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"La rafle des notables" d'Anne Sinclair adapté à la télévision : "L'actualité est en résonance tellement forte avec ces époques passées"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la journaliste et écrivaine, Anne Sinclair. Ce mercredi 23 mars, sur France 2, sera diffusé un documentaire adapté de son livre : "La rafle des notables".

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La journaliste et directrice du site du "Huffington Post" Anne Sinclair pose au siège social du Monde à Paris, le 10 janvier 2012.  (MIGUEL MEDINA / AFP)

Anne Sinclair est journaliste, franco-américaine. Elle a d'ores et déjà marqué plusieurs générations et l'histoire de la télévision à travers des émissions qu'elle a présentées, mais surtout incarnées. On pense à 7 sur 7, ou encore Questions à domicile. Elle écrit également depuis 1982 et quelques jours avant le premier confinement, elle a publié La rafle des notables, un ouvrage mémoriel qui retrace l'histoire d'une rafle de personnalités juives, survenue le 12 décembre 1941 à Paris.

C'est aussi un ouvrage familial puisque son grand-père paternel, Léonce Schwartz, a fait partie de cette journée d'arrestations et de déportations, tout comme 743 autres Juifs. Ce livre est devenu un documentaire adapté par Gabriel Le Bomin, diffusé ce mercredi 23 mars 2022 sur France 2.

Le réalisateur a, non seulement, réussi à garder l'âme de son écriture, mais aussi à apporter des compléments, en faisant appel à des historiens pour remettre ce morceau de l'histoire très important dans la grande Histoire.

franceinfo : C'est votre voix qui nous accompagne tout au long de ce documentaire. Vous dites : "Cette histoire me hante depuis l'enfance". Est-ce que, justement, le travail que vous effectuez, que vous avez effectué a permis de combler des failles ?

Anne Sinclair : Assez peu pour tout dire, parce que c'est une histoire, curieusement, qui ne m'a pas été transmise par ma famille qui, pourtant, n'était pas avare de détails. Il n'y avait pas de sujet tabou, mais mon père était dans la France libre, il n'avait sans doute pas eu connaissance des détails. Il est arrivé juste à temps pour voir mon grand-père mourir des suites de cet internement de trois mois à Compiègne. Mon grand-père, que je n'ai pas connu, est mort dans son lit et pas dans une chambre à gaz, ce qui fait une différence.

C'était au début de l'organisation nazie et donc il y a eu des ratés dans la bureaucratie. Ces ratés ont permis des espaces. Un des voisins de mon grand-père, Louis Engelmann, qui a écrit ses mémoires en sortant et qui lui aussi est mort des suites des maltraitances atroces subies, a réussi à être sauvé miraculeusement. Il habitait le même immeuble. Ils ont été raflés le même jour.

Les Allemands avaient tout à fait connaissance de l'endroit où habitaient ces Juifs, qu'ils avaient surnommés 'Notables' ou plus exactement 'Influents'. Comment avaient-ils les adresses ? Ils les avaient par le fichier établi par Vichy, qui avait fait le recensement des Juifs de France dès octobre 1940, ce qui contrevient un petit peu à la théorie qu'on peut entendre, ici ou là, comme quoi Vichy aurait protégé les Juifs de France.

Anne Sinclair

à franceinfo

743 Juifs avec quasiment tous la Légion d'honneur et la Croix de guerre.

Exactement. Il y avait un sénateur de la République, Pierre Masse, qui était un homme extraordinaire, il avait été directeur de cabinet de Clémenceau et ministre. René Blum déporté à Auschwitz et d'après les témoins, jeté vivant dans un four crématoire. Il y avait des dentistes, des présidents de cour d'appel, des gens qui étaient installés dans la vie française. Ce qui est terrible, c'est que chacun se voyait dans le visage de l'autre.

Est-ce qu'en faisant ce travail, vous vous êtes rendu compte que vous aviez beaucoup de votre grand-père que vous avez redécouvert différemment et tardivement ?

Peut-être la devise de ma grand-mère. C'était : "On serre les dents et on ne se plaint pas". Je trouve que l'époque actuelle est en résonance tellement forte avec ces époques passées. Quelle est la limite de notre résistance ? Quelle est la limite à notre volonté de paix ? Je pense que tout ce travail est très utile pour des générations qui ne connaissent pas directement l'Histoire.

Que vous apporte l'écriture, aujourd'hui ? C'est un exutoire ?

L'écriture est un espace infini.

Anne Sinclair

à franceinfo

C'est un bonheur. Peut-être suis-je nostalgique du temps où on avait du temps pour s'installer, pour expliquer, pour raconter, pour analyser.

Quel rapport vous entretenez avec votre voix ?

Je la connais à peine. Je suis toujours surprise de l'entendre parce que dans les émissions de télévision, les nombreux 7 sur 7, il y en a eu 500, je ne les avais jamais revus parce que je déteste me voir. Je déteste m'entendre. Je suis très critique vis-à-vis de moi et c'était un effort que m'a demandé Gabriel Le Bomin, d'être à l'image, comme un personnage qui regarde, qui écoute, qui cherche, qui traverse le camp, qui recherche dans les documents, dans les archives. Je n'avais pas du tout l'habitude d'avoir une caméra sur moi pour faire ça. J'étais empruntée.

On vous a toujours senti très solide. Est-ce que par moment, vous avez douté ?

Que ça ! D'abord, même quand on avait l'impression que j'étais maîtresse de moi-même, je ne l'étais qu'à peine. Je mourrai de terreur. Avant chaque émission, je me disais toujours : si j'avais le moindre courage, je partirais en courant. Et comme je n'avais pas de courage, je restais.

Quel est votre regard sur ce parcours, sachant que vous continuez chaque jour ?

J'ai eu une chance formidable qui est d'exercer un rêve d'enfant et que ce rêve d'enfant fonctionne, à une époque où beaucoup n'ont pas de travail ou ne peuvent pas choisir la voie épanouissante de leur travail. J'estime que c'est une chance formidable.

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