normalement, est aussi temporaire. Si on prend l’automobile, percutée par la concurrence chinoise et le passage à l’électrique d’ici 2035, le moratoire risque de courir pendant des années. Idem pour la filière viticole ou agricole. Il faudrait un moratoire tant que Donald Trump et la Chine appliquent des droits de douane.

Aucune garantie sur l'emploi...

Les salariés ne seraient pas assurés de garder leur emploi, car selon plusieurs spécialistes de l'emploi, les entreprises en difficulté chercheront à licencier quand même, mais à bas bruit, par des ruptures conventionnelles, nettement moins intéressantes pour les salariés que les plans sociaux ou des licenciements économiques, qui prévoient des indemnités bien supérieures. 

Un moratoire revient aussi à continuer à garder les employés et donc à payer les salaires, le temps de trouver une solution. Toutes les entreprises ne le peuvent pas. Les grandes, qui sont profitables, peut-être, mais les petites ou moyennes risquent de mettre la clé sous la porte encore plus vite. Cette option risque de précipiter leur dépôt de bilan et donc d’augmenter, au contraire, le nombre de suppressions de postes.

... et l'État n'est pas en mesure de le financer

Pendant le Covid, le gouvernement a eu recours au chômage partiel, justement pour garder les emplois et l’outil industriel, mais ça n'a duré que quelques mois et coûté des dizaines de milliards d’euros. Alors, avec un déficit à plus de 6% du PIB, comment le financer ? C’est pourquoi le gouvernement préfère faire pression sur les entreprises qui licencient pour qu’elles offrent des indemnités importantes et cherchent des repreneurs. Des solutions qui, face à la détresse de ceux qui perdent leur emploi, semblent, de toute façon, insuffisantes.

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