Jacques Dutronc se confie sur son amitié avec Serge Gainsbourg : "Je ne voulais pas le rencontrer au départ"

L’acteur et chanteur, Jacques Dutronc est l’invité exceptionnel du Monde d'Élodie Suigo du 8 au 12 juillet 2024. Cinq jours pour remonter le fil de sa vie professionnelle et personnelle.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Jacques Dutronc et Serge Gainsbourg participent à l'émission "Numéro un" en octobre 1976. (ALAIN LIENNARD / INA / AFP)

Jacques Dutronc est considéré comme l'un des plus grands artistes français. Il nous accueille dans son refuge, son havre de paix à Monticello en Corse. Quand on dit : "Jacques Dutronc", on pense à la musique évidemment avec une vraie incarnation, une réelle présence sur scène et à ses titres cultes devenus des madeleines de Proust : Et moi, et moi, et moi (1966), J'aime les filles (1967), Il est cinq heures... Paris s'éveille (1968), Les Plays-Boys (1966) ou encore Merde in France (1984). On pense aussi au cinéma quand on parle de lui, avec comme point de départ en 1973 le film Antoine et Sébastien de Jean-Marie Périer ou Maurice Pialat qui lui confia en 1991 le rôle de Van Gogh avec au final, le César du meilleur acteur. Tous ces ingrédients, on les retrouve dans ses mémoires, Et moi, et moi, et moi , aux éditions du Cherche Midi. Un ouvrage drôle, passionnant tant son humour, son autodérision et sa sincérité sonnent juste.

franceinfo : À Paris, vous vous leviez à cinq heures du matin, ou plutôt vous alliez vous coucher après cinq heures, puisque vous constatiez que Paris s'éveillait. On découvre dans ce livre que le sommeil est encore compliqué aujourd'hui.

Jacques Dutronc : J'ai toujours du mal... Et plus on est informés, je suis désolé de dire cela par rapport à franceinfo, en principe moins on dort. Par moments, il faut avoir l'oreille sélective. La timidité aussi empêche de dormir.

C’est-à-dire ?

Je ne sais pas... On a peur du lit ou de s'endormir. Le lit étant un endroit extrêmement dangereux, regardez le nombre de défunts dans les lits, c'est très dangereux !

Vous avez rencontré Jacques Prévert. Il y a toujours eu de la poésie dans ce que vous avez pu faire. Quand on écoute : Il est cinq heures... Paris s'éveille, il y a le sens du vers, le sens de l'écriture. Vous sentez-vous un peu poète ?

Non. Je trouve que pour la poésie, il faut être très sélectif. Cette chanson, elle s'est mise à se former Place de Breteuil avec les trois Jacques (Dutronc, Wolfsohn et Lanzmann). J’ai dit à Jacques : il faut faire une chanson sur Paris, contrairement à celles avec accordéon et compagnie, et c'est comme ça qu'est venu Il est cinq heures... Paris s'éveille. Et l'horaire, c'est celui que j'empruntais pour avoir de la flotte et faire des dérapages en bagnole... Boom !

Parmi les plus belles rencontres et les amis pour toujours, il y avait Serge Gainsbourg. Vous avez réalisé l'album Guerre et Pets ensemble. Vous avez travaillé tous les deux avec une bouteille et une corbeille. Vous vidiez l'une et vous remplissiez l'autre.

Oui. Il y avait plusieurs corbeilles. Il y avait un musicien, un guitariste qui s'appelait Patrick Tison qui est rentré direct dans le studio. Il nous a salués à travers la vitre et à un moment, il est venu écouter le son. Il a dit : "Mais, c'est une cave la cabine de studio". Il y avait du vin, mais partout, des cartons. Ça avait fait très fort, là. Ce n'était pas un concours... Oui, Guerre et Pets, ce n'était pas mal. J'avais fait cela parce qu’un peu de pets dans la vie, ça ne faisait pas mal. Il y avait tellement de conflits sur terre qu'un disque...

L'amitié avec Gainsbourg était très forte.

Oui, elle s'est scellée grâce à Françoise Hardy par un dîner alors que moi, je ne voulais pas le rencontrer au départ. Je croyais que lui aussi ne voulait pas me rencontrer. Moi, je disais : "mais moi non plus je ne veux pas rencontrer", mais Françoise me dit : "Mais pas du tout ! Tu te trompes. Serge voulait te connaître et toi, tu ne voulais pas". Alors j'ai répondu : "ce qui prouve que je suis normal". Non, mais c'est bien quand il y en a un qui ne veut pas et l'autre qui veut. C'est plus soudé, c'est plus fort.

"Je suis tombé sous le charme de Serge Gainsbourg, son intelligence, son humour, enfin tout !"

Jacques Dutronc

à franceinfo

On apprend aussi que vous avez fait la première partie de Gene Vincent et qu'il a tenté de vous assassiner après avoir absorbé 30 bières. Racontez-nous ce moment improbable.

Oui, j'ai joué avec lui. Il était au théâtre et il me fixait. Son anglais était assez bizarre parce que c'était de l'argot et puis, il était assez allumé, il devait avoir 38 bières dans le cornet et donc il me fixait. Il était persuadé que je lui avais volé son peigne. Il voulait absolument me tuer parce que je lui avais volé son peigne. Il y en a d'autres qui sont morts pour moins que ça. On était en tournée avec le clarinettiste André Réwéliotty qui était comme Claude Luter, ils accompagnaient très souvent Sidney Bechet et je suis parti avec lui en tournée. Mais il me fixait souvent, il trouvait que j'avais une tête de curé. Il me propose de venir avec lui dans son Hotchkiss décapotable. J'ai décliné, il m'a dit : "Ah bon, salut tête de curé !" Et il s'est tué. Ils se sont tués sur l'autoroute.

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