Jean-Jacques Annaud : "Chaque film me transforme, je change avec le monde qui change"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le réalisateur, producteur et scénariste, Jean-Jacques Annaud. Ce mercredi 16 mars 2022, il est de retour au cinéma avec une fiction construite comme un documentaire : "Notre-Dame brûle".
Jean-Jacques Annaud est réalisateur, producteur et scénariste. Réputé pour son perfectionnisme, sa minutie, son besoin de superviser chaque étape de la fabrication de ses films, il a débuté par des films publicitaires. Les rencontres ont suivi, François Truffaut ou encore Claude Berri. Ses réalisations ont été couronnées de prix et de succès comme Coup de tête avec Patrick Dewaere (1979), La guerre du feu (1981) et L'Ours (1988), qui lui ont valu le César du meilleur réalisateur. Impossible de ne pas citer des films comme Stalingrad (2001), Le nom de la rose (1986) ou L'amant (1992).
Jean-Jacques Annaudl est de retour au cinéma avec une fiction construite comme un documentaire : Notre-Dame brûle. Ce film raconte le dramatique incendie de Notre-Dame en 2019, une superproduction avec 200 collaborateurs sur le plateau.
franceinfo : Ce film est d'abord un hommage aux soldats du feu, à ceux qui nous ont permis de sauver cet édifice ?
Jean-Jacques Annaud : Non, c'est un hommage d'abord à Notre-Dame, qui est mon actrice principale. C'est ma star. C'est probablement la dame la plus connue de France. Elle a été visitée chaque année par plus de visiteurs que n'importe quel autre édifice au monde.
L'histoire tragique de Notre-Dame, c'est que cette magnifique star a été attaquée par le plus charismatique des démons, c'est-à-dire le feu. Selon les règles de Hitchcock, c'est ce qu'il y a de mieux pour faire un bon film. Il faut que le méchant soit charismatique, qu'il soit fascinant. Quoi de plus fascinant que cet être vivant ? Parce que le feu, ça se filme comme un être vivant. L'hommage aux pompiers, il est venu un peu plus tard. C'est quand je les ai rencontrés et qu'ils m'ont parlé avec tellement de simplicité, de générosité. Ce sont des gens qui décident de consacrer leur vie au sauvetage des autres.
Le sacré est toujours au cœur de vos films. Le sacré, le besoin de justesse aussi, un souci d'exactitude. Ça a toujours fait partie de vous ?
Ce n'est pas parce que je suis un maniaque, que je suis par ailleurs, mais comment voulez-vous que les spectateurs s'identifient vraiment s'ils ne croient pas à la justesse de tout ce qui environne les acteurs ? Donc, c'est par souci d'identification et permettre au spectateur d'éprouver une émotion, mais c'est aussi pour mes acteurs parce que la meilleure façon de diriger les acteurs, c'est de les habiller en fonction du rôle. C'est-à-dire que s'il y a besoin de quelqu'un qui est mal à l'aise, vous lui mettez des chaussures un tout petit peu trop serrées. Vous n'avez pas besoin de lui rappeler qu'il est mal à l'aise ce jour-là. Il faut trouver le décor qui va déjà être de la direction d'acteurs. Et ça, c'est une chose qui est peu comprise. J'ai lu des milliers de fois que j'étais un artisan qui s'occupait du détail. Oui, et ça me plaît d'être un artisan parce que j'aime bien l'idée d'avoir un métier.
"Je suis allé aux écoles pour apprendre mon métier et je n'ai pas honte de connaître la technologie du cinéma, au contraire, je jongle avec tout ça avec plaisir, avec enthousiasme."
Jean-Jacques Annaudà franceinfo
Il y a un déclic quand vous êtes plus jeune, c'est La bataille du rail de René Clément. C'est vraiment un film qui vous a marqué parce qu'il renvoyait aussi un peu à votre père.
Mon papa était à la SNCF, donc moi, j'ai vécu dans le parfum du train. La seule chose chère qu'il avait, c'était une montre et quand on prenait le train, souvent parce que les billets étaient gratuits, il regardait sa montre, on était à moins 30 secondes. Coup de sifflet. On arrivait à zéro et le train s'ébranlait. Et il disait : "La SNCF tout de même, on dira ce qu'on voudra !"
Vous avez commencé à tourner vos premières images à 11 ans.
Oui, 11 ans avec une caméra qui s'appelait Christen et j'ai toujours le petit film en 8 mm. J'étais fils unique. Je n'aimais pas trop qu'on me dérange, je n'ai mais pas jouer au ballon et tout ça.
Vous vous êtes intéressé très vite à l'histoire, et même à la préhistoire. C'était aussi pour pouvoir aller encore plus loin dans votre travail ?
Toute mon enfance, je prenais mon vélo et j'allais photographier des chapelles, des églises. Je ne suis pas croyant, mais je crois en la beauté. Je crois en l'art. Je crois dans les lieux de prière, les lieux où on se rencontre pour les moments essentiels de la vie ou d'après la vie.
"J'ai le sentiment qu'on peut tout faire au cinéma. Il n'y a rien qui doit arrêter. Il faut se laisser porter par le rêve et fabriquer le rêve pour que le public rêve avec nous."
Jean-Jacques Annaudà franceinfo
Comment vivez-vous cet amour du public ?
C'est la récompense absolue. Il y a toujours des moments difficiles. Il y a des fois des choses difficiles à lire sur soi. Mais vous savez, je n'ai jamais imaginé que j'allais, moi qui ne voyais jamais aucun film américain, passer huit ans de ma vie au cœur de ce qu'on appelle Hollywood. Mais j'ai vécu ça tout simplement. On disait : "Annaud va être broyé par le rouleau compresseur", mais je leur ai dit : attendez, c'est moi qui conduis le rouleau compresseur.
Quel regard avez-vous sur votre parcours ? Est-ce que vous êtes heureux ?
Je suis heureux tout court ! Le parcours, je n'y pense pas du tout. Je ne regarde pas dans le rétroviseur. Je regarde ce que je fais maintenant, ce que je vais faire cet après-midi. Jean Renoir disait : "On est toujours l'homme de son dernier film". C'est que moi, chaque film me transforme, m'apprend des choses et le monde change. Moi, je change avec le monde qui change. Je me déciderai dans quelques mois parce que je veux avoir ce même enthousiasme. Une chose est sûre, c'est que si je ne me réveille pas chaque matin en étant joyeux à l'idée d'écrire le scénario et de faire le casting ou de faire des repérages, eh bien le film ne sera pas bien. Il faut entraîner par l'enthousiasme.
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