Eddy Mitchell : "Les bonnes choses comme les mauvaises, on les prend"
Eddy Mitchell, véritable légende vivante de la chanson française, est aussi un acteur marquant du cinéma français. Quand on parle musique, on pense invariablement aux titres : Couleur menthe à l'eau (1980), Sur la route de Memphis (1976), Pas de boogie woogie (1976), La Dernière Séance (1977) ou encore Tu peux préparer le café noir (1979) et à ses cinq Victoires de la musique.
Quand on parle de cinéma, on se rappelle de ce César du meilleur acteur pour un second rôle pour le film Le bonheur est dans le pré d'Étienne Chatiliez en 1995, mais aussi de Gaston Lapouge de Franck Apprederis (1981) ou encore à Coup de torchon de Bertrand Tavernier (1991).
Eddy Mitchell passe cinq jours avec nous pour raconter les photos de sa vie, la place de la musique, du cinéma et du public dans ce parcours exceptionnel de plus de 60 ans avec au compteur : 39 albums, 16 albums live, 500 chansons, des Victoires de la musique, des millions d'albums vendus et un César.
Il vient de sortir un coffret intitulé Eddy Mitchell - L'album de sa vie, soit 100 titres réunis dans cinq cd, ou 50 dans trois cd, ou encore un coffret de vinyles. Et puis il y a ce livre, Eddy Mitchell, ma discothèque idéale par Alain Artaud-Macari et Marc Maret aux éditions Hors Collection.
franceinfo : Malgré les années et le succès, une chose n'a jamais changé, c'est votre attachement à la musique américaine qui est devenu effectivement une philosophie. Ça signifie aussi que ça a toujours été le décor de votre vie ?
Eddy Mitchell : La musique en général, mais la musique américaine plus spécialement parce que c'est elle qui m'a fait découvrir des gens admirables, et que j'admire toujours, et qui m'a donné envie de faire chanteur.
Je me suis demandé ce qui vous avait permis de ne jamais sombrer. Le succès en a fait trébucher plus d'un et vous, vous avez toujours réussi à absorber ce succès-là.
Ce n'est pas le succès… Vous savez c'est aussi dur à digérer qu'un échec. On se demande pourquoi ça marche ? Et puis, si ça ne marche pas, on se dit : " Pourquoi ça ne marche pas ?" On se pose toujours la question. Je me suis souvent posé ces questions, mais je passe à autre chose très vite.
Je voudrais qu'on parle de votre maman parce que, quand on pense à la musique américaine, on pense à elle et au premier disque de Bill Haley, Rock Around the Clock. Que vous a-t-elle apporté ?
Elle m'a apporté plein de choses, bien sûr ! Des bonnes et aussi des mauvaises puisqu'elle, elle adorait l'opérette. Quand j'étais petit, elle m'emmenait partout. Et je me souviens qu'un jour, on est allé voir Luis Mariano. Malheureusement, je ne savais pas qui était Luis Mariano et j'étais écroulé de rire quand je l'ai vu. J'étais gosse, j'avais sept huit ans et on a été obligé de quitter la salle tellement j'avais le fou rire avec ce mec qui arrivait tout en blanc, qui faisait avec son accent : " Hello, bonjourrr Grrrenade"... Et moi, je ne marchais pas. Mais bon, il n'empêche que c'était un grand, c'était quelque chose d'extraordinaire. J'ai même vu ses doublures quand il était enrhumé ou qu'il faisait autre chose, c'était Rudy Hirigoyen qui le remplaçait. Ce dernier était plus petit que Mariano mais portait les mêmes fringues. Vous imaginez ? Et puis il y avait aussi Georges Guétary qui me faisait hurler de rire.
Elle vous a donc transmis cette culture ?
Oui, oui, elle m'a transmis cette culture, mais moi, j'en ai gardé un souvenir adorable, qui était drôle, et qu'elle prenait au premier degré.
Vos parents étaient pauvres et pourtant vous n'en gardez aucun côté négatif, comme si vous aviez décidé dès le départ, même enfant, que la vie serait belle.
Oui, je crois. Mais je pense que j'avais aussi des parents extraordinaires. Et puis un frère et une sœur formidables, donc ça aide énormément.
Alors, que vous ont transmis vos parents ?
Mes parents m'ont transmis le fait de profiter de la vie et de la prendre telle qu'elle vient. C'est-à-dire que les bonnes choses comme les mauvaises, on les prend. Ça, c'est formidable.
Vous allez assister à un concert de Bill Haley and the Comets à l'Olympia de Paris en 1958. Là, c'est une gifle que vous prenez.
Ah oui bien sûr ! Aujourd'hui, cela paraîtrait désuet et même complètement ringard peut-être, mais son orchestre et lui jouaient rideaux fermés. Je me souviens de l'intro de The Saints Rock’n’roll et on attendait qu'ils ouvrent le rideau ! Et quand le rideau s'ouvrait, ils arrivaient vers nous en courant. C'était une force incroyable.
Avez-vous compris à ce moment-là que vous aussi vous alliez tout faire pour monter sur scène ?
Pas forcément monter sur scène, mais essayer de chanter oui.
C'est très étonnant parce qu'en fait, enfant, vous étiez assez timide. Et il faut oser chanter, il y a une espèce de dualité là-dedans.
Oui, mais justement, ça aide à combattre. Ça combat la timidité. On passe à autre chose, on va de l'avant et ça, c'est important.
Comment ça se passait à la maison entre votre père, qui était fan de l'Amérique comme vous, et l'opérette ?
Mon père, lui, était fan de cinoche, pas de musique. Lui, c'étaient le cinoche et les bouquins. Mais la musique ne l'intéressait pas beaucoup.
"Au début, mes parents se sont marrés que je devienne chanteur et après, ils étaient quand même étonnés que ça marche !"
Eddy Mitchellà franceinfo
Je voudrais qu'on parle du titre Route 66 qui est un titre incontournable. J'ai l'impression que toute votre vie est résumée à l'intérieur de cette chanson.
Oui, parce que c'est un endroit magique mais qui appartient au passé, puisque la route 66 n'existe plus pour ainsi dire. J'ai tourné un clip là-bas, dans un endroit formidable. Et le type qui louait l'endroit a fini par me dire : "Vous savez, tout est faux parce qu'on l'a construit pour les besoins d'un film. Tout est pipeau." Donc ça fait mal au cœur.
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