"Il ne faut pas reproduire ce qui est fait depuis des années" : à Mayotte, des architectes alertent sur l'urgence de reconstruire des logements décents
Le Président de la République est arrivé dans la matinée à Mayotte jeudi 19 décembre. Une des urgences à laquelle il sera en premier lieu confronté, c'est celle de la reconstruction de l'habitat et des bâtiments publics. Mardi, François Bayrou sur France 2 parlait déjà d'une opération commando : "Nous allons lancer un appel à projets pour qu’architectes, étudiants en architecture, grandes entreprises, proposent des modèles immédiatement montables. On a mis cinq ans pour Notre-Dame, je pense qu'il faut se fixer d'aller beaucoup plus vite".
Un appel bien entendu par deux architectes : Camille Cozon Abdourazak, à Mayotte, et Patrick Coulombel, cofondateur d'Architectes de l’Urgence, en métropole. Sur place toutefois, Camille Cozon Abdourazak alerte tout d'abord sur l'état des terrains. Énormément de déblaiement semble nécessaire avant même d'envisager une reconstruction. "Le paysage ne ressemble pas du tout à ce qu'on connaît normalement. Tout est rasé en fait, il n'y a plus rien, plus d'habitations, plus de végétation, insiste-t-elle. De son côté, Patrick Coulombel considère que la première chose à faire, "ça va être de faire de la mise en sécurité, ce qu'on souhaite entamer rapidement avec des gens qui sont déjà sur place, comme Camille et d'autres".
Les "modèles immédiatement montables", la fausse bonne idée
Camille Cozon Abdourazak et Patrick Coulombel désapprouvent tous deux la vision de François Bayrou qui évoque des "modèles immédiatement montables" : "Pour l'habitat en dur, c'est assez facile, il faut refaire les couvertures. Pour ce qui concerne l'habitat précaire par contre, il ne faut pas reproduire ce qui est déjà fait depuis des années", alerte l'architecte mahoraise. Et de fait, alors que les secours sont encore en train de rechercher des disparus dans les décombres, beaucoup observent l'insalubrité des bâtiments, fragilisés par le cyclone. Sans logement, certains sinistrés reconstruisent déjà dans les bidonvilles, des abris de fortunes avec les mêmes parpaings et la même tôle que les habitations effondrées, d'autant que la météo n'est pas bonne actuellement : "c'est le déluge. Aujourd'hui, je ne sais pas comment font les gens", ajoute-t-elle.
"Je comparerais la situation à celles de pays en voie de développement où les problématiques sont à peu près les mêmes, c'est-à-dire une vraie précarité des gens."
Patrick Colombelfranceinfo
Pour Patrick Colombel, l'urgence de la situation exige aussi l'exception sur certaines normes. "Il va falloir travailler différemment, on va être obligé de se soustraire de toutes les normes et tout le système qui existe à la française, parce que sinon ça va coûter une fortune", explique le cofondateur d'Architectes de l’Urgence. L'architecte insiste également sur la nécessité de travailler "au maximum avec les gens en local, et avec les ressources locales, comme la brique compressée qui se fait sur place, ce qui coûtera moins cher". "Il faut apporter le moins de choses possibles, parce qu'on n’a pas beaucoup de temps", partage Camille Cozon Abdourazak, tout en étant consciente que "la majorité des matériaux sera importée".
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