Cet article date de plus d'un an.

King Ju du groupe Stupeflip : "Je voulais crier du rap"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’auteur, compositeur et membre fondateur du groupe Stupeflip, Julien Barthélémy. Le 8 septembre est sorti une réédition de la bande originale du film "Parenthèse" de Bernard Tanguy, augmentée de trois titres inédits.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le chanteur du groupe Stupeflip aux Transmusicales de Rennes, le 7 décembre 2002. (VALERY HACHE / AFP)

Julien Barthélémy alias King Ju est un des membres fondateurs, avec Stéphane Bellanger et Jean-Paul Michel, du groupe français Stupeflip né en 2000. Ce groupe a cette particularité que chaque musicien a plusieurs pseudonymes, l'envie étant que chacun puisse interpréter plusieurs personnages au sein d'une entité qu'ils ont appelé 'Le Crou'. Stupeflip est indéfinissable voire indomptable, mélangeant les styles et les inspirations. Il y a du rock, des riffs énervés, parfois insolents, du hip hop, du punk californien, des bruits bizarres, parfois, de la variété, de l'électro, de la pop. Leur premier album éponyme et le titre Je Fume Pu D'Shit ont marqué leurs débuts et leur furieuse envie de dire des choses. N'en déplaise d'ailleurs à celles et ceux qui ne partageaient pas leurs convictions.

Vendredi 8 septembre 2023, il réédite dans une version remasterisée la bande originale du film Parenthèse de Bernard Tanguy sorti en 2013, augmentée de trois inédits. Pour célébrer les dix ans de tournage, il est possible de visionner le film gratuitement sur YouTube jusqu'au 8 octobre prochain. 

franceinfo : Cette réédition est-elle une nouvelle proposition, un autre travail que celui de servir un film ?

King Ju : Oui. En fait, je viens du graphisme. Avant Stupeflip, je faisais de l'illustration, donc ça a toujours été en rapport avec l'image. La musique que je fais, c'est vrai, provoque des images. J'ai essayé de faire une musique, finalement, un peu aquatique, la mer, le soleil. Et il y a d'ailleurs des petits bouts de sons comme ça dans Stupeflip. C'était pour contrecarrer l'univers qui est quand même assez sombre et dur.

Je voudrais connaître le point de départ de Stupeflip. Comment est né le groupe ? Je sais qu'il y a une maquette qui a beaucoup tournée, transmise par votre voisin de palier.

Je crois que c'était en 1993. Je suis parti à New York. J'y suis resté six sept mois. C'étaient les débuts du Wu Tang Clan, West Coast Band, Dr Dre. Et puis, je suis rentré à Paris. Je me disais que les mecs dans le rap en France ne gueulaient pas. Je voulais crier du rap, donc j'ai écrit ce morceau Stupeflip. La maquette existait depuis 1994 et six ans après, j'ai absolument voulu reprendre cette maquette et en faire quelque chose de plus électro. J'ai refait une prise de voix et après ça a donné ce morceau Stupeflip. D'ailleurs, je le dois au hip hop à la base, mais aussi à un mec qui s'appelle Albert Dupontel et à ses premiers sketches, celui de Rambo ou celui où il passe le bac en disant "Jean-Paul Sartre, Jean-Paul Sartre…" On va dire que c'est un mélange entre ça et le rap américain.

Très vite, l'art vous a attiré, en tous cas le milieu artistique. Je voudrais savoir justement ce que votre père, qui était peintre, vous a transmis. Il a reçu le Grand Prix de Rome, il a été à la Villa Médicis pendant plus de quatre ans. C'est quelqu'un qui était extrêmement reconnu. Est-ce que vous même, le fait de découvrir ses toiles vous a donné envie de tisser votre toile ?

L'atelier était le cœur de l'appartement où j'ai grandi et il mettait une pression terrible. Parfois, il faisait une toile pendant six mois. Il la détruisait au cutter, en hurlant donc, cela mettait une ambiance...

"C'était un brave gars, mon père, mais il était complètement obsédé par sa peinture. Je n'ai pas le souvenir qu'il m'ait parlé une seule fois quand j'étais petit et cela a créé une espèce de tension."

King Ju du groupe Stupeflip

à franceinfo

Moi, je suis vraiment né dans la tension et c'est pour ça que dans Stupeflip, on retrouve cette tension. Moi, je déteste la violence, mais quelque part, quand je crie, c'est un peu la voix de mon père. C'est comme s'il vivait un peu à travers moi. C'est pour ça que j'ai d'autres personnages beaucoup plus calmes, pour un peu calmer le jeu.

Justement, est-ce que Stupeflip vous a permis de calmer tout ça, de vous faire du bien ?

Je n'ai jamais pensé que ça me rendrait heureux, non. Par contre, quand je travaille sur mon truc, il y a des petits moments où je suis vraiment heureux. Je suis plus heureux que n'importe quel milliardaire. Mais bizarrement, non, ça ne m'a pas rendu plus heureux dans ma vie. Justement, depuis que j'ai arrêté tout ça. Depuis un an à peu près, j’essaye vraiment de penser à moi, de m'analyser pour essayer d'aller mieux parce que je ne suis pas quelqu'un qui va forcément très, très bien. D'ailleurs, il paraît que la dépression est un signe d'intelligence, donc je dois être très intelligent !

L'important, c'est de ne pas trop sombrer dans cette dépression.

Exactement. Mais en tout cas, avec Stupeflip, la forme est parfois un peu dure, un peu sombre, mais on sent qu'il y a quand même quelque chose de positif.

On vous a toujours vu avec un masque. Là, vous portez un bonnet et des lunettes noires...

Un benêt oui ! Vous avez un vrai benêt, là !

Est-ce que c'est aussi une façon d'affronter le monde ?

Le coup d'être masqué... Un jour, on m'a demandé : "Pourquoi êtes-vous masqué ? Votre masque fait peur". Moi, ce qui me fait peur, c'est surtout ceux qui montrent leurs têtes parce qu'il y a un tel ego chez les artistes. Je trouve ça terrifiant. Je n'ai pas envie qu'on me reconnaisse dans la rue. De temps en temps, on me reconnait à la voix. Ceci étant dit, bizarrement, parfois, j'aimerais qu'on me reconnaisse.

Que vous a apporté Stupeflip en 23 ans ?

Payer le loyer parce que franchement, avant Stupeflip, j'ai galéré six, sept ans, mais vraiment galéré.

"Je sais ce que c'est que la galère. Je suis arrivé dans ce milieu-là, j'avais 33 ans. Stupeflip me permet de vivre de mon art. C'est terrible, c'est terre à terre, mais c'est vrai."

King Ju du groupe Stupeflip

à franceinfo

C'est quoi la suite ?

J'ai envie de faire une série de science-fiction. Si je vis encore assez longtemps pour faire ça, je pense que ça va être encore plus dingue que Stupeflip parce que je dessine pas mal en fait. Et là, je suis en train de créer une histoire et je voudrais faire une petite série d'épisodes assez courts. Ça va mettre du temps.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.