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Fanny Ardant : "J'aime les gens qui ont une sorte de chagrin d'amour qui vont passer leur vie à s'exprimer"

Chaque jour, une personnalité s'invite dans le monde d'Elodie. Aujourd'hui, l'invitée est l'immense comédienne césarisée Fanny Ardant qui a récemment joué "La passion suspendue" de Marguerite Duras, adaptée et mise en scène par Bertrand Marcos au théâtre de l'Œuvre.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Fanny Ardant lors du Festival international du film de Rome, le 20 octobre 2019 à Rome (Italie). (TIZIANA FABI / AFP)

La passion suspendue - Entretiens avec Leopoldina Pallotta della Torre est un ouvrage de Marguerite Duras publié après sa disparition en 2013. Dans cette pièce, Fanny Ardant revêt les habits de Marguerite Duras, pour qui elle voue une véritable admiration, et elle nous offre les pensées de l'écrivaine au soir de sa vie : l'amour, ses succès littéraires mais aussi son regard sur la société.

Fanny Ardant se sent proche de l'auteure et explique qu'à chaque fois qu'on lui demande ce qu'elle aimerait jouer au théâtre, elle répond : "Je cherche et puis je dis un petit Marguerite Duras ? Je pense qu'on n'a jamais fait le tour de tout. Je suis de nature obsessionnelle et elle aussi."

J'aime les gens dont l'univers a été obsédé par l'amour, l'amour qu'on attend, l'amour qu'on a détruit, l'amour qu'on a construit

Fanny Ardant

à franceinfo

Fanny Ardant est une enfant choyée et parle de son enfance : "Très protégée, très aimée. Très vite mes parents m'ont parlé de l'indépendance d'esprit, l'amour de l'être humain, être libre". Femme de caractère et forte de cette liberté de penser, elle raconte qu'on lui a demandé quelque fois de "m'excuser de ma pensée. Alors ça je veux bien m'excuser pour ceux qui en ont souffert mais pas la rétracter. Sinon on va tous penser pareil ?".

Les études d'abord

Cette liberté qu'elle a fait sienne vient de son père qui, de part son métier d'officier, aurait pu être rigide mais comme elle répondait aux gens qui lui posaient la question : "C'était un cavalier et par définition, un cavalier sur un cheval, il est souple". Fanny Ardant baigne donc dans la littérature, la musique dans un milieu protecteur. Comme pour beaucoup d'enfants qui émettent le souhait de devenir acteurs, leurs parents gagnent du temps en les enjoignant à faire leurs études d'abord. Elle fait donc des études universitaires à l'IEP d'Aix-en-Provence en Relations Internationales tout en avouant : "Mais j'ai choisi les plus courtes". Elle obtient son diplôme aisément et se tourne vers le théâtre malgré les incompréhensions de son entourage qui imagine une belle carrière plus sûre.

J'ai fait mes études comme un passeport pour la liberté

Fanny Ardant

à franceinfo

La femme d'à côté de François Truffaut en 1981 fait basculer sa carrière mais c'est bien plus que cela pour Fanny Ardant. Elle sera la dernière compagne du réalisateur et mère de Joséphine en 1983 et en parle de la plus jolie des façons : "Vous savez la vie quelques fois elle vous donne tout. Un film dans lequel tout ce qui était dit dans ce film, c'était tout ce à quoi je croyais. Un grand metteur en scène, un grand rôle, un grand acteur. Tout. D'un seul coup, jouer avec Gérard Depardieu c'était comme rentrer sur la piste avec un grand danseur".

Comme beaucoup de comédiens, Fanny Ardant ne se retourne pas sur sa longue carrière, ses rencontres avec André Delvaux, Alain Resnay, Costa Gavras, François Ozon, Patrice Leconte, Claude Berri et tant d'autres, elle poursuit son chemin. Elle précise qu'elle n'est pas une "Théoricienne du cinéma", qu'elle ne sait pas raconter les films.

Je ne sais pas parler des films, je les ai vécus avec excitation, enthousiasme. J'ai très peu tourné avec des metteurs en scène qui disaient que c'était un métier comme un autre. Non, c'était un privilège

Fanny Ardant

à franceinfo

Un César "comme une glace"

Le film Pédale douce de Gabriel Aghion lui offre le César de la Meilleure actrice en 1997. Fanny Ardant a un recul amusant en parlant de cette récompense tant espérée par beaucoup d'acteurs ou d'actrices :"J'ai toujours pensé que les prix c'est comme enfantin c'est-à-dire qu'il faut recevoir un prix comme quand on était enfant, on recevait une glace. Il y a ce plaisir absolu du moment mais vous voyez comme ça fond très vite une glace. Mangez-la, ne vous posez pas de questions. Est-ce que c'était mérité ou pas ? Vous vous en fichez. Ce n'est pas de ça que vous vous souviendrez. Vous ne vous souviendrez pas des décorations, de la gloire. Vous vous souviendrez de la joie ou de la douleur mais vous ne vous souviendrez pas de tout ça".

Fanny Ardant carbure à l'amour : "Ce métier quand je l'ai fait, je l'ai fait avec passion, je ne me suis jamais ennuyée". Cela vaut pour le cinéma mais aussi pour le théâtre qui fût un vrai coup de foudre et qui pour elle structure un comédien : "Je pense qu'un acteur de cinéma doit rentrer au théâtre parce qu'il se créé". Et elle explique qu'elle choisit des pièces qui lui ressemble, qu'elle revendique : "Il fallait toujours que je trouve comme les chiens de la forêt quelque chose où je me dirais c'est à moi".

Fanny Ardant aime aussi la musique et c'est donc tout naturellement qu'on la retrouve, peut-être là où on ne l'attendait pas, dans les clips de Vincent Delerm, de Mika, ou encore à chanter avec Véronique Sanson sur Amoureuse. Elle écoute sans arrêt la radio et ses goûts musicaux sont éclectiques de l'opéra à Nina Simone : "J'aime les gens qui ont une sorte de chagrin d'amour qui vont passer leur vie à s'exprimer".

La poésie de Fanny Ardant en fait une femme mélancolique : "Comme si la mélancolie était une jouissance aussi, il y a des choses bien et des choses pas bien".

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