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Dan Franck plonge son héros Boro dans la guerre froide : "J’ai écrit ce livre il y a deux ans, je n’aurais jamais pensé qu’il serait aussi actuel"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 2 août, l’écrivain, auteur, scénariste et essayiste, Dan Franck. Il publie le neuvième tome de la série "Les aventures de Boro, reporter photographe" : "Boro, Est-Ouest" aux éditions Fayard.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié
Temps de lecture : 7min
Dan Franck, écrivain. (JOEL SAGET / AFP)

Dan Franck est écrivain, auteur, scénariste pour le cinéma et la télévision et également essayiste. Les scénarios de Tykho Moon d'Enki Bilal, de la minisérie Carlos d'Olivier Assayas ou encore Les Hommes de l'ombre de Frédéric Tellier, C'est lui. Sa plume aiguisée et précise lui a d'ailleurs valu plusieurs Prix très convoités. Il reçoit le Prix du premier roman en 1980 pour Les calendes grecques, le Prix Renaudot en 1991 pour La séparation ou encore le Prix des Romancières en 2003 pour Les enfants.

Son ami Jean Vautrin, disparu, c'est seul qu'il publie le neuvième tome de la série Boro : Boro, Est-Ouest aux éditions Fayard.

franceinfo : Le personnage de Boro est né en 1987. Vous dédié ce neuvième tome à Jean Vautrin. Vous écrivez : "Belle route et rendez-vous dans les nuages". Votre cœur est lourd, mais il fallait que ces aventures continuent ?

Dan Franck : Oui, parce que c'était d'abord une manière de poursuivre et d'être avec mon camarade. Même s'il n'écrit pas, il est sur mon épaule quand j'écris Boro. Et puis aussi parce que l'époque veut quand même que l'on s'intéresse aux choses du monde. Alors, évidemment, Boro, Est-Ouest raconte la guerre froide, qui est quand même une actualité, hélas, brûlante. J’ai écrit ce livre il y a deux ans et je n’aurais jamais pensé qu’il serait aussi actuel. Et je suis certain que Jean serait d'accord avec le choix que j'ai pu en faire.

L'histoire se passe effectivement en 1960. Meurtri par l'entrée des chars soviétiques dans son pays, il va répondre à l'appel du Mossad. Il part sur les traces d'un bourreau nazi en Argentine. On comprend très vite qu'il ne s'agit pas de Joseph Mengele, mais d'Adolf Eichmann. Ça nous replonge dans notre histoire, dans l'histoire qui est très actuelle. Ça veut dire qu'il faut rester vigilant ?

On doit rester vigilant sur tout. C'est-à-dire qu'on n'est pas dans les années 30. Mais il faut se souvenir quand même des années 30.

"Il faut se souvenir que l'intolérance, la haine de l'autre a provoqué ce qu'on connaît, c'est-à-dire la Seconde Guerre mondiale et les horreurs nazies. On doit rester vigilant et combattre ces idées absolument néfastes."

Dan Franck

à franceinfo

Et là, dans Boro, Est-Ouest, il se bat contre les staliniens qui ont envahis son pays à Budapest, ça rappelle vraiment, cruellement, l’Ukraine aujourd’hui, et qui ont construit ce mur. Ça s’est fait d’une façon extrêmement cruelle. Boro était obligé d’être là et de témoigner, d'également, témoigner du creusement des tunnels et ça c’est une chose merveilleuse. C’est toute la jeunesse du monde entier qui est venue à Berlin-Ouest pour participer au creusement des tunnels qui permettaient de faire évader quelques allemands de l’Est. 

Et ça, c’était très important car c’est aussi la nature humaine qui est, d’un côté détruite, mais qui peut permettre de sauver les autres et c’est l’importance de vivre ensemble.

Evidemment. D’abord parce que le monde est unique, le monde est universel et que de toutes façons, ça viendra. Il n’y a pas de grand remplacement, ça n’existe pas. Il y a des mélanges et les mélanges culturels. Boro est hongrois, il est venu à Paris en 1930 à peu près, à l’époque où tous les immigrés venaient en France. J’ai écrit des livre sur cette période extraordinaire de l’Ecole de Paris, du Bateau-Lavoir avec Picasso, Apollinaire, Cendrars qui n’étaient pas français et qui ont participé à la culture de cette France qui est faite d’eux-mêmes.

Ce personnage est chevaleresque, au service des autres, c’est surtout ce qui ressort. C’est aussi un bel hommage rendu à ce métier de reporter photographe, à la difficulté et à la dangerosité de ce métier, de rester en vie, de pouvoir transmettre de vraies informations.

Moi, je voulais être journaliste, alors ce n’est pas un hasard si on a fait un reporter photographe. Moi, je voulais que Boro soit reporter et Jean Vautrin voulait qu’il soit photographe, on en a fait un reporter-photographe. Mais on l’a fait pour les raisons que vous venez de décrire.

"Un journaliste, un reporter, un photographe, est sur les autres, il n’est pas sur lui-même. Il regarde ce qui se passe et il le transcrit."

Dan Franck

à franceinfo

L'écriture a toujours fait partie de votre vie. C'était immédiat ? Déjà enfant, vous étiez comme ça ?

Ouais, j'ai même retrouvé des trucs complètement nazes que j'ai pu écrire quand j'avais dix ou douze ans. J'ai toujours voulu écrire, je ne sais faire que ça en vérité. Et puis j'ai commencé à faire du décryptage de bandes magnétiques pour un éditeur. Et puis après, j'ai commencé à écrire des livres avec les autres, puis pour les autres. Pas de romans, je n’ai jamais fait de romans pour les autres, ça j’y tiens beaucoup, j’ai écrit des mémoires, des choses comme ça. En même temps je publiais mes propres livres, j’ai une conduite très schizophrène à cet égard, de la même manière que je fais des scénarios et des romans.

La rencontre avec Jean Vautrin a été essentielle ?

Si on tient compte du fait, qu’au fond, comme je ne sais faire qu’écrire, à part mes enfants, c’est ce qui restera de ce que j’ai pu écrire. De la même manière que c’est ce qu’il restera de Jean. Boro, c’est 35 ans d’amitié. J’espère que Boro laissera une petite trace. Et j’ai même créé dans Boro un personnage qui pourrait être un Boro jeune, qui est un photographe hongrois comme lui et je me dis que peut-être d’autres le reprendront et je trouverais cela formidable.

Je voudrais qu'on aborde ce Prix Renaudot et savoir ce qu’a changé pour vous La séparation, en 1991.

Moi, je pense que le Renaudot est un prix trafiqué, sauf en 1991 ! Ce que ça change ? Eh bien, c'est un enfer, quand on écrit le suivant, et tous d'ailleurs, on a exactement la même panique non pas du premier roman, mais celle du deuxième ou du troisième. Au fond, à chaque fois, on remet les pendules à l'heure et on repart de zéro. Moi, il y a quelques livres que je n’ai pas poursuivi, que j’ai trouvé mauvais. Et ce n’est pas parce que j’ai eu le Renaudot à une époque, que ça change quoi que ce soit. En vérité, on est notre premier lecteur et le premier lecteur c’est celui qui nous juge.

Boro est votre plus beau bébé ?

C'est le dernier. C'est le dernier donc c'est celui qu'on aime le plus, c'est toujours le dernier.

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