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"J'espère avoir réussi à garder l'esprit de l'histoire" : Milo Manara adapte Umberto Eco en bande dessinée érotique avec "Le Nom de la Rose"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 21 septembre : l’auteur de bande dessinée italien, Milo Manara. Il a publié, mercredi, une adaptation érotique de l’œuvre d’Umberto Eco : "Le Nom de la Rose", aux éditions Glénat.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Milo Manara (franceinfo)

Dans le monde entier, Milo Manara est considéré et reconnu comme étant le plus grand maître contemporain de la bande dessinée, notamment érotique. Ce titre et cette reconnaissance ont commencé en 1983 avec Le Déclic, une bande dessinée censurée à l'époque, en noir et blanc, qui a révolutionné le monde des bédéistes. L'histoire était simple : que ferait une femme manipulée par une machine à provoquer les désirs ? Tout comme Jean-Claude Forest avec son Barbarella, il a su proposer à l'époque autre chose, une bande dessinée différente et très adulte. Il est pour certains insolent, sans tabou et totalement débridé.

Mercredi 20 septembre 2023, il publie une adaptation de l'œuvre d'Umberto Eco, Le Nom de la Rose aux éditions Glénat. Qualifié et défini comme un policier ou thriller médiéval, ce roman avait reçu en France le prix Médicis en 1982. Il a également été adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud en 1986.

franceinfo : Quelle idée de reprendre cette œuvre incontournable ?

Milo Manara : C'est son fils, Stefano Eco, qui m'a proposé cela. Il y a déjà des années, la fille d'Umberto Eco, Carlotta m'avait demandé un dessin et donc je lui ai fait cadeau d'un dessin un peu érotique, mais je n'avais pas demandé son âge et je crois qu'elle devait être très jeune à cette époque. Quelques jours après, j'ai rencontré Umberto Eco qui m'a dit : Tu as fait un cadeau pas propre à ma fille. Il était mi-rigolard, mi-sérieux. Je pense que c'est pour cela qu'ils m'ont demandé de l'adapter en bande dessinée.

Cette histoire se déroule en l'an 1327 dans une abbaye bénédictine au nord de l'Italie. Plusieurs moines sont retrouvés morts, entraînant une enquête menée par le frère Guillaume de Baskerville afin de devancer l'église et éviter les superstitions. Comment fait-on pour garder l'âme d'une œuvre aussi importante et en même temps apporter sa pierre personnelle à l'édifice ?

C'est le travail le plus dur que j'ai fait. Comme pour une cathédrale où on enlève tout, mais il faut qu'elle tienne encore debout ! J'espère avoir réussi à garder l'esprit de l'histoire. Forcément, j'ai coupé, mais je suis très content car le fils d'Umberto Eco m'a dit qu'il a retrouvé le travail de son père dans mon interprétation.

Évidemment, il y a des femmes nues, de la sensualité. Parlez-nous du moment où vous choisissez de faire de la BD érotique.

L'érotisme, c'était quand même quelque chose de culturellement très important dans les années 1960 et il y a eu un changement énorme dans la société d'alors, emportée par la musique, par la littérature, la mode. Il y avait les Beatles, les Rolling Stones. Il y avait un cinéma très révolutionnaire. Pareil dans la bande dessinée, si on imagine Barbarella de Jean-Claude Forest, Pravda la Survireuse et Les aventures de Jodelle de Guy Peellaert.

"Ma bande dessinée fait partie du changement de la société dans les années 60. La bande dessinée a eu un rôle dans la libération sexuelle. Ce fut le déclic, même pour moi, de l'érotisme."

Milo Manara

à franceinfo

Qu'est-ce qui vous motive aujourd'hui à continuer à 70 ans passés ? Quel est votre moteur ?

La conviction que mon rôle dans la société, c'est celui-ci, continuer à raconter des histoires en dessinant. Je n'arrive pas à imaginer ma vie sans continuer à dessiner. C'est plus dur, pour les mains, pour les bras. Mais tant qu'il y aura quelqu'un pour lire mes albums, c'est ça que je dois faire.

Quel regard avez-vous sur ce parcours ? De quoi êtes-vous le plus fier ? Entre Le Déclic qui a fêté ses 40 ans et tous les personnages que vous avez proposés comme Borgia ou encore tout le travail avec Fellini.

J'ai travaillé avec Hugo Pratt, Fellini, Jodorowsky etc. C'est impossible de choisir. Je suis très fier et très heureux d'avoir eu la chance de pouvoir travailler avec trois génies comme ça. Je suis très content.

C'est quoi la suite alors ? Quelles sont vos envies ?

J'ai un projet de dessiner un scénario très court avec Frank Miller, un autre génie ! J'espère continuer encore, si j'ai la chance d'avoir la santé.

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