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"Le Crépuscule des fauves", nouveau roman de Marc Levy : "La résistance, c'est de ne rien laisser passer"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, l’écrivain Marc Levy.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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L'auteur Marc Levy, en mai 2019. (ARNAUD JOURNOIS / MAXPPP)

Depuis 20 ans, le romancier français Marc Levy, a été traduit en 49 langues, il a vendu plus de 50 millions d'exemplaires de ses romans et il est devenu le quatrième auteur le plus lu au monde, selon une étude GfK. Il publie le deuxième tome de sa série : Le Crépuscule des fauves, aux éditions Robert Laffont.

Élodie Suigo : Le Crépuscule des fauves est votre 22e ouvrage. C'est la suite de C'est arrivé la nuit, qui nous a permis de rencontrer neuf "Robin des Bois" d'aujourd'hui, qui jouent gros pour défendre nos libertés. Qu'est-ce que la liberté aujourd'hui, selon vous ?

Marc Levy : Je crois que c'est surtout la liberté d'expression, la liberté de penser et le plus important aujourd'hui, la liberté de vivre en phase avec l'identité que l'on s'est forgée et que l'on s'est créée. Je trouve que c'est celle qui est la plus compromise et la plus remise en cause, comme si aujourd'hui, sous la poussée des extrêmes de tous bords, sous la poussée des néofascistes, des fascistes, il fallait absolument qu'il y ait un ennemi. L'ennemi, c'est l'autre et c'est la différence.

Cet ouvrage, c'est la définition de l'homme que vous êtes devenu. Il y a un clin d'œil à votre roman Les Enfants de la liberté écrit en hommage à votre père Raymond et à ses camarades de la Résistance. Ce livre est-il un acte de résistance ?

Je n'aurais pas cette prétention-là, parce que je ne pense pas être assez courageux pour mériter ça. Aujourd'hui, vous avez des gens qui viennent sur les plateaux de télévision vous parler de la démocratie et en fait, ils ne savent pas de quoi ils parlent, parce que probablement, ils n'ont jamais été touchés dans leur chair. Moi, mes grands-parents sont morts dans les camps et gamin, quand j'étais à l'école, je ne comprenais pas pourquoi moi, je ne connaîtrai jamais ma grand-mère et mon grand-père. Mon père a été arrêté, torturé et déporté. Et je ne dis pas ça pour faire de lui un héros, je le dis parce que dans mon sang, je sais concrètement ce que veut dire le mot "oppression".

Le roman s'ouvre d'ailleurs sur cette phrase de George Orwell, extraite de 1984, son livre culte : "La dictature peut s'installer sans bruit." Cela fait, encore une fois, écho à votre histoire et à l'histoire de l'humanité.

Les gens à qui on confie aujourd'hui les rênes d'un pouvoir ont une responsabilité vis-à-vis du reste de la société. La résistance est la résistance de chacun, c'est-à-dire de ne rien laisser passer. Mes neuf hackers qui sont des lanceurs d'alerte dévouent leur vie, en dehors de leur activité professionnelle, à aller chercher cette corruption, à la dénoncer et pas dans le but de dénoncer mais pour prévenir.

Et surtout, susciter cette fameuse justice, contre laquelle il y a parfois une défiance.

Des années de travail ont été nécessaires pour arriver à cette conclusion et se rendre compte que les moyens économiques, l'argent mis à la disposition de la propagation des fausses nouvelles est 100 fois supérieur à l'argent dont bénéficient les vrais informateurs. C'est-à-dire que vous avez aujourd'hui une poignée d'hommes, aux richesses illimitées, qui investissent dans la désinformation 100 fois plus d'argent que nos gouvernements démocrates n'en mettent à la disposition de la vraie information.

franceinfo lutte quotidiennement contre la désinformation, avec plusieurs rendez-vous, comme "Le vrai du faux", car effectivement c'est un phénomène de société. Vous parlez beaucoup des réfugiés syriens dans cet ouvrage, cette situation vous peine ?

Quand j'étais enfant et qu'on nous parlait des atrocités de la Deuxième Guerre mondiale, dans l'innocence de l'enfance on demandait : "Pourquoi ? Comment a-t-on pu laisser faire ça ?" Il y avait une culpabilité de la génération qui nous éduquait. Mais face à cela, il y avait une promesse, qu'on a entendue pendant 20 ans : "Plus jamais ça." Et puis on l'a oubliée en chemin, cette promesse. On a oublié le drame syrien. Alors des gens vous diront qu'on ne peut pas sauver le monde, mais je pense qu'on a commis une erreur terrible de vocabulaire. Quand j'ai entendu au tout début du conflit syrien, sur les chaînes d'information, dans les journaux, l'usage du mot "migrants" à la place du mot "réfugiés", je savais qu'on allait vers une catastrophe humanitaire.

Êtes-vous heureux ? On sent, depuis Les Enfants de la liberté, comme un déclic, il s'est passé quelque chose en vous. 

Cela s'est passé très tôt chez moi et c'est pour ça que je suis rentré à la Croix-Rouge à 18 ans. Après, il y a eu un combat toute ma vie contre la pudeur qui fait que cette révolte, cette envie de participer à une société, cette envie de combattre l'injustice, j'arrivais à la manifester dans l'action. J'étais tellement pudique, timide et embarrassé de parler, que je le faisais dans l'action et dans le quotidien, mais jamais dans la parole. Peut-être qu'à force d'écrire, j'ai trouvé un certain calme, un apaisement, qui m'a permis de me dire que cette action, je pourrais aussi la conduire à travers l'écriture et à dire des choses. Alors, je l'ai fait par petite touche. Par exemple, en Turquie, quand ils ont découvert que mes grands-parents étaient turcs, on m'a mis dans les auteurs turcs. À la seconde où ça s'est fait, j'ai écrit un livre sur le génocide arménien, le livre a été censuré pendant deux ans et puis mon éditeur turc a fini par le publier.

Votre roman est addictif, il nous fait voyager...

Moi, j'adore être accro à un livre, il n'y a rien de meilleur que ce genre d'addiction-là et en plus, ça ne fait pas grossir, donc c'est formidable !

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