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François Hollande : "Président, ce n'est pas là pour la gloire, et de ce point de vue, je n'ai pas été déçu !"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, François Hollande.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'ancien président de la République François Hollande dans ses bureaux parisiens le 4 novembre 2020 (BERTRAND GUAY / AFP)

L'invité du "monde d'Elodie", lundi 11 janvier, est l’ancien président de la République François HollandeLe 6 mai 2012, il est devenu le septième président de la Cinquième République, fonction qu'il a quittée le 14 mai 2017. Auparavant, il a été maire de Tulle, député européen, président du conseil général de la Corrèze, premier secrétaire du Parti socialiste. Il préside aujourd'hui la fondation La France s'engage, qui soutient des projets axés sur l'engagement et l'innovation sociale. Et il publie Leur Etat expliqué aux jeunes et aux moins jeunes, aux éditions Glénat Jeunesse. Un manuel ludique qui explique à tous les publics ce qu’est l’Etat. L’ancien président revient sur les raisons de son implication dans cet ouvrage destiné à la jeunesse et sur son expérience du pouvoir.

Elodie Suigo : Depuis quelques mois, avec les éditions Glénat Jeunesse, vous vous êtes lancés dans la publication d'albums dans la collection "Quand ça va quand ça ne pas". Le premier volet s'intitule Leur République expliquée aux jeunes et aux moins jeunes et le deuxième volet vient de paraître : Leur Etat expliqué aux jeunes et aux moins jeunes. C'est un énorme succès dès son lancement. Pourquoi vous êtes investi dans ce projet ?

François Hollande : Pour dire franchement la vérité, je n'y avais pas pensé moi-même. Et puis un jour, Maureen Dor, une éditrice des éditions Glénat, est venue me solliciter en me disant : ce serait bien que vous puissiez expliquer avec votre propre expérience ce que sont nos institutions, ce qu'est la République. Et je me suis prêté au jeu. Ils m'ont posé toutes les questions qu'un enfant pouvait adresser à un ancien président. Ce que c'est que la République, ce que c'est que la démocratie. Que fait exactement le président ? Bref, j'ai donc fait ce premier ouvrage qui était destiné aux enfants et qui, c'était mon intention, pouvait être aussi lu par les parents, car je m'étais rendu compte combien le langage politique, combien ces concepts institutionnels étaient loin des Français. J'ai fait ce premier ouvrage et c'est vrai qu'il a reçu un accueil chez les jeunes parce qu'il est très bien illustré. Ensuite, le confinement est arrivé. La crise que nous connaissons a mis sur la table beaucoup de sujets la santé, l'éducation nationale, le rôle de l'économie, l'écologie. Je me suis dit: finalement, c'est toujours vers l'Etat que l'on se tourne et je vais expliquer aux enfants et aussi à leurs parents ce qu'est leur Etat. C'est ce voyage à l'intérieur de l'Etat que j'ai voulu décrire, raconter de mon point de vue, non pas politique, mais le point de vue d'un ancien président qui a été aussi fonctionnaire et qui connaît bien l'Etat. Et je rends hommage aux fonctionnaires dans cet ouvrage parce que s'il n'y a pas des agents publics et bien il n'y a pas le service qui est attendu.

Ce qui ressort de tout ça, c'est l'importance de l'éducation.

Oui, beaucoup d'enseignants m'ont contacté en me disant : nous, on n'a pas de manuels faciles pour transmettre et faire lire à nos élèves. Et moi, je leur dis que je ne peux pas me transformer en professeur de la République, mais que je peux fournir ces éléments : vous pouvez les utiliser librement, moi, je ne touche aucun droit d'auteur. Tout ça est reversé à des associations. C'est votre propriété. Cet outil, il est à la disposition des enseignants parce que c'est dans l'école que ça doit se produire.

Le 16 octobre dernier, un professeur d'histoire géographie, Samuel Paty, était assassiné, décapité en pleine rue en sortant du collège dans lequel il exerçait son métier d'enseignant. Comment vous avez réagi quand vous avez appris cette nouvelle ?

D'abord, devant l'horreur du geste, en pensant au professeur, à sa famille et à tous les enseignants de France qui se sont dit : est-ce que ça n'aurait pas pu nous arriver à nous aussi ? Et j'ai pensé bien sûr, aux attentats que moi, j'avais affronté durant mon mandat. Lorsque j'étais président, c'était Daech, l'Etat islamique qui était puissant et qui avait organisé des attentats. Mais là, il ne s'agit plus d'une organisation qui a un territoire et qui diligente des attentats, il s'agit d'individus qui sont finalement pris par une propagande et qui peuvent aller jusqu'à tuer un enseignant et peu de temps avant, essayer de tuer des journalistes. On voit bien que c'est ça qui nous menace : c'est un terrorisme rampant, souterrain, qui peut resurgir à tout moment. Et face à cette menace, il faut être d'une extrême vigilance et n'avoir aucune complaisance. Et en même temps, de ne pas perdre notre équilibre.

Ça vous a changé d'être président de la République ?

Oui, nécessairement. Prendre des décisions aussi graves, aussi lourdes au nom des autres, engager la vie même, décider d'une action militaire, d'une riposte à des actes terroristes, d'être confronté à la mort, bien sûr qu'on n'en sort pas indemne. Mais tant mieux d'ailleurs, parce que ça veut dire qu'on en sort plus fort, sûrement, mais j'espère aussi avec une dimension plus élevée de l'action publique.

Vous vous rappelez de la première fois où vous vous êtes assis dans le fauteuil de président ?

Oui, je m'en rappelle. Je me rappelle parce que je connaissais ce bureau du président de la République puisque j'avais été, très jeune, conseiller de François Mitterrand. Et c'était très rare de pénétrer dans le bureau du président, c'était un privilège de rentrer dans ce bureau. Je voyais donc la figure de Mitterrand dans ce bureau. Puis ensuite, Jacques Chirac, devenu président de la République, m'avait reçu, j'étais chef du Parti socialiste et on avait de bonnes relations. Et donc je retrouvais le bureau. Et puis ensuite, je me suis dit: mais c'est moi qui suis maintenant dans ce lieu, celui de la décision. Et donc, je me suis senti fier, honoré d'être dans ce bureau. Mais je me suis dit très rapidement: c'est un bureau de travail. On n'est pas là pour l'apparence, on n'est pas là pour l'apparat, on n'est pas là pour la gloire, et de ce point de vue, je n'ai pas été déçu ! On est là pour l'action.

"Quand ça va quand ça va pas - Leur Etat expliqué aux jeunes et aux moins jeunes", éditions Glénat Jeunesse. Droits reversés en totalité à une association qui lutte contre les violences faites au femmes. Pour le premier ouvrage "La République expliquée aux jeunes et aux moins jeunes", les droits sont reversés à Bibliothèque sans frontières.

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