"Chaque soir, je me requestionne sur ce qui anime ce personnage", Camille Cottin seule en scène dans la pièce "Le Rendez-vous"

Il y a quelques jours, le journal Le Monde titrait : "Le talent insolent de Camille Cottin". C'est vrai que de l'insolence, elle en a et il en faut pour réussir à se faire un nom et donc percer dans le métier. Elle a commencé par être une Connasse à l'écran, à la fois dans une série de sketchs et dans un long métrage qui lui ont aussi permis d'être récompensée et remarquée. Et puis il y a eu la série Dix pour cent sur France Télévisions, Le Mystère Henri Pick (2019), ou encore Telle mère, telle fille, Les éblouis. Sur le plan international, il y a eu House of Gucci de Ridley Scott, Stillwater de Tom McCarthy ou encore cette pub avec Jean Dujardin et George Clooney qui a évidemment fait le tour du monde pour une célèbre marque de café.

Pour beaucoup, elle incarne la réussite, la classe à la française. L'ex-professeure d'anglais est devenue l'une des actrices françaises les plus aimées et demandées en France et à l'étranger. C'est le théâtre qui lui a montré la voie et elle est actuellement sur scène au Théâtre des Bouffes du Nord avec la pièce Le Rendez-vous, et ce jusqu'au 25 janvier 2025. C'est un monologue tiré du livre de Katharina Volckmer avec beaucoup d'humour noir, de la poésie et de l'espoir.

franceinfo : C'est l'histoire d'une femme d'origine allemande en rendez-vous avec son gynécologue. Pas de grossesse en vue ni de frottis à faire, mais la volonté de se faire greffer un pénis circoncis. C'est explosif avec au centre de cette performance d'actrice, la culpabilité allemande, la question du genre. N'est-ce pas tout d'abord une délicieuse déclaration d'amour au mot liberté ?

Camille Cottin : Absolument. Un appel à la liberté, à la résistance, au courage, mais avec beaucoup d'humilité et qui met à l'honneur tout le courage dont on peut faire preuve quand on essaie d'être au plus près de soi-même, qu'on se heurte à toutes les choses extérieures qui voudraient nous définir comme la société, la famille, des éléments qui nous assignent à un endroit. Et ce que j'aime beaucoup dans ce texte, c'est sa langue. C'est très cru, il y a beaucoup de gros mots. On pourrait penser qu'il y a un endroit de vulgarité, mais c'est comme si c'était une énergie à faire péter les tabous.

"‘Le Rendez-vous’ est une pièce frontale, pas dans l'idée de briser, mais dans l'idée d'exploser pour déborder et pour, en fait, exister."

Camille Cottin

à franceinfo

On vous sent indestructible et au final pas du tout. Vous êtes souvent dans le doute. Qu'est-ce qui vous fait douter ?

Rien que ce texte, par exemple. Il me touche, je le trouve passionnant. Je l'ai fait lire à des gens dont j'admire la sensibilité… Donc j'écoute, j'entends, je me dis : oui, OK, on y va, on le porte, mais on ne sait pas... Est-ce que je suis la bonne personne pour le raconter ? Est-ce que mon histoire personnelle pourtant très éloignée de celle de l'auteur ou du propos même… Donc à chaque fois, on questionne son aptitude aussi à faire les choses. Et puis quand on se lance, on ne connaît pas le résultat.

Le Rendez-vous est une pièce de théâtre très forte qui parle de la transidentité. Vous êtes une féministe totalement assumée et avez signé le manifeste 'Maintenant on agit' lancé après l'affaire Weinstein. Vous avez fondé une société de production féministe. Vous soutenez la cause LGBTQIA +. Avez-vous le sentiment que le regard change par rapport à ces femmes ou ces hommes qui ne sont pas nés dans le bon corps ?

J'espère, oui, mais enfin quand on a vu que c'était l’une des premières prises de position de Trump en disant qu'il allait faire obstacle... Pour moi, c'est assez incompréhensible, c'est même hallucinant ! Après ce sont aussi des instrumentalisations politiques. Je pense que dans certains milieux oui, mais qu'il y a encore beaucoup à faire.

Votre mère a quitté l'Algérie en 1962 après la Guerre d'Algérie, à l'âge de 15 ans. Vos parents se sont séparés d'un commun accord. Que gardez-vous d'eux ?

Une certaine exigence par rapport au travail. Ma mère me dit toujours : "Fais de ton mieux, reste détachée du résultat", une certaine philosophie qui me permet de supporter certaines choses et un humanisme aussi.

Le Rendez-vous est une pièce qui est extrêmement forte. Y a-t-il un avant et un après ? Est-ce qu'elle va changer votre façon de travailler, de regarder, de jouer, d'appréhender le monde aussi ?

En tout cas, chaque soir, je me requestionne sur ce qui anime ce personnage, ce qui doit le charger avant d'entrer en scène pour pouvoir le partager au mieux. Je ne sais pas ce qu'il en sera à la fin, mais en tout cas sur le chemin, je continue à beaucoup me questionner.

À la fin, elle dit : "Quittons cet endroit avant qu'il ne soit envahi par des clowns. Tenons-nous la main, soyons des guerriers".

"Tenons-nous la main car c'est ensemble qu'on pourra résister, avancer."

Camille Cottin

à franceinfo

Ce qui m'émeut tous les soirs, c'est "Tenons-nous la main, soyons des guerriers", deux phrases, justement pour moi, qui sont importantes côte à côte. Et quelque part, le guerrier, c'est le guerrier de sa propre existence.