Quel est le programme économique de Podemos ?
Pour que vous mesuriez le défi que représente votre question, je vais vous confier qu’hier soir, j’ai téléphoné à un observateur avisé de la scène politique espagnole à Madrid, et quand je l’ai interrogé, il m’a répondu : "Mais mon pauvre, mais personne ne sait ce qu’est vraiment le programme économique de Podesmos ! ". Il n’y avait pas d’ailleurs dans sa voix de jugement négatif, mais plutôt un constat : Podemos est un tout jeune parti né il y a un peu plus d’un an, c’était d’abord un mouvement de rue, connu sous le nom des indignés, qui a exprimé la colère et le désarroi d’une partie importante des Espagnols contre l’austérité violente, contre le chômage qui frappe plus de la moitié des jeunes, et contre la corruption du système politique dont les affaires se sont multipliées ces dernières années. Scrutin après scrutin, Podemos qui signifie "Nous pouvons" gagne en légitimité politique et vise désormais l’accès au pouvoir central lors des élections législatives de la fin de l’année.
On compare souvent Podemos à Syriza, le parti de la gauche radicale qui a détient le pouvoir en Grèce
On aurait tort, Nicolas, de voir en Podemos, le frère jumeaux espagnol de Syriza. Certes il y a bien sûr des similitudes entre les deux, l’ascension politique fulgurante d’un mouvement né dans la rue, la forte dimension sociale, mais les différences sont multiples : autant l’un Syriza appartient à la gauche radicale, autant Podemos semble plus proche d’une sociale démocratie, volontiers keynésienne, et fortement teintée d’écologisme, Podemos souhaite mettre fin au bi-partisme, d’ailleurs, c’est fait, c’est désormais le 3ème parti, mais il ne souhaite pas renverser la table ou récuser la dette de l’Espagne. Au fur et à mesure de sa progression, Podemos a fait disparaître de son vocabulaire les expressions gauchisantes de ses débuts ; à Barcelone et à Madrid, ce sont surtout des personnalités qui ont émergé plutôt que des leaders radicaux. Pour gouverner enfin, ces personnalités sont prêtes à former des coalitions, notamment avec le Parti socialiste espagnol qui ne demande que ça.
Une défense plus stricte du service public
Egalement des privatisations plus encadrées, une hausse d’impôt pour les grandes entreprises, une taxe sur les banques, le gel des expulsions de logement, un accompagnement social plus généreux, ou encore des investissements dans l’éducation, bref, c’est assez général, et vous l’avez compris, on est loin du grand soir. Podemos affirme qu’il faut bien réduire le déficit public, mais en subordonnant cette baisse à celle du chômage. Et ça tombe bien, car le chômage en Espagne commence à diminuer. On ne le dit pas assez, mais l’Espagne affichera cette année le taux de croissance le plus fort de toute l’Union européenne, avec près de 3%. C’est tout le paradoxe de cette histoire, l’Espagne a fourni ces dernières années des efforts considérables, certains sans doute insupportables, mais ils ne sont pas pour rien dans le rebond que connaît enfin son économie.
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