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Guy Savoy : "La gastronomie est un art de vivre à la française"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le chef triplement étoilé, Guy Savoy. Il a publié récemment deux ouvrages : "Guy Savoy cuisine les écrivains du XVIᵉ siècle" (Editions Herscher) et "Le geste et la manière" (Editions du Cherche-Midi).
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le chef Guy Savoy, en novembre 2022 à Paris. (JOEL SAGET / AFP)

Guy Savoy est un chef triplement étoilé, désigné pour la sixième fois consécutive, en 2022, meilleur restaurant au monde selon le classement annuel La Liste. Il officie d'ailleurs depuis 2015 au 11, quai de Conty, dans l'hôtel de la Monnaie de Paris. Depuis ses quinze ans donc depuis plus de 54 ans, il exerce en cuisine. A côté de tout ça, il écrit. Guy Savoy a publié récemment deux ouvrages. Le premier, Guy Savoy cuisine les écrivains du XVIᵉ siècle aux éditions Herscher. Le second, Le geste et la manière, paru aux Editions du Cherche-Midi.

franceinfo : Le geste et la manière est un plaidoyer en faveur de la gastronomie. C'est un cri du cœur pour soutenir, après une crise sanitaire dévastatrice, la restauration, la richesse des métiers de bouche. Ce livre était nécessaire pour vous ?

Guy Savoy : Oui, absolument. C'est vrai que lorsqu'il a démarré, il y avait une place bien plus importante pour toute cette période de confinement, mais aussi pour rappeler un peu l'importance de la gastronomie et de cet art de vivre à la française. Je le rappelle, tous les pays ont une cuisine, mais nous sommes le seul pays de la gastronomie.

"La gastronomie, c'est la conséquence d'une diversité incroyable de produits uniques au monde et d'une diversité de savoir-faire qui est également unique au monde."

Guy Savoy

à franceinfo

En tout cas, la gastronomie française vous permet de vivre et de respirer. Certains sont nourris au grain, vous, vous vous êtes nourri à la gastronomie.

Je suis nourri à la gastronomie. C'est vrai que je suis tombé dans le chaudron tout petit. Un papa jardinier, une mère qui cuisinait très bien, qui a fait une buvette dans le jardin de ville. Mon père était jardinier municipal à Bourgoin-Jallieu et de cette buvette, elle en a fait au fil du temps un restaurant. Et moi, je me suis mis à la cuisine en fait, pas par passion d'en faire, je ne savais pas ce que ça représentait, mais en tout cas par le plaisir lorsque je passais à table ou même pas. Ca commence avec la pomme que préparait mon père et qui était le premier ingrédient plaisir dans la journée à la récréation du matin. J'étais un gourmand inconscient. Et après, lorsque j'ai vu tout ce que faisait ma mère, tout le travail qu'elle faisait pour faire plaisir, d'abord à sa famille, ensuite aux convives qui venaient chez elle, je suis venu à la cuisine pour l'aider, en bon fils. Et en fait, j'ai été fasciné par la transformation de la cuisine.

Vous signez d'ailleurs l'ouvrage : Guy Savoy cuisine les écrivains du XVIᵉ siècle, avec Anne Martinetti. Grande complice depuis assez longtemps puisque vous avez déjà collaboré sur Autour de Stendhal. C'est une sélection d'auteurs gourmands. C'est vrai que les écrivains du XVIᵉ siècle étaient finalement les témoins de l'évolution de la cuisine. Et d'ailleurs, ils se sont nourris des termes de cuisine pour faire évoluer leur vocabulaire.

Absolument. Ce n'est pas par hasard qu'on commence par le XVIᵉ siècle, parce qu'il se passe vraiment des choses qui sont un peu similaires à ce qui se passe chez nous. Il y a déjà de nouveaux produits qui arrivent comme la tomate, le maïs et puis on lit déjà que la viande est plutôt coûteuse. On s'aperçoit qu'au XVIᵉ siècle, ils avaient pratiquement les mêmes problèmes qu'à notre époque. Et là, c'est là qu'on commence vraiment à transmettre. C'est vrai qu'il y a des écrits, et c'est vrai que le vocabulaire de la langue française s'est enrichi à ce moment-là comme avec le mot rabelaisien 'gargantuesque'. Donc tout ça fait que cette collection démarre à cette époque. C'est un peu, je dirais en matière de cuisine et de gastronomie, ce que Les Demoiselles d'Avignon de Pablo Picasso ont été en peinture.

On a l'impression et on découvre d'ailleurs à quel point vous avez toujours les yeux qui brillent depuis que vous êtes tout petit finalement. On vous imagine dans la cuisine aux côtés de votre maman. C'est aussi ça votre force. C'est que si on prend une fleur et qu'on retire chaque pétale, on va voir à la folie, passionnément ?

Absolument. J'essaye toujours que ça s'arrête à passionnément, parce que je n'ai pas du tout envie de dire un jour : pas du tout. Et puis justement, si on revient à cette période du confinement, là, j'ai vraiment pris conscience de l'importance dans ma vie de toutes ces choses de la cuisine.

"Imaginez le matin, vous voyez arriver les produits. Vous en discutez avec vos équipes et puis après, de l'autre côté de la cloison, il y a des convives qui dégustent. On ne peut pas être plus dans le concret. On ne peut pas être plus dans l'humain. On ne peut pas être plus dans l'instantanéité."

Guy Savoy

à franceinfo

Que représentent ces trois étoiles, aujourd'hui ?

Mais c'est génial ! Je ne veux pas faire le blasé. Qu'est-ce que ça rajoute ? Eh bien à chaque échéance, chaque année, bien sûr, vous avez un peu de stress parce que quel que soit le titre, on a toujours envie de le défendre. Pas parce qu'on est compétiteur, parce qu'on bosse et qu'on a envie que le travail soit reconnu, tout simplement. Quand je dis le travail, c'est le travail des équipes, parce qu'aujourd'hui, on a heureusement une génération des 18-25 ans qui a vraiment envie de bosser. Moi, je le sens chez nous, dans notre métier. Ce sont des métiers qui se sont beaucoup assouplis, qui sont beaucoup moins difficiles qu'il y a quelques années. Mais moi, tant que j'aurai des jeunes comme ça qui ont envie de bosser, j'emploie le mot 'bosser' parce que travailler pour moi, ça ne suffit pas. Il faut dépasser ça. Donc je pense à bosser, je n'ai pas du tout envie d'arrêter. Ils m'apportent plus que je ne leur rapporte.

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