Taxis contre VTC : le conflit perdure
Vous connaissez peut-être cette jolie phrase d’Antonio Gramsci, "Il y a crise quand le monde d’hier ne veut pas mourir et que le monde de demain ne peut pas naître". Et bien c’est exactement ce qui se passe. Le monde d’hier, bien sûr, ce n’est pas les taxis traditionnels, qui font un métier éminemment respectable, non bien sûr, le monde d’hier, ce sont ces régulations publiques, le vieux système des taxis en France, tenu par une toute petite poignée d’acteurs, un système qui reposait sur un monopole et une logique de rente, avec des plaques, payées à des montants délirants. Le problème, c’est que le monde a changé, avec le déploiement du numérique et des plates - formes révolutionnaires qui permettent à de nouveaux acteurs de mettre en contact des chauffeurs et leurs clients. Du coup, l’offre, qui était en insuffisance notoire surtout à Paris, s’est démultipliée et démocratisée. Et le vieux système est aujourd’hui en voie d’implosion.
Mais une loi est censée désormais réguler l’activité de VTC, la loi Thevenoud…
Oui, la loi Thevenoud est applicable depuis le 1er janvier 2015, mais elle est dans la pratique ni vraiment appliquée, ni vraiment applicable, elle n’organise pas une cohabitation pacifique, ni une concurrence vertueuse et saine, comme si l’Etat jouait sur le temps, une forme de statu quo, et reculant le plus souvent devant la menace des taxis mobilisés en masse. Et puis l’Etat est pris lui même dans ses propres contradictions : d’un côté on célèbre les start-ups françaises, on dit qu’on aimerait les voir grandir et devenir des acteurs mondiaux, mais de l’autre on ne leur donne pas toujours leur chance. Le cas de Heetch, qui est l’une des cibles de la grève des taxis par exemple est très emblématique de cette attitude ambiguë de la puissance publique : voilà une start up française, qui paye bien ses impôts en France, développée grâce à des investisseurs français. Heetch répond à un besoin jusqu’à présent insatisfait : la mobilité nocturne des jeunes entre 18 et 25 ans, majoritairement avec la banlieue. En clair, c’est une application de mise en relation, qui fonctionne de 20h à 6h du matin, pour les jeunes qui sortent et font la fête et qui cherchent ensuite à rentrer chez eux. Cette population là ne recourrait jamais aux taxis, donc c’est un nouveau marché. Détail qui n’en est pas un : il n’y a ni compteur, ni tarif, le prix est laissé à la libre appréciation du passager !
Mais Heetch, c’est interdit ?
Pas vraiment . Il y a déjà eu sept décisions de justice contre Heetch mais aucune interdiction formelle. Pourtant les jeunes chauffeurs de Heetch font l’objet d’opérations de police régulières, déjà 220 gardes à vue, pour des jeunes de 23 ans de moyenne d’âge. C’est quand même un peu gros, d’autant plus que les jeunes fondateurs de cette application ont formulé plusieurs propositions de compromis, comme la création d’un fonds de dotation pour financer la transition numérique et couvrir la baisse du coût des licences des taxis. Laisser Heetch entre deux eaux, c’est vouloir le tuer, or Heetch pourrait être demain un acteur français important, se développant aussi à l’étranger sur un marché il faut le dire qui n’est pas le même que celui des taxis traditionnels. Ce n’est qu’un exemple, il est bien évidemment très controversé, je l’admets, mais il illustre toutes les ambiguïtés et les incohérences du moment qui entravent le développement d’acteurs français du numérique
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