Gilbert Montagné : "J'essaie de rester digne de l'amour que me donne le public"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 4 octobre 2024 : l’auteur, compositeur et interprète Gilbert Montagné. Aujourd'hui, il sort un livre de comptines intitulé "On chante ! On danse !" chez Fleurus.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le chanteur Gilbert Montagné, en concert à Sens, le 6 juillet 2024. (FRED DUGIT / MAXPPP)

Gilbert Montagné est auteur, compositeur et interprète et n'a jamais cessé de nous accompagner avec ses chansons classées dans la catégorie Tubes comme Les sunlights des tropiques, The Full, On va s'aimer et tant d'autres. Ce qui le représente le plus, d'une part, c'est sa voix à la tessiture assez impressionnante, son jeu de piano et son sourire. Depuis sa naissance, il est privé de ses yeux et pourtant son regard sur le monde et sur la vie force le respect. Aujourd'hui, Gilbert Montagné un livre de comptines intitulé On chante ! On danse ! Chez Fleurus.

franceinfo : On danse ! On chante ! Ce sont cinq comptines indémodables de notre enfance, cinq comptines écrites et mise en musique par vous-même avec aussi des illustrations de Thierry Manes. Comment vous êtes-vous retrouvé dans cette aventure ?

Gilbert Montagné : Ce qui m'a vraiment plu avec ça, c'est que ça m'a ramené vers ma petite enfance. Quand j'avais trois ans, j'allais dans le seul jardin d'enfants où on nous admettait en tant que non-voyant. Le seul à Paris. Et c'était un jardin d'enfants extraordinaires. Le matin, à chaque élève qui arrivait, on lui chantait une petite chanson douce et c'était fantastique parce qu'ils avaient compris notre mode d'appréhension des choses et de vision. Il n'y a pas qu'une sorte de vision, il y a la vision des yeux. Je suis sûr que ça doit être très bien, moi, je n'y connais rien du tout, donc je ne sais pas. Il y a aussi une autre vision, c'est la vision d'esprit. C'est la vision de la croyance au possible. C'est ce qui m'a toujours porté depuis la couveuse en fait, la croyance au possible.

Je voudrais qu'on en parle de cette couveuse. Vous naissez sur la table de la cuisine du petit appartement familial dans le 20ᵉ arrondissement de Paris. Vous manquez d'oxygène, alors le médecin qui habite dans la partie riche de l'immeuble vient vous visiter. Il vous met du produit dans les yeux. Il pense que vous n'allez pas survivre et puis vous partez à l'hôpital.

Ils ont fait ce qu'ils ont pu, c'est-à-dire qu'ils ont mis beaucoup d'oxygène, sinon j'allais mourir. Ils en ont trop mis, mais ils ne savaient pas à l'époque. Ce n'est pas de leur faute. Je ne leur en ai jamais voulu et je ne vois pas pourquoi je leur en aurais voulu d'ailleurs. Depuis tout petit bébé, j'ai adoré mon monde. J'ai toujours voulu communiquer avec les gens. D'abord, c'était dans ma nature et puis je savais que ce n'était peut-être pas eux qui viendraient vers moi, donc c'était à moi d'aller vers eux. Mais ce n'est pas grave.

"L'important ce n'est pas qui fait le premier pas, c'est que le premier pas soit fait. J'ai toujours cru au possible."

Gilbert Montagné

à franceinfo

Il y a un moment où ça a été très difficile pour vous. On a l'impression que ça a été un conte de fées et que ça a quand même fonctionné dès le départ, mais pas du tout. Vous avez fait la manche à un moment donné.

Oui, enfin, ça n'a pas duré longtemps, quatre ou cinq jours. Mais pour moi ça m'a paru des lustres. J'avais une boîte de café en fer et puis j'avais quelques pièces et je m'en servais pour les percussions et je chantais mes problèmes, dans la rue. Et là, je me suis rendu compte du dédain des gens quand ils voient quelqu'un faire la manche, ils ne s'arrêtent même pas. Personne ne parle. En tant qu'aveugle, ça paraît normal que tu fasses la manche. À l'école, c'est tout ce qu'on nous avait appris à ne pas faire. Oui, j'ai fait la manche parce que j'avais un petit bébé, Éric. Il fallait bien un peu d'argent pour manger et pour les couches. Mais le truc avec moi, c'est que je ne retiens pas le négatif, ce n'était pas grave, je savais que ça n'allait pas durer. Je ne savais pas ce qui allait se passer, mais je savais que ça n'allait pas durer.

Vous avez toujours cru en la vie. Vous avez toujours dit que c'était le regard des autres qui vous a toujours gêné.

Enfin gêné... C'est-à-dire que j'ai trouvé que c'était une perte de temps et un manque de croyance au possible qu'ils avaient, eux, à me regarder de cette façon.

"Les gens ne pensaient pas que je savais qu'ils me regardaient intensément."

Gilbert Montagné

à franceinfo

Et vous savez ce qui était marrant ? C'est que dans le métro, de l'âge de trois ans à l'âge de 13 ans, maman était avec moi et elle disait aux gens : "Mais alors vous n'avez rien vu ? Vous voulez sa photo ? " Et puis moi, pendant des années, j'ai donné mes photos à la sortie des concerts.

En 1971, il y a The Full et puis en 1984, il y a l'album Liberté rempli de tubes avec Les sunlights des tropiques, On va s'aimer. Que représentent ces chansons pour vous ?

Ce qui est merveilleux, vraiment, après 53 ans de carrière, c'est que par exemple, cet été, on a fait une série de concerts extraordinaires. Un public pas possible, de plus en plus de jeunes, dix ans, huit ans, 15 ans et c'est le feu ! Et ça me fait tellement plaisir que je me suis dit : OK, là j'ai envie de préparer un album. Alors, ce n'est pas ce dont on parle aujourd'hui parce que j'adore mon livre illustré pour les petits bébés d’un an à cinq ans. Mais dans quelques mois, je viendrai vous parler de mon album. Je l'ai fait parce que j'en avais envie, sinon je ne l'aurais pas fait.

Pour terminer, que représentent ces 53 années passées à nos côtés ?

Pour l'instant, j'ai une très belle vie. Je ne peux pas me plaindre. J'essaie de rester digne de l'amour que me donne le public.

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