"C’est la plus intime de mes pièces" : Alexis Michalik présente "Une histoire d’amour"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, Alexis Michalik, acteur, metteur en scène, scénariste et écrivain actuellement sur scène à la Scala à Paris, avec sa pièce "Une histoire d’amour".
En janvier dernier, Elodie Suigo rencontrait Alexis Michalik, l’écrivain, pour son livre Loin aux Editions Albin Michel. Aujourd’hui, c’est en tant qu’auteur, metteur en scène mais aussi acteur pour Une histoire d’amour qu’il revient : "J’ai écrit et je mets en scène, comme d’habitude. Et c’est vrai que je suis remonté sur les planches, ce que je n’avais pas fait depuis dix bonnes années je pense. Et c’est un plaisir ".
Sa seconde peau
"Pour moi, le théâtre c’est un peu tout. Moi, gamin, je suis tombé amoureux du théâtre". Enfant, ses parents l’y emmènent souvent. Il fait même partie d’un club théâtre au lycée Jules-Ferry : "J'ai découvert les planches comme ça. Et je me suis dit : 'c’est vraiment ce que je veux faire toute ma vie' !" Reçu au Conservatoire supérieur d’art dramatique, quelques années plus tard, il laisse sa place : "Oui, j’avais 20 ans, et j’ai passé ce concours en me disant : 'Ça va être génial et puis en fait au fur et à mesure que je le passais je me disais : non, mais je n’ai pas envie de ça, j’ai envie d’aller jouer, j’ai envie d’être artisan, j’ai envie d’apprendre sur les planches'. Pour moi le métier de comédien ça devrait être un truc où on envoie des jeunes directement dans les théâtres, apprendre, jouer, travailler, c’est au plateau qu’on apprend quoi ! "
Je pense qu’on est tous des artisans dans le théâtre. J’aime beaucoup le cinéma, j’aime beaucoup la télé mais le théâtre a quelque chose de plus artisanal, de plus proche des gens. D’ailleurs on voit notre public tous les soirs et cette humilité est très importante.
Alexis Michalikà franceinfo
Au départ, dans son travail d’écriture, il se consacre aux auteurs classiques comme William Shakespeare : "J’ai commencé par mettre en scène des classiques parce que je ne croyais pas à l’écriture contemporaine. C’est un peu bizarre à dire, mais c’est vrai que je me disais : 'Pourquoi écrire aujourd’hui pour le théâtre alors qu’il y a de telles merveilles ?' Je ne comprenais pas vraiment l’intérêt et puis j’ai découvert plus jeune le théâtre de Wajdi Mouawad [dramaturge, actuellement directeur du théâtre de la Colline, Paris] et ça m’a donné une sorte de permission spirituelle d’écrire".
Ses sources d’inspiration
Cet artisan-saltimbanque, comme il le revendique, écrit et met en scène sa première pièce Le porteur d’histoire. Elle remporte quand même deux Molière en 2014. Alexis Michalik trouve des idées dans ce qui l’entoure, ce qu’il vit, expérimente : "Je me laisse porter par une histoire qui m’atteint. Soit parce que je vais lire quelque chose, ou quelque chose qu’on me raconte. Ou évidemment d’une expérience personnelle comme c’est le cas d'Une histoire d’amour puisque c’est suite à une rupture".
Qu’est-ce que je fais de ce sentiment de tristesse ? Je vais le mettre au service de quelque chose et donc je vais utiliser les émotions qui me traversent pour raconter une histoire.
Alexis Michalikà franceinfo
C’est aussi dans son histoire personnelle qu’il puise. Une jolie enfance, des parents qui lui ont transmis le goût des livres, une forme de curiosité : "Tous les samedis, on allait à la bibliothèque municipale chercher des livres". Son père est artiste-peintre d’origine polonaise et sa mère, Anglaise traductrice de livres d’art "donc on baignait quand même dans la culture et dans l’art et j’ai aussi les deux cultures. Ce choc des cultures crée quelque chose de nouveau". Ils vont lui transmettre les essentiels pour bien grandir: " J’ai tendance à penser que la seule chose dont on a besoin pour élever un enfant, c’est de lui donner du temps et de l’amour. Et ils m’ont donné les deux, donc ils m’ont éveillé".
"Une histoire d’amour"
Ce sont deux femmes qui s’aiment. Justine veut un enfant. Katia, abîmée par la vie, hésite et se laisse convaincre. Cette dernière est enceinte. Peu avant l’accouchement Justine disparaît. 12 ans plus tard, Katia malade cherche un tuteur pour sa fille Jeanne. C’est là que son frère, écrivain cynique, entre en scène.
Dans son œuvre, Alexis Michalik évoque en filigrane les rapports filiaux : "Jusqu’ici dans la première partie de mes spectacles, je m’intéressais beaucoup au rapport au père et là je m’intéresse au rapport à l’enfant". Dans cette pièce il va plus loin : "C’est une histoire d’amour pluriel puisqu’on va s’intéresser d’abord principalement à l’histoire d’amour entre ces deux femmes, Katia et Justine. Puis on va s’intéresser à l’histoire d’amour entre Katia et son frère William. Et aussi à l’histoire d’amour entre Katia et sa fille et finalement à l’histoire d’amour entre ce William et cette petite dont il va devoir s’occuper puisque Katia va découvrir qu’elle va bientôt mourir à cause d’un cancer ". Et il ajoute : "Je pense que c’est la plus intime de mes pièces en tous cas, c’est celle qui parle d’un sentiment de fracture intime. C’est ça qui est intéressant quand on crée, c’est ça qui est génial c’est d’aller vers l’inconnu. Et ça retrace les 15 dernières années pour nous rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, deux femmes ne pouvaient pas avoir un enfant".
Théâtre et Covid-19
Dans cette période de pandémie, Alexis Michalik est très inquiet : "C’est dramatique pour l’ensemble du théâtre privé parce que c’est une pièce qui a déjà été décalée en janvier et puis là on se rend compte que ce n’est pas possible de la créer dans une salle avec des mesures de distanciation sociale parce que le coût d’une création ne peut pas être épongé si la salle est limitée. Et ces mesures de distanciation on a décidé de les faire sauter partout, dans le train, dans l’avion, dans le RER mais au théâtre les gens ont leurs masques et pourtant on nous impose d’avoir une place de séparation. Et cette mesure qui a été prise un peu à la légère, je pense, par le gouvernement, elle est fondamentale pour nous pour le théâtre parce que c’est difficile le théâtre. Quand on nous répond ensuite 'oui mais 60-70% ça suffit pour faire vivre une salle', c’est faux !"
C’est toujours une économie sur le fil, le théâtre. Je pense qu’il serait très important aujourd’hui que le gouvernement fasse sauter cette distanciation si la situation continue à évoluer.
Alexis Michalikà franceinfo
Une histoire d'amour à La Scala, à Paris, avec également Juliette Delacroix et Marie-Camille Soyer.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.